Contenu du sommaire : Fragmentation/Balkanisation

Revue L'Espace Politique Mir@bel
Numéro no 11, novembre 2010
Titre du numéro Fragmentation/Balkanisation
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Editorial

  • Fragmentation étatique/balkanisation

    • La fragmentation de l'espace étatique mondial - Stéphane Rosière accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La multiplication du nombre des États est un processus remarquable de transformation du maillage politique mondial qui ne laisse pas indifférent et tend plutôt à inquiéter. Ce papier se propose de décrire ce processus en envisageant d'abord l'augmentation du nombre des États, depuis 1945 surtout. La situation particulière des États existant sur le terrain mais non reconnus, et de ce fait non comptabilisés par l'ONU, sera mis en exergue. Ce papier se propose ensuite de déterminer les causes de ce processus en insistant successivement sur le rôle du principe d'autodétermination (ou « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes »), sur la question de la fragmentation politique spécifique à la périphérie des grandes puissances, et sur la dimension économique de cette dynamique. La notion d'indépendance sera en enfin discutée. En effet, parmi les 193 États contemporains membres de l'ONU, nombre d'entre eux sont des créations sans consistance qu'il s'agisse d'États faillis déliquescents ou de paradis fiscaux qui ne sont que les zones franches de l'économie mondialisée. Ainsi, le processus d'augmentation du nombre des États n'induit-il souvent aucun gain de souveraineté.
      The growth in the number of states is a noticeable geopolitical process which leaves no-one indifferent and is often a cause of some worry. Firstly, this paper aims to describe this process, concentrating on the period since 1945. The particular situation of existing states deprived of any diplomatic recognition (and so far not registered by the United Nations) will be examined. Secondly, we will look at the causes of this process emphasising the principle of self-determination (or “the right of the peoples to choose the form of government under which they will live”), the question of political fragmentation specific to the periphery of the great powers and the economic dimension of this dynamic process. Finally, the notion of independence will be discussed. Indeed, among the 193 states, officially members of the UN, many are deprived of any substance – powerless failed states, artificial tax havens whose only aim is to be free zones in the globalised economy. Hence, the increase in the number of states does not necessarily imply their right to sovereignty.
    • Partition: variations sur un thème majeur de géographie politique - André-Louis SANGUIN accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le phénomène de la partition a surtout été étudié par des auteurs anglophones de géographie politique. L'article proposé situe la place du concept dans l'histoire de la géographie politique. Les processus de partition sont examinés à travers des réflexions épistémologiques, théoriques et à travers une typologie. Enfin, on conclut sur la contradiction actuelle entre les tendances à la partition et le poids de la mondialisation. L'Union Européenne apparaît comme l'unique exemple au monde d'une construction politique sublimant la partition par l'intégration.
      In the depth of political geography, partition has been mainly scrutinized by English-speaking political geographers. The suggested paper is showing the position of the concept within the history of political geography. The partition processes are looked into theoretical and epistemological reflections as well as into an attempt for classifying. Then, one concludes with the obvious inconsistency between the partitioning trends and the globalization weight. The EU appears to be the single case in the world of a political construction which is sublimating partition by means of integration.
  • Fragmentation sociale et/ou ethnique

    • Fragmentation, altérité et identité dans les sociétés insulaires - François Taglioni accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      A partir d'une typologie sur les variations ethno-religieuses dans les petits espaces insulaires, cet article établit le lien entre niveau de développement humain, identité et altérité pour évaluer les risques de fragmentation et de balkanisation des espaces et des sociétés insulaires. Pour les sociétés multiculturelles, altérité et identité peuvent cohabiter si la paix sociale est avérée. Dans le cas contraire, le multiculturalisme connaît des limites. Pour les sociétés à enracinement autochtone multiséculaire prédominant, l'unité identitaire n'est pas obligatoirement garante de développement humain harmonieux et la balkanisation devient possible. Ces sociétés font d'ailleurs globalement partie des moins bien développées au sein des petits États insulaires. Néanmoins, si l'unité est érigée en mythe fondateur de la nation celle-ci peut prospérer avec toutefois le risque de voir l'altérité phagocytée par la toute puissance de l'identité nationale. Enfin, dans les sociétés insulaires qui associent, dans un face à face, deux communautés dominantes, l'une de vieille souche autochtone, l'autre venue d'Europe ou d'Inde, la nation est le chaînon manquant, le métissage est absent ou caché, les identités s'excluent ou pour le moins s'ignorent. Le niveau de tolérance de l'autre est très fragile, l'altérité souffre de l'imperméabilité des identités et du déséquilibre politique, économique et social qui s'opèrent entre les deux groupes.
      From a typology of ethno-religious variation in small island spaces, this paper establishes the link between human development level, identity and otherness to assess the risks of fragmentation and balkanization of spaces and insular societies. For multicultural societies, identity and otherness can coexist if social peace is established. Otherwise, multiculturalism presents some limits. For centuries Native societies rooted predominant unit identity is not necessarily a guarantee of harmonious human development and the balkanization becomes possible. These societies are generally among the least well developed in small island states. However, if the unit is established in the founding myth of the nation it can prosper, however, the risk of otherness phagocytosed by the omnipotence of national identity. Lastly, in island societies that combine, in a face to face, two dominant communities, one from an old native, the other from Europe or India, the nation is the missing link, the mixing is absent or hidden, identities mutually exclusive or at least ignore each other. The level of tolerance of others is very fragile, otherness is suffering from tightness and imbalance of political identities, economic and social taking place between the two groups.
    • L'Etat au Proche-Orient arabe entre communautarisme, clientélisme, mondialisation et projet de Grand Moyen Orient - Fabrice Balanche accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans l'ouvrage de référence que constitue le Proche-Orient éclaté, l'historien libanais Georges Corm, nous explique que cette région du monde se trouve dans un processus historique de fragmentation étatique. Le Liban est l'archétype de ce phénomène. L'Etat libanais a disparu durant la guerre civile (1975-1990) au profit de milices pour réapparaître sous contrôle étranger au début des années 1990. Mais la fragmentation territoriale sur des bases communautaires et claniques demeure une réalité forte que la « reconstruction du Liban » n'a pas réussi à  faire disparaître. La Syrie apparaît davantage  comme un Etat centralisé et solide, exempte de problèmes communautaires. Cette vision est trompeuse car les clivages communautaires existent. Ils sont simplement cachés par le régime baathiste, qui masque son caractère alaouite par la négation du communautarisme alors qu'il est le socle politique dont  Bachar El Assad a hérité. Mais aujourd'hui, la communauté alaouite ne bénéficie plus des mêmes privilèges que par le passé. L'intégration économique de la Syrie dans la sphère des pétromonarchies du Golfe profite davantage à la bourgeoisie sunnite envers laquelle le régime de Bachar El Assad multiplie les ouvertures. Quant à la Jordanie son homogénéité ethnique semble la préserver du processus de fragmentation sur des bases communautaires, mais non de la montée d'une opposition islamiste qui investi les collectivités locales. Dans les trois pays sur lesquels portent plus précisément cette étude, l'action des Etats est de plus en plus réduite par la permanence des modes d'organisation communautaire au sens large qui s'expriment officiellement au Liban, officieusement en Syrie et en Jordanie, ainsi que par la mondialisation économique. A terme cette déliquescence interne de l'Etat et le projet de Grand Moyen Orient américain peuvent conduire à des partitions territoriales.
      In The Middle East broke, the Lebanese historian Georges Corm, explains that this region is in a historical process of State fragmentation. Lebanon is the best example of this phenomenon. The Lebanese state has disappeared during the civil war (1975-1990) for the benefit of militias to reappear under foreign control in the early 1990's. But the territorial fragmentation on community bases and clan is a powerful reality that the "reconstruction” of Lebanon has failed to remove. Syria appears like a strong central state, exempt for community problems. This view is misleading because the community cleavages exist. They are just hidden by the Baathist regime, which masks his Alawite character by official communitarianism negation. But Alawite support is necessary for Bashar El Assad regime. Today, the Alawite community no longer enjoys the same privileges as in the past. The economic integration of Syria in the sphere of the Arab Gulf is more beneficial to the Sunni bourgeoisie to which Bashar  El Assad regime multiply openings. In Jordan, ethnic homogeneity seems to protect the country from community-based fragmentation but not the rise of an Islamist opposition that local governments invested. In the three countries which relate specifically to this study, the state action is increasingly reduced by the permanent modes of community organization who formally expressed in Lebanon, Syria and informally in Jordan and by economic globalization. Eventually this internal withering of the State and the American project of Greater Middle East may lead to territorial partition.
  • Fragmentation/recomposition : l'Europe à l'épreuve

    • Les nationalismes « régionaux1 » en Europe, facteur de fragmentation spatiale ? - Frank Tétart accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au sein de l'Union européenne, on constate l'apparition de mouvements identitaires, voire séparatistes à l'échelle de ses États-nations membres, que ce soit en Catalogne, en Flandre, en Écosse, en Italie du Nord, au Pays Basque espagnol ou en Corse. En faisant valoir des aspirations nationales qui dépassent le plus souvent la seule reconnaissance d'une personnalité culturelle, économique ou régionale au sein de leurs États d'origine, ces mouvements se distinguent du « régionalisme » et peuvent être qualifiés de nationalismes régionaux. Car non seulement leur demande d'autonomie remet parfois en cause la légitimité des États dont ils dépendent, comme le montre l'incapacité des institutions belges à répondre aux velléités d'autonomie accrue demandé par les Flamands, mais aussi parce que le référent de leurs revendications est celui de l'État-nation. Ils interrogent ainsi sur le potentiel émiettement de l'espace politique européen et sur le risque de dilution et de dissolution d'anciens États européens, au profit d'entités étatiques réduites en taille et d'une viabilité économique limitée, sources d'instabilité.
      Within the European Union identity or separatist trends are observed in the frame of Nation-states members, for instance in Catalonia, Flanders, Scotland, Northern Italy, Corsica or the Basque country. By claiming national aspirations that often go beyond the only recognition of a cultural, economical or regional personality within their origin state, these trends are to be distinguished from “regionalism” and can thus be qualified as regional nationalisms. Not only their claim for autonomy can sometimes question the legitimacy of the state on which they depend, as today's incapacity of Belgian institutions to address the autonomy willingness of the Flemings shows it, but also because their claim reference is that of the Nation-State. Regional nationalisms question in fact the potential splitting up of the European political space and the risks of dilution and breaking up of old European states into small state entities with limited economical viability seen as a factor of instability.
    • « Etat composé » ou décomposé ? - Nacima BARON accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La Constitution espagnole de 1978 inscrit l'organisation des institutions dans le cadre d'un partage entre les prérogatives de l'Etat et celles des communautés autonomes. Au cours des trois dernières décennies, le principe fondateur de cet « Etat composé » (Estado compuesto) est devenu réalité. De vastes pans de compétences ont été transférés de l'Etat vers les autonomies et des pouvoirs régionaux « périphériques » ont vu le jour. L'article étudie précisément la dernière phase d'émancipation politique des autonomies mise en œuvre par le Président Zapatero en 2004 à travers deux objets clés : le renouvellement des statuts qui régissent certaines communautés autonomes, notamment les plus peuplées et les plus prospères dans le pays ; et la négociation relative aux règles de partage des fonds étatiques consacrés aux autonomies (la réforme de ce que l'on nomme là-bas la financiación). Ce processus, éminemment long et conflictuel, et aujourd'hui clos par voie judiciaire. Il a créé un débat politique très clivé, au sein duquel les nouvelles logiques d'organisation politiques et territoriales peuvent être relues au prisme du concept de fragmentation.
      The Spanish Constitution of 1978 shares the power between the State and the Autonomous Communities. Over the past three decades, the principle of this "compound state" has become reality. A large amount of social, economical or environmental responsabilities have been transfered to the autonomous communities, which have built strong peripherical powerships. In this general frame, the article analyses the last period (2004-2010) of the commmunitie's political emancipation  and hightlights president Zapatero's strategy at two different (and interconnected) levels : from one part, the renewal of the « statutos » (the fundamental law governing autonomous communities) ; from the other part, the choice of criterias ruling the distribution of regional financement. This long and conflictual process gives the opportunity to reconsider the question of the spanish institutional and territorial organization through the concept of fragmentation.
    • La mise en place des découpages intercommunaux (1992-2007) : témoin de la fragmentation de l'aire métropolitaine azuréenne - Laurent Chalard accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Sur le territoire de l'aire métropolitaine azuréenne, ensemble urbanisé polynucléaire comptant 1,1 million d'habitants, s'est mis en place un paysage géopolitique fragmenté suite à la parution de la loi Chevènement sur l'intercommunalité en 1999. Or, l'étude de la formation des territoires intercommunaux témoigne de fortes tensions d'ordre géopolitique. L'article s'attarde sur deux exemples. Le premier concerne la formation de la communauté d'agglomération Nice Côte d'Azur, la plus grande structure intercommunale de l'aire métropolitaine, qui révèle les tensions entre une ville-centre relativement paupérisée, qui s'avère répulsive, et une périphérie plus riche. Le second exemple étudie les vives tensions géopolitiques entre les différents acteurs pour le contrôle des deux principaux pôles d'emploi de l'aire métropolitaine, en-dehors de la ville-centre. L'article conclut sur la nécessité de l'approche géopolitique dans l'étude du phénomène intercommunal, et sur l'intérêt de l'aire métropolitaine comme champ géographique des études géopolitiques, les tensions politiques s'avérant réelles à cette échelle, qui relève du local.
      The French Riviera metropolitan area, with about 1,1 million inhabitants, is a polynucleated territory which suffers from political fragmention. It has several inter-municipal cooperations, whose formation was sources of geopolitical tensions. The article focuses on two examples of those tensions. The first was linked to the creation of the central inter-municipal cooperation around Nice, with an opposition between the inner city and the richer suburbs. The second example of tensions was due to the competition between different metropolitan actors for the taking over of the main economic territories of the metropolitan area, which provides huge financial resources. In conclusion, a geopolitical approach of inter-municipal cooperation in France is justified and the local scale is an interesting scale to do geopolitical research.