Contenu du sommaire
Revue | Revue Française de Science Politique |
---|---|
Numéro | vol. 65, no 2, 2015 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les rituels de vote en France et au Royaume-Uni - Florence Faucher, Colin Hay p. 213-236 Le vote est une pratique symbolique. Pourtant, les politistes tendent à se focaliser sur les résultats des élections ou sur les motivations du vote, en oubliant la signification symbolique de la pratique elle-même et celle qu'elle a pour les participants. Dans cet article, nous attirons l'attention sur cette dimension à travers une analyse des rituels de vote et France et au Royaume-Uni. Nous considérons ce que les électeurs font lorsqu'ils votent. En particulier, nous nous interrogeons sur la manière dont le choix de l'électeur est conçu comme une performance publique ou comme un acte accompli en privé et en secret. Nous considérons comment des pratiques, typiquement tenues pour évidentes et pourtant distinctes, nous aident à mieux comprendre dans quelle mesure ces actes reflètent des frontières différentes du public et du privé dans les deux pays, et contribuent à construire des conceptions singulières nationales du système politique et du citoyen dans le processus démocratique.Voting rituals in France and Britain
Voting is a symbolic practice. Yet, political scientists tend to focus either on the outcomes of elections or on citizens' motivations to vote in the first place – typically by building models of the former on assumptions made about the latter. By doing so, they forget the symbolic significance of the practice itself and the meaning it has for the participants. In this paper, we seek to restore a focus on this symbolic dimension, through an analysis of voting rituals in France and Britain. We explore what citizens do when they vote. In particular we pay attention to how the voter's choice is constructed as either something that can be performed and hence displayed publicly or as irredeemably secret and private. We consider how such typically taken-for-granted practices help us understand the extent to which these actions reflect divergent assumptions about the boundaries of the public and the private and contribute to construct particular visions of the polity and the place of citizens in the democratic process. - La production de l'acceptabilité sociale : Privatisation des services d'eau et normes sociales d'accès en Amérique latine - Pierre-Louis Mayaux p. 237-259 Pourquoi des politiques de privatisation apparemment très formatées ont-elles provoqué, en Amérique latine, d'amples mouvements de protestation dans certains cas et pas dans d'autres ? En comparant deux privatisations des services urbains d'eau potable, cet article met au jour des ajustements différenciés entre les anciens systèmes de normes et d'attente et les nouveaux systèmes de normes néolibéraux (accommodement normatif versus choc normatif). La nature de ces ajustements n'a toutefois pas dépendu d'un véritable travail politique de légitimation, mais de la capacité à superposer des normes demeurant étrangères les unes aux autres. Il convient dès lors de distinguer nettement la légitimité de l'acceptabilité, phénomène social caractéristique des contextes démocratiques de basse intensité.The production of social acceptability
Why did similarly packaged privatizations trigger, in Latin America, ample social protests in some cases but not in others ? By comparing two privatizations of urban water services, this article highlights different types of adjustments between previous normative systems and new neoliberal ones (normative accommodation vs. normative shock). However, far from resulting from a political work of legitimization, these adjustments depended on the capacity to layer new norms on top of others and to keep them mutually apart. This leads to draw a sharp distinction between legitimacy and acceptability, the latter being typical of low-intensity democratic contexts. - Le piège rhétorique : une contrainte par la morale ? : Réflexions sur l'emprise des « arguments moraux » dans les processus d'action publique - Hélène Dufournet p. 261-278 L'article questionne les mécanismes de l'action rhétorique mobilisés dans les travaux de Relations internationales pour expliquer l'orientation normative des décisions en politique étrangère. À partir d'une enquête sur la gestion du dossier des armes à sous-munitions au ministère des Affaires étrangères, il montre comment le piège rhétorique fonctionne par la conversion d'un petit nombre d'acteurs à l'intérieur du système politico-administratif, qui trouvent dans le piège lui-même les moyens de le déjouer. Centré sur le travail concret des administrations et sur les logiques politiques et institutionnelles qui président à l'utilisation étatique des arguments humanitaires, cet article révèle comment la référence aux droits de l'homme joue autant comme une contrainte que comme une ressource de légitimité pour les institutions qui en endossent la responsabilité.The “rhetorical trap”, a constraint by morality ?
The paper questions the mechanisms of rhetorical action the International Relations scholars use to explain the normative orientation of foreign policy. This paper is based on a survey on how Ministry of Foreign Affairs' officials and civil servants handle the file on cluster munitions at the launch of the Oslo process in February 2007. It shows how the rhetorical trap works by converting a few actors within the political and administrative system, who find in the trap itself the way to thwart it. Through an analysis of the decision-making process, focusing on administrations' work and the institutional logic behind the political use of humanitarian arguments, this article reveals how the human rights reference plays as well as a constraint than as a legitimate resource for institutions. Controverse
- Pourquoi les exoplanètes sont-elles politiques ? : Pragmatisme et politicité des sciences dans l'œuvre de Bruno Latour - Ève Seguin p. 279-302 Pour rapprocher science politique et STS, Bruno Latour a proposé, dans une série d'articles publiés au milieu des années 2000, une conceptualisation du politique comme trajectoire des controverses techno-scientifiques. Le politologue Pierre Favre a critiqué cette approche. Notre article prend la position inverse et montre pourquoi la conceptualisation proposée par Latour est parfaitement acceptable pour la science politique parce qu'elle s'enracine dans le pragmatisme, qui a lui-même fortement influencé l'analyse des politiques publiques. Notre thèse est qu'en se rapprochant de la science politique, Latour s'éloigne malheureusement de sa fameuse théorie « science is politics by other means ». Il se prive ainsi de la capacité à analyser ce qui rend la science politiquement unique. Le cas des exoplanètes discuté par Latour et Favre est utilisé pour appuyer notre propos.What makes exoplanets political ?
In order to bridge political science and STS, Latour offered, in a series of papers published in the mid-2000s, a conceptualization that equates politics with the trajectory followed by technoscientific controversies. French political scientist Pierre Favre has critized his approach. Our paper takes the opposite stance and argues that the model advocated by Latour is perfectly acceptable to political science since it draws heavily on pragmatism, which in turn strongly influenced public policy analysis. We put forward that whilst getting closer to political science, Latour unfortunately moves away from his famous theory “science is politics by other means”. In doing so, he gives up the attempt to understand what makes science politically unique. To support our claim, we use the case of exoplanets discussed by Latour and Favre.
- Pourquoi les exoplanètes sont-elles politiques ? : Pragmatisme et politicité des sciences dans l'œuvre de Bruno Latour - Ève Seguin p. 279-302
Chronique bibliographique
- Lectures critiques - p. 303-317
- Comptes rendus - p. 318-345