Contenu du sommaire : Perspectives en communication - Première partie

Revue Communiquer Mir@bel
Numéro no 13, 2015
Titre du numéro Perspectives en communication - Première partie
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Perspectives en communication - Benoit Cordelier, Maude Bonenfant, Martin Lussier, Florence Millerand p. 1-2 accès libre
  • Une raison qui incline, mais qui ne nécessite pas - Enrico Carontini p. 3-13 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article présente la première partie (de trois) d'un travail en cours de rédaction qui porte sur les trois dimensions de la communication : le sens, la relation et l'autoréférence du sens et de la relation. Cette réflexion a pour principe de base que les conditions d'exercice de la communication exigent la référence à un sens partagé, constitué par et pour la relation entre les partenaires de l'interaction. L'enjeu principal de cette première partie est de penser la communication dans son rapport à la raison. Pour ce faire, l'accent sera mis sur la référence (le sens) avec pour ancrage la pensée d'Aristote, appuyée des travaux de Pierre Aubenque. La communication peut être pensée comme un espace de médiation non-déterminant, autrement dit un lieu de confrontation dialectique où se construit le sens et dont le résultat est la raison communicationnelle (le raisonnable).
    This article presents the first of a three-part work concerning the three dimensions of communication : meaning, relation and the self-reference of meaning and relation. This reflection is drawn on the principle that the conditions necessary to communication require reference to a shared meaning which has been formed by and for the relation between participants of an interaction. The central concern of this first part is communication as it relates to the rational. To do so, emphasis is placed on the reference (the meaning) as based on Aristotle's thought and Pierre Aubenque's work. Communication can be conceived as a space of non-determinant mediation ; in other words, as a space of dialectical confrontation in which meaning is constructed and the result is a communicative reason (the reasonable).
  • Nouveaux espaces publics - Bernard Lamizet p. 15-31 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Pour penser les perspectives nouvelles de la communication, il importe d'analyser les ruptures et les transformations dont font l'objet les espaces d'échanges et de dialogues. D'abord, l'espace public articule l'histoire, les sciences du politique et les sciences de l'information et de la communication dans ce que l'on peut appeler une « logique de la médiation ». Ce qui définit l'espace public est la confrontation des identités politiques dans une géographie indistincte. Ensuite, l'espace public se fonde sur une articulation particulière du réel de la loi et de la contrainte, du symbolique du discours, de l'énonciation et de la représentation, et de l'imaginaire du projet ou de la crainte. La communication qui se déploie dans l'espace public est médiatée : cela signifie qu'elle repose sur une médiation, c'est-à-dire sur la mise en œuvre d'une dialectique entre la dimension singulière de la société et sa dimension collective. Enfin, l'espace public, espace de la médiation et de la communication, est ce que l'on peut appeler un « champ d'évidences ». Ce qui définit l'espace public est la manifestation constante des identités et des acteurs qui s'y confrontent les uns aux autres.
    In order to find new ways of thinking about communication, it is important to analyse ruptures and transformations of spaces for exchanges and for dialogues. Public space articulates history, political sciences and communication sciences in a logic of mediation. Thus, public space is defined by what we could call an “indistinct geography”, by a particular link between a real field of law, a symbolic field of discourses and representations, and an imaginary field of projection and fear. In public space, communication is mediated, whereby it is founded upon mediation, i.e. by a particular form of dialectic between a singular dimension of society and the collective field. Last, public space is a sphere for evidences, the manifestation of confrontations between actors and identities.
  • La coprésence sociale : un objet émergent en communication des organisations - Gino Gramaccia p. 33-43 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les notions de communauté, de lien social, d'identité et d'appartenance font aujourd'hui débat dans un contexte maintenant généralisé de flexibilité et de précarité du travail. Des formes paradoxales du vivre ensemble, avec des individus partagés entre autonomie et solidarité, entre télétravail et formes douces de cohabitation, émergent de nouvelles sphères de sociabilité. L'individu agile, flexible, mais en dernière instance précaire, recrée, au moyen des outils aujourd'hui disponibles (technologiques, juridiques, associatifs), un contexte social de travail à la mesure de ses attentes professionnelles et relationnelles. Cette tendance est bien vérifiée dans l'univers de ces communautés instables, nous l'appellerons la coprésence sociale. Dès lors, un nouvel objet de recherche est possible en communication des organisations, à condition de dévoiler très rapidement les jeux politiques de ce que nous appelons, en conclusion, le pragmatisme apolitique ; autrement dit, au-delà de la coprésence sociale, la promotion, implicitement politique, d'un consensus social sur la flexibilité-précarité comme condition d'employabilité.
    The concepts of community, social cohesion, identity, and belonging are the subjects of debate in the current widespread context of job flexibility and insecurity. Relating in these emerging social contexts has taken paradoxical forms from the negotiation of autonomy and community to teleworking and soft forms of cohabitation. Flexible individuals, who are living in unstable situations recreate a social network that suits their professional and personal expectations, by employing the currently available technological, legal, and community tools. This trend, clearly observable in unstable communities, is known as social copresence. This phenomenon opens up a new avenue for research in organizational communication, rapidly unmasking the political undercurrents in what is, finally, known as apolitical pragmatism. In other words, beyond social copresence, employability seems to be conditioned by the implicitly political promotion of a social consensus on job flexibility-insecurity.
  • La « révolution numérique » : une révolution technicienne entre liberté et contrôle - André Vitalis p. 44-54 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La « révolution numérique » appréhendée à partir de la pensée de Jacques Ellul est une révolution technicienne aux effets contrastés qui a ouvert de nouveaux espaces de liberté au prix d'un contrôle accru sur l'individu. Elle ne saurait constituer le soubassement d'une révolution politique libératrice comme elle est considérée dans les théories des multitudes, du capitalisme cognitif ou de l'ère post-médiatique. Pour réaliser la véritable révolution dont le 21e siècle a besoin, on doit fixer des buts et des limites aux techniques numériques en privilégiant celles qui favorisent l'autonomie et la maîtrise humaines.
    The “digital revolution” understood through the thought of Jacques Ellul is a technical revolution with contrasting effects. It has paradoxically created new spaces of freedom at the cost of greater control over individual freedoms. Also, it has not constituted a solid basis for a liberating political revolution as assumed by the theories of multitudes, cognitive capitalism or post-media era. To realize the revolution needed in this 21st century, we must set objectives and boundaries to digital technical development by prioritizing those that promote self-government and human knowledge.
  • Recherches sur les technologies de l'information et de la communication et le développement - Alain Kiyindou p. 55-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le rapport entre technologie et développement met en jeu deux termes majeurs de notre discipline. D'abord, la technologie, qui est devenue le principal vecteur de la communication, et le développement, qui est un objectif partagé à la fois par des individus, des institutions, des sociétés et des nations. Mais au-delà de la technologie, c'est du numérique dont il s'agit. Ce rapport, s'il est de plus en plus questionné, a suscité des réflexions qui remontent au loin et qui sont liées à des technologies traditionnelles, voire classiques. Pour le chercheur en communication, plusieurs questions se posent : elles concernent les conditions optimales de son utilisation, les facteurs favorisant son adoption et les causes de résistance. Qu'est-ce qui fait qu'une technologie ou une application technologique connaisse un succès inattendu, alors que d'autres peinent à se faire adopter ? En quoi les technologies modifient-elles les pratiques en matière de développement ?
    The relationship between technology and development involves two major terms of our discipline. First, the technology, that has become a focus in communication, and development, which is an objective shared by individuals, institutions, societies, and nations. But beyond the technology is the digital in question. This relationship, if it is increasingly questioned, provoked reflections far back and are linked to traditional or conventional technologies. For the communication researcher, several questions arise : they concern the optimal conditions for its use, the factors promoting its adoption and the causes of resistance. What makes a technology or a technological application knows an unexpected success, while others struggle to get adopted ? How does technology change practices in development ?
  • Usages participatifs des technologies et désir d'émancipation : une articulation fragile et paradoxale - Serge Proulx p. 67-77 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La question de la participation liée à l'idée de démocratisation a été abordée dans la pensée communicationnelle dès la décennie 1970 en Amérique du Nord et en Europe. Cet article propose quelques pistes pour penser l'articulation entre les usages participatifs contemporains des technologies numériques en tant que vecteurs d'émancipation – mais aussi, simultanément, d'aliénation – et un ensemble de pratiques individuelles et collectives visant la construction d'une démocratie cognitive, c'est-à-dire l'édification d'une organisation sociale et politique où l'ensemble des citoyens retrouverait leur plein droit à la connaissance, un droit ayant eu tendance à s'effacer avec la surspécialisation et le morcellement des savoirs causés par les développements disciplinaires des sciences naturelles et sociales. Ces pratiques émergentes visent aujourd'hui localement la constitution de « communs de la connaissance ». Ces nouvelles pratiques collaboratives orientées vers la construction du commun sont le fait de communautés épistémiques qui résistent au processus de transformation de l'information en marchandise, rouage essentiel du capitalisme informationnel.
    Since the 1970s, the question of democratic participation has been tackled by communication scholars in both Europe and North America. We suggest some avenues of research for articulating the participative usage of digital technologies – considered simultaneously as facilitators for emancipation and for alienation – and, on the other hand, a set of individual and social practices aimed at the construction of a cognitive democracy. Or, in other words, the construction of a social and political regime in which people could have full rights to access knowledge, a right which tends to diminish with the gradual hyperspecialisation of disciplinary thinking in natural and social sciences. These emerging collaborative practices are aimed at the construction of “informational commons,” which are produced by epistemic communities offering resistance to the process of transforming information into a commodity, a central tenet of informational capitalism.
  • La communication numérique dans les cultures adolescentes - Dominique Pasquier p. 79-89 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article propose un bilan sélectif des travaux sur les usages de la communication numérique dans les cultures juvéniles en s'intéressant à quatre aspects : la spécificité des dispositifs de communication privilégiés par les jeunes au cours de la décennie 2000 ; le rôle important qu'ils ont joué dans l'exploration de la vie relationnelle ; les dérives qu'ils peuvent entraîner du fait de la publicisation des relations amicales et amoureuses ; et la reconfiguration des réseaux de fans qu'ils ont permise. Enfin, cet article tend à souligner certaines ambivalences de l'intégration du numérique dans la vie quotidienne des jeunes et à inciter à la vigilance devant les versions extrêmement positives de son évolution dans les études récentes sur les communications numériques.
    This article provides a selective review of research on the uses of digital communication in youth cultures. It focuses on four aspects : the specificity of the privileged communication platforms by young people during the 2000s ; the important role they played in the exploration of relational life ; the excesses that can result in the publicizing of friendships and romantic relationships on these platforms ; the reconfiguration of fan networks. Finally, this article seeks to highlight some ambiguities regarding the integration of digital technology in the youth community and to remind us to stay vigilant in the face of overly optimistic characterizations of its evolution in several recent studies of digital communications.
  • Entretiens

    • Ce que nous appelions « l'histoire des médias » : l'exercice de l'archéologie médiatique - Wolfgang Ernst, Ghislain Thibault p. 91-106 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Wolfgang Ernst est l'une des figures de proue de l'archéologie médiatique, un courant de recherche qui a pris de l'ampleur depuis le début des années 2000 pour ses approches théoriques et méthodologiques nouvelles pour l'étude des médias. La principale contribution d'Ernst à l'archéologie médiatique dans les dernières années a été une vive critique de l'histoire. Dans cet entretien, Ernst propose de concevoir l'archéologie des médias comme un « exercice » pour les chercheurs, un mode d'attention qui permet d'isoler les éléments techno-logiques des médias. Alors qu'il aborde la question de l'humanisme, de la nature mathématique du langage numérique et celle des machines symboliques, Ernst offre ici quelques pistes pour mettre au travail l'approche qu'il propose et mieux comprendre les défis à venir du champ de l'archéologie médiatique.
      Wolfgang Ernst is one of the leading voices of media archeology, a research field that has garnered a growing interest since the 2000s for its fresh theoretical and methodological approaches to the study of media. Ernst's main contribution to media archeology in the recent years has been a radical critique of history through a reflection on media temporalities. In this interview, Ernst proposes to see media archaeology as an “exercise” for media studies scholars, a mode of attention that isolates the techno-logical components of media. As he addresses the technomathematical ontology of digital communication, the genealogy of symbolic machines and the question of humanism, Ernst offers here some more conceptual tools to help us navigate through his previous writings and to reflect on some of the new directions for media archaeology.
    • Quand l'anthropologie des mondes contemporains remonte le moral de l'anthropologie de la communication - Emmanuelle Lallement, Yves Winkin p. 107-122 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Construit sous la forme d'un dialogue entre Emmanuelle Lallement, qui a été formée à l'anthropologie des mondes contemporains en France, et Yves Winkin, qui a établi la plateforme de l'anthropologie de la communication, l'article aborde diverses questions d'histoire, de stratégie et d'avenir pour ces deux disciplines, qui sont très proches à plus d'un égard. C'est ainsi que les deux chercheurs se retrouvent sur le rôle central des terrains urbains dans le développement des deux anthropologies, qu'Emmanuelle Lallement présente un programme de recherche sur les échanges marchands et qu'Yves Winkin offre une synthèse de sa conception de l'enchantement. En filigrane, on voit apparaître une pointe de découragement chez Yves Winkin, qui estime que l'anthropologie de la communication est enseignée, mais n'est guère utilisée par les chercheurs en communication, du moins en France, et l'on voit Emmanuelle Lallement lui proposer de faire cause commune pour défendre une anthropologie urbaine qui oserait assumer autant l'analyse des politiques de l'éphémère festif comme Paris-Plage que celle de la communication marchande dans la ville.
      Built as a dialogue between Emmanuelle Lallement, who introduced the study of the anthropology of contemporary worlds in France, and Yves Winkin, who founded communication anthropology, this article stresses various issues concerning the history, the strategies and the future of these closely related disciplines. Thus, the two researchers find themselves discussing the central role of urban spaces in the development of both anthropologies. While Emmanuelle Lallement portrays research on market exchanges, Yves Winkin synthesizes how he designs the notion of enchantment. Yves Winkin deplores that, even when communication anthropology is taught, it is rarely taken into consideration by communication researchers, at least in France, while Emmanuelle Lallement proposes combining their efforts to address an urban anthropology which would assume an analysis of urban policies as festive and ephemeral projects. The Paris-Plage is taken as an example of merchant communication.
    • Les recherches en communication organisationnelle en France : quelques éléments de bilans et de perspectives - Christian Le Moënne, Sidonie Gallot p. 123-143 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cette contribution, sous forme d'entretien, traite du déploiement, des évolutions et des perspectives des recherches en communication organisationnelle en France. À l'aune de leurs caractéristiques contextuelles, nous tentons d'en restituer l'évolution à travers le point de vue de Christian Le Moënne, qui a été à l'origine de la création du groupe de recherches en communications organisationnelles Org&Co. Cet entretien n'a pas pour ambition de faire l'« Histoire », ou de dresser un panorama exhaustif des travaux menés – ce qui, au vu de leur diversité, comporterait des biais majeurs – et il ne cherche pas non plus à établir une comparaison linéaire avec les recherches internationales. Par contre, il propose une vision nourrie sur les recherches en communication organisationnelle en France à travers les modalités de leur développement, les effets de contextes, les liens qu'elles entretiennent avec les sciences de l'information et de la communication. Il propose une réflexion sur les logiques d'institutionnalisation et de légitimation de champs et de programmes, sur les degrés d'acceptabilité scientifiques et professionnels, etc., sur une pluralité de phénomènes qui ont participé et participent de la construction et de la définition d'un programme de recherches des communications organisationnelles.
      This contribution, in the form of an interview, deals with deployment processes, developments and prospects of research in organizational communication in France. In light of their contextual characteristics, we try to show their evolution through the point of view of Christian Le Moënne, who was responsible for the creation of the French research group in organizational communications Org&Co. This interview do not intend to restore the “History”, or to draw up a comprehensive overview of the work done – which, given their diversity, would involve major bias –, and it does not seek to establish a linear comparison with international research. In contrast, it offers a vision fed on research in organizational communication in France through the terms of their development, the effects of contexts, their links with the sciences of information and communication. It proposes a reflexion on logics of institutionalization and legitimization of research fields and programs, on scientific and professional acceptability degrees, etc., on a plurality of phenomena which are involved and participate in construction and definition of a research program as large and complex that are organizational communications.