Contenu du sommaire : Lampedusa, îles méditerranéennes, frontières et migrations

Revue L'Espace Politique Mir@bel
Numéro no 25, avril 2015
Titre du numéro Lampedusa, îles méditerranéennes, frontières et migrations
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Lampedusa, îles méditerranéennes, frontières et migrations

    • Iles, frontières et migrations méditerranéennes : Lampedusa et les autres - Nathalie Bernardie-Tahir, Camille Schmoll accès libre
    • La « frontiérisation » de Lampedusa, comment se construit une frontière - Paolo Cuttitta accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comment Lampedusa peut-elle « faire frontière » au point d'être devenue l'emblème de la frontière euro-africaine ? En fait, transformer un lieu en frontière, modifier la signification symbolique ou le rôle pratique d'un lieu sur la frontière, est toujours le résultat d'actes précis. Ce texte illustre les principaux actes qui ont déterminé la « frontiérisation » de Lampedusa, créant la frontière Lampedusa et augmentant son taux de « frontiérité ». L'analyse porte, entre les années 1990 et 2011, sur des choix spécifiques du législateur italien, sur l'évolution des rapports avec les pays nord-africains, sur les pratiques de contrôle et de gestion des frontières. A partir de 2002, la canalisation des arrivées vers l'île et la concentration des activités de gestion de ces arrivées sur l'île consolident un « système Lampedusa ». La « frontiérisation » de l'île est aussi amplifiée par la production de situations d'urgence, urgence qui culmine durant la crise de 2011, quand l'île est transformée en centre de détention à ciel ouvert.
      Why did Lampedusa become the quintessential embodiment of the Euro-African border? This paper starts from the assumption that the border is always a social product, and that turning a place into a border, or transforming the symbolic and practical role of a border place, is always the result of specific social acts. The paper analyses the most important acts that determined the “borderization” of Lampedusa, by creating the Lampedusa border and increasing its degree of “borderness”, in the period between the 1990s and 2011. The research focuses on specific choices of the Italian legislator, on the relations with North-African countries, and on the practices of border control and management (such as the establishment of a detention centre, the choice to systematically divert migrants to Lampedusa and to concentrate professionalized reception activities on the island). The “borderization” process is further fostered through the production of artificial emergencies, culminating in the 2011 crisis, during which the whole island is turned into an open-air camp.
    • « No finger print! » : Les mobilisations des migrants à Lampedusa, ou quand l'espace compte - Annalisa Lendaro accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose une réflexion sur les mobilisations des migrants se trouvant en rétention administrative sur l'île de Lampedusa (Italie), au prisme de l'espace dans lequel elles ont lieu : une île-frontière. En juillet 2013, deux cents personnes environ ont manifesté à plusieurs reprises, défilant à travers les rues de Lampedusa pour réclamer le droit de quitter l'île sans laisser leurs empreintes digitales, c'est-à-dire sans être identifiées comme demandeurs d'asile en Italie. Parmi les migrants qui arrivent à Lampedusa après avoir survécu à la traversée de la Méditerranée, nombreux sont ceux qui savent qu'en Italie les temporalités du traitement de cette demande sont en moyenne très longues, ce qui implique une période d'enfermement administratif prolongée, et que les possibilités d'insertion professionnelle qu'offre ce pays sont minces. En nous appuyant sur une enquête exploratoire conduite en juillet 2013 à Lampedusa, et sur l'analyse de la presse et des textes juridiques de référence, nous souhaitons discuter la forme et la réception de cette mobilisation dans un espace de résistance particulier, comme peut l'être une île-frontière, où les protagonistes sont forcément en transit, de passage. Ce travail se propose notamment de contribuer au débat sur la portée politique et émancipatrice des mobilisations des « sans » dans les espaces frontaliers.
      This article focuses on mobilizations put into motion by asylum seekers who are confined in a detention center for undocumented migrants in the little Italian island of Lampedusa. Our analytical perspective focuses on the importance of spatial context regarding where these mobilizations took place: an island, representing one of the European Union borders. On July 2013, 200 people, mostly Eritreans, marched through the streets of Lampedusa and occupied the church square to claim the right to leave this "open-air prison” without having their fingerprints registered by the police. The data collected over the summer of 2013 in the context of a first qualitative field survey discusses the form and the reception of this episode of migrants' mobilization, undertaken by protagonists who are officially confined in a detention center and who are destined, by definition, to be deported rapidly to another detention center or to their country of origin. This research contributes to the debate on the political and emancipating scope of undocumented peoples' mobilizations, especially in frontier territories.
    • Politiques de contrôle et réalités locales : le cas du centre d'accueil (pour demandeurs d'asile) de Mineo en Sicile - Marie Bassi accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À travers l'étude d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile mis en place en 2011 en Sicile pendant le Printemps arabe, cet article révèle la tendance croissante à sécuriser la gouvernance de l'immigration, à minorer la spécificité des flux de réfugiés et à recourir à une législation d'urgence pour gérer les migrations. La sécurisation et l'analogie entre les étrangers en situation irrégulière et les demandeurs d'asile ont entraîné la prolifération des centres de rétention et des centres d'accueil, créant de nouvelles opportunités pour des acteurs non-étatiques chargés d'offrir les services socio-sanitaires aux « étrangers indésirables » vivant dans ces centres. Ce papier souligne l'ambiguïté de ces acteurs non-étatiques, devenus des acteurs incontournables du système de contrôle des migrations et montre que la délégation, à des acteurs non-étatiques, des fonctions sécuritaires aide l'Etat à atteindre ses objectif politiques. Il examine également les conditions de vie des demandeurs d'asile en utilisant le concept d'« institution totale ». Enfin, cet article analyse les tensions entre les autorités nationales et locales qui ont émergé à propos de l'installation de ce centre et ainsi que les mobilisations contestataires contre ce centre, en soulignant le rôle des négociations informelles et des marchandages dans la gestion locale du phénomène migratoire.
      Through a study of a center for asylum seekers in Sicily set up in 2011 during the Arab Spring, this paper shows the growing tendency to securitize migration governance, to diminish the specificity of refugee flows and to resort to emergency legislation to manage migration. The conflation between undocumented migrants and asylum seekers has resulted in the proliferation of holding and reception facilities which opened up opportunities for some non-state actors designed to provide health and social services in those centres for “undesirable migrants”. This paper highlights the ambiguity of these non-state actors who have become key stakeholders of the migration control system and shows that the delegation to non-state actors of migration control functions helps the state to achieve its policy goals. It will also examine the living conditions of the asylum seekers in the centre, using the concept of “Total Institution”. Finally, this paper analyses the tensions that emerged over the establishment of the centre between local and national authorities and the local mobilizations against the centre, emphasizing the role of informal negotiations and bargaining in the local migration management.
    • Les conséquences socio-spatiales des nouvelles modalités du contrôle migratoire à la frontière gréco-turque - Laurence Pillant accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le contrôle migratoire à la frontière gréco-turque date du début des années 2000. Son caractère relativement récent permet d'exposer dans cet article les grandes modifications à la fois sociales et spatiales qui impactent l'ensemble des acteurs concernés par ce contrôle. D'une situation d'urgence « humanitaire » à un processus sécuritaire, le contrôle migratoire s'érige peu à peu en rempart contre la migration à la frontière gréco-turque, impliquant un enfermement systématique et des manquements aux droits des migrants en Europe et en Grèce. Au gré des modifications du dispositif, et notamment avec l'apparition des procédures de screening, il s'agit de montrer comment les lieux de contrôle et d'enfermement, en s'institutionnalisant, transforment les rapports socio-spatiaux des acteurs au contrôle.
      Since the beginning of the 21st century a new migratory control at the greek-turkish border has started. We explore the social and spatial changes that occur at the border in particular for the actors involved in the control. From a humanitarian and emergency situation to a security process, the migratory control became progressively a real obstacle for the migrants with a systematic detention and the non-compliance to their rights in Greece and in Europe. Through the control changes and especially the screening's procedures, this article tries to show how the institutionalisation of the control and detention places transforms the socio-spatial link between the actors and the migratory control.
    • Régime de confinement et gestion des migrations sur l'île de Chypre - Karen Akoka, Olivier Clochard accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se propose d'examiner le système migratoire de la République chypriote dont l'une des spécificités est d'être à la fois le deuxième pays de l'Union européenne en termes de pourcentage d'étrangers par rapport à la population totale, mais aussi l'un des plus fermés à l'installation durable des étrangers sur son territoire. L'hypothèse centrale de l'analyse est que, pour résoudre cet apparent paradoxe, s'est développé à Chypre un « régime de confinement », s'appuyant sur la mise à l'écart des étrangers non communautaires, dans l'espace et dans le temps. L'article examine d'abord les différentes manifestations (concrètes et abstraites) de la mise à l'écart à l'échelle de l'île, en partant du principe que les lieux d'enfermement, les contrats de travail et les statuts juridiques constituent un continuum de formes de confinement permettant de maintenir les étrangers à distance de la communauté nationale. La focale est ensuite mise sur un espace très localisé, le centre de demandeurs d'asile de Kofinou, pour une analyse des différentes manifestations du confinement et de la manière dont les acteurs s'en saisissent et sont l'objet. Des pistes de réflexion théorique sont enfin proposées autour de la notion de « gouvernement confinementaire » développée à partir du cas chypriote, qui permet un triple décloisonnement des réflexions sur les politiques migratoires en dépassant les dichotomies dedans-dehors ; désirables-indésirables ; contrôle-circulation.
      This article examines the migratory system of the Cypriot Republic which specificity is to be at the same time the second country of the European Union in terms of foreigners' percentage with regard to the total population, but also one of the most closed to the long-lasting installation of foreigners on its territory. The central hypothesis of the analysis is that, to solve this visible paradox, was developed in Cyprus, a « confinement regime » leaning on the sidelining of foreigners, in space and in time. The article examines at first, on the scale of the island, the various forms of this sidelining, leaning of the principle that the places of detention, the contracts of employment and the legal statutes constitute a continuum of forms of confinement maintaining foreigners away from the national community. The focal is then put on a very localized space, the center of asylum seekers of Kofinou, for a micro analysis of the various forms of confinement, and the way the actors seize it, or undergo it. A more theoretical thought is finally proposed around the notion of " confinementary government " developed from the Cypriot case, which allows a triple decompartmentalization of the analysis of migratory policies by exceeding the dichotomies inside-outside; wanted-unwanted; control-circulation.
  • Varia

    • Australia: Entrenched Phobias, Illusory Protections - Michel Pérez accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Pour des millions de jeunes Européens, l'Australie est un pays de rêve, avec ses grands espaces variés, la terre rouge de ses déserts et ses milliers de kilomètres de plages idylliques. C'est aussi un pays de liberté avec un énorme potentiel économique, sans parler de son mode de vie détendu et décontracté qui constitue son principal atout. C'est pourtant également un pays inquiet, comme le démontre amplement son histoire, passée et récente, une nation remplie de contradictions qui ne font que renforcer ses peurs ancestrales et la mènent à rejeter toute forme de différence. C'est à ces craintes que s'intéressera cette étude.
      For millions of young Europeans, Australia is a land of dreams, with her vast and varied spaces, the red soil of her deserts and her thousands of kilometres of idyllic beaches. It is also a country of freedom with a huge economic potential, not to mention her relaxed and casual lifestyle that is perhaps her greatest asset. Yet it is also a restless country, as amply demonstrated by her history, past and recent, a nation filled with contradictions that only reinforce her ancestral fears and lead her to reject any form of difference. This study will address these concerns.
    • Un scanner de conteneurs en « Terre Promise » camerounaise : adopter et s'approprier une technologie de contrôle - Thomas Cantens accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'appuie sur une observation ethnographique conduite entre 2006 et 2010 dans une administration des douanes africaine. L'observation d'un événement - l'adoption et la mise en œuvre d'un scanner de conteneur par l'administration – est l'occasion d'examiner deux questions liées aux technologies de contrôle dans le contexte particulier des frontières africaines. La première question porte sur l'adoption d'une technologie : comment un outil devient-il un instrument qui renouvelle le sens du contrôle en frontière ? La réponse est apportée par une description des logiques publiques et privées qui ont abouti à l'adoption des scanners de conteneurs dans de nombreuses douanes africaines. La deuxième question porte sur les conditions de penser l'efficacité d'une technique dans des espaces aussi quantifiés et traversés de catégories de pensée économique que les espaces frontières pour les marchandises. La réponse examine les difficultés de calculer cette efficacité sous la forme d'une rentabilité et met en avant la force de la technologie comme idiome technique satisfaisant la promesse de réforme.
      This article is based on an ethnographic fieldwork conducted between 2006 and 2010 in an African Customs Administration. A specific event - the adoption and implementation of a container scanner by the administration – is an interesting opportunity to examine two questions related to control technology in the particular context of African borders. The first question is the adoption of a technology: how does a tool become an instrument that renews the meaning of the control at borders? A tentative answer is provided by a description of public and private rationales that led to the adoption of container scanners in many African customs. The second question is the effectiveness of a technique that is deployed within border spaces that are quantified and represented through economics. The answer examines the difficulties in calculating this efficiency as a notion vested with the notion of profitability and highlights the strength of technology as a technical idiom satisfying the promise of reform.