Contenu du sommaire : Usages philosophiques de la maladie et de la médecine de l'Antiquité à l'âge classique

Revue Astérion Mir@bel
Numéro no 1, 2003
Titre du numéro Usages philosophiques de la maladie et de la médecine de l'Antiquité à l'âge classique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier

    • Présentation - Laurent Gerbier accès libre
    • La politique et la médecine : une figure platonicienne et sa relecture averroïste - Laurent Gerbier accès libre avec résumé
      L'art médical est fréquemment utilisé par Platon pour penser de façon analogique la construction de la science politique et ses difficultés. Une lecture comparée des usages de cette analogie dans le Gorgias et le Politique permet de montrer de quelle façon Platon utilise cette analogie, et à quel moment précis il s'en défait pour indiquer la différence entre un art des cas (la médecine) et un art des codes (la politique). Au contraire, Averroès, dans son Exposition sur la République de Platon, reprend l'analogie entre médecine et politique d'un point de vue épistémologique, pour mettre en évidence l'identique articulation interne que connaissent ces deux disciplines, et qui permet d'y distinguer chaque fois un art et une science, ou une pratique et une théorie. Averroès se présente ainsi, dans la mesure même où il contourne le problème soulevé par Platon, comme l'initiateur d'une longue tradition d'usage de l'analogie médico-politique, qui va se poursuivre du XIIIe au XVIe siècles pour élucider la structure épistémologique de la science politique.
    • La figure socratique : du miasme au paradigme - Marie-Hélène Gauthier-Muzellec accès libre
    • Le paradigme de l'embryon à la fin du Moyen Âge -  Didier Ottaviani accès libre avec résumé
      Le problème de l'embryon constitue au Moyen âge un paradigme problématique capable de "migrer" d'un domaine thématique à l'autre. L'embryologie transmise par la double tradition galénique et aristotélicienne étudie les rôles respectifs de la matière féminine et de la forme masculine dans la génération, posant le problème d'une matière capable de développer elle-même ses propres changements de forme, et suscitant les débats entre les positions d'Albert le Grand et de saint Thomas. La question strictement biologique du développement de l'embryon s'enrichit ainsi d'enjeux logiques (la continuité de la génération est indispensable pour penser l'unité du genre), métaphysiques (si la matière est genre, le principe masculin n'est plus qu'une différenciation du genre, ce qui conduit à renverser le primat de la forme). Enfin ce déplacement de paradigme peut également se poursuivre en politique, comme au siècle suivant avec Marsile de Padoue : l'embryon est une question mobile.
    • Les fonctions du paradigme mélancolique dans la Préface de l'Anatomie de la Mélancolie de Robert Burton - Claire Crignon accès libre avec résumé
      Au moment où paraît l'Anatomie de la Mélancolie de Robert Burton (1e édition en 1621), l'humorisme se trouve sérieusement remis en cause par les découvertes du contemporain de Burton, William Harvey, concernant la circulation du sang. Comment expliquer alors la parution de cet ouvrage qui se présente comme une somme de toutes les connaissances médicales, philosophiques ou historiques accumulées au sujet de la mélancolie depuis l'Antiquité jusqu'à la fin de la Renaissance ? L'article se donne pour objectif de comprendre quel peut être l'intérêt stratégique d'un recours au discours mélancolique et à la théorie des humeurs, lesquels deviennent sous la plume de Burton des instruments idéals permettant d'attirer l'attention sur la crise politique, sociale, économique et religieuse que traverse la monarchie anglaise de Jacques Ier.
    • A la recherche d'une définition des institutions de la liberté. - Marie GAILLE-NIKODIMOV accès libre avec résumé
      Cet article explore une dimension essentielle, et jusqu'à présent peu analysée, du langage machiavélien : les métaphores médicales et parmi celles-ci, plus spécialement les termes et expressions qui lui permettent d'énoncer ses thèses majeures sur l'ordre institutionnel propre à la liberté. L'enquête sur les sources de la théorie médicale en vigueur au tournant du 16ème siècle – le présocratique Alcméon de Crotone, le corpus hippocratique tel qu'il est transmis par Galien – montre à la fois l'importance du vocabulaire médical pour Machiavel (les métaphores médicales ne sont donc en aucun cas de simples ornements) et les libertés qu'il prend à l'égard de cette source dans la formulation de ses idées politiques. L'analyse de cet usage oriente la réflexion vers une analyse du statut de l'idée de constitution mixte chez Machiavel : les institutions de la liberté correspondent-elles à cet idéal antique, formulé en Grèce, puis appliqué à la réalité romaine par Polybe, Cicéron et Denys d'Halicarnasse. En réalité, à travers sa pensée du conflit civil, Machiavel s'éloigne de manière radicale du modèle de la constitution mixte.
  • Varia

    • Hayek lecteur des philosophes de l'ordre spontané : Mandeville, Hume, Ferguson - Eleonore Le Jalle accès libre avec résumé
      L'article discute la lecture par Hayek de trois philosophes qu'il a inscrits dans une « tradition de l'ordre spontané » : Mandeville, Hume et Ferguson. C'est à bon droit qu'une  mise en évidence, et même une valorisation, de l'ordre spontané, se trouvent identifiées par Hayek chez ces auteurs. Néanmoins, certaines distorsions peuvent être repérées dans les lectures hayékiennes. Ainsi, l'ordre spontané présent dans le texte mandevillien relève d'une évolution par croissance des institutions, des techniques et des règles humaines, ou encore d'une sélection « par essais et erreurs », mais non, comme le voudrait Hayek, d'une sélection par concurrence des groupes les pratiquant. Ainsi encore, l'ordre spontané repéré par Hayek dans l'émergence de l'ordre social et juridique chez Hume se trouve à tort identifié à un mécanisme impersonnel et abstrait de coordination des conduites analogue à la « main invisible » du marché. La convention humienne renvoie bien plutôt à une coordination consciente et résolue des actions, appuyée sur un véritable sens de l'intérêt commun. Enfin, autant Hayek repère judicieusement chez Ferguson une thématique de la formation spontanée des établissements humains, autant Hayek, en se focalisant sur l'analyse fergusonienne des mécanismes protecteurs des biens et des personnes propres aux sociétés marchandes, manque la contrepartie de ce constat chez ce même auteur, à savoir, l'analyse fergusonienne du déclin de la liberté politique dans ces mêmes sociétés marchandes. Or cette prise en compte pourrait permettre de mettre en question une opposition chère à Hayek : celle du « concept essentiellement français de liberté politique » et de « l'idéal anglais de liberté individuelle ».
    • La critique du réalisme leibnizien dans le De Motu de Berkeley. - Luc Peterschmitt accès libre avec résumé
      L'objet de Berkeley dans le De Motu est de marquer l'autonomie de la mécanique (ou dynamique) et de la métaphysique, en montrant que le concept de force tel qu'on l'utilise en mécanique ne peut servir à déterminer ce qu'il en est de la nature des choses. Pour établir cette distinction entre ces deux domaines du savoir, Berkeley à la fois s'appuie sur et critique la notion leibnizienne de force : Leibniz assure la réalité de la force dérivative (concept mécanique) en la fondant sur la forme substantielle des corps, ou force primitive (concept métaphysique), qui permet d'attribuer aux corps une efficace causale. En récusant la forme substantielle comme inconcevable, Berkeley ruine alors le réalisme leibnizien, en vertu du lien posé par Leibniz lui-même entre sa métaphysique et sa dynamique. Mais du coup, cela permet à Berkeley d'instaurer un nouveau rôle à la métaphysique face à la mécanique : non plus un rôle fondateur comme celui que lui assigne Leibniz, mais un rôle critique, celui d'une instance qui dit les conditions sous lesquelles l'usage des concept est valide en science.
    • Le sujet de l'expérience chez Freud - Alexandra Renault accès libre avec résumé
      La problématisation freudienne de l'expérience ne consiste pas à s'interroger, de manière classique, sur la façon dont le sujet constitue en un savoir objectif des événements particuliers, mais comment le sujet lui-même est constitué en une identité objective, c'est-à-dire dont il peut avoir une connaissance consciente et qui peut être reconnue comme telle par d'autres, à partir d'événements singuliers qui se produisent dans un contexte en-deçà du champ théorique de la conscience, celui du plaisir. S'il part ainsi d'une problématique empiriste de l'expérience (comment, dans le donné, peut-il se constituer un sujet tel qu'il dépasse le donné ?), il estime qu'il faut également chercher à comprendre, à partir de l'expérience elle-même en tant que vécu, la nécessité du rapport entre expérience et subjectivité : si c'est l'expérience qui « produit » le sujet, celui-ci faisant alors figure de dérivé ou d' « épiphénomène », comment comprendre la « nécessité » de cette production, ainsi que le fait que, une fois constitué, le sujet se définit en retour comme un élément essentiel à l'expérience ? Le sujet de l'expérience ne fait-il que répéter indéfiniment des événements originaires dont le sens lui échappe, ou participe-t-il effectivement à la réalité des expériences qui l'affectent ?
  • Lectures et discussions