Contenu du sommaire : Roms et Tsiganes en Europe méditerranéenne
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 93, printemps 2015 |
Titre du numéro | Roms et Tsiganes en Europe méditerranéenne |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Roms et Tsiganes en Europe méditerranéenne : l'actualité d'une question - Milena Doytcheva p. 9-25 Les populations romani sont celles identifiées aussi, selon leurs origines et pays d'implantation, comme Gitans, Manouches, Sinti, Roms. En 1971, le premier « Congrès mondial » réuni à Londres érige l'appellation « Rom » en identification commune et en théorie générique pour l'ensemble de ces collectivités. Après avoir été longtemps perçu comme péjoratif, l'ethnonyme Tsigane connaît également une renaissance à partir des années 1960. Malgré ces processus récents de redéfinition, orientés vers l'idée d'une identité commune, les situations locales sont celles d'une grande diversité. Comment les dynamiques migratoires enclenchées depuis l'Europe de l'Est ont-elles pu ou non servir de catalyseur dans la période récente à ces logiques de remaniement identitaire ? – donnant lieu de manière différentielle dans l'espace et dans le temps à des processus de contrôle et de coercition, de mise à l'écart, de racialisation, ou encore d'inclusion revendiquée.
- Les productions internationales et locales des frontières ethnoculturelles : les Roms de Bulgarie saisis par les institutions - Nadège Ragaru p. 27-37 L'article revient sur la construction comme problème public des « questions roms » dans les arènes politiques européennes et internationales. Examinant les registres de justification offerts par les protagonistes dans le champ, il interroge la carrière de grilles d'intelligibilité concurrentes, la circulation des « savoirs » et leurs incidences sur la prise en compte de ces populations et la définition des politiques qui les visent. Les débats autour des « enjeux roms » ont acquis une intensité d'autant plus grande que s'y négociaient des mutations concomitantes et conflictuelles dans les rapports entre « Est » et « Ouest » européens. Loin de refléter une transposition linéaire de prescriptions internationales ou, a contrario, une résistance locale, l'administration de ces problématiques illustre, plus particulièrement dans les pays de départ, le redéploiement de savoir-faire et de représentations antérieurs que l'intégration européenne a refaçonnés plus que disqualifiés.
- La Méditerranée comme carrefour des mobilités des migrants roms - Céline Bergeon p. 39-50 A partir de différents terrains d'enquête en France et en Espagne, réalisés entre 2013 et 2015, auprès de familles roms, vivant principalement en squat ou en campements « illégaux », des entretiens qualitatifs couplés à des matrices biographiques nous ont permis de retracer leurs parcours de vie et trajectoires migratoires. Cette « cartographie des histoires de vie » donne à voir l'espace méditerranéen comme un espace central dans la plupart des pratiques de mobilité et ce, depuis plusieurs générations. Pourtant, si la diversité des processus et des itinéraires migratoires est à l'œuvre, l'accueil fait à ces familles dans la plupart des pays d'installation reste très largement répressif. Ces expulsions à répétition participent de la redéfinition des modes d'habiter et influencent en retour la re-dispersion dans un espace méditerranée déjà très marqué par ces migrations. Nous commençons par rappeler ces déplacements historiques, afin d'examiner ensuite l'ampleur des phénomènes actuels, en mettant au jour la pluralité des trajectoires – subies ou choisies – mais aussi les ancrages et les attaches territoriales de ces groupes et individus à qui on confère pourtant volontiers une a-territorialité revendiquée.
- Modèles de gestion de la diversité en Europe et migrations roms : le cas espagnol - Tina Magazzini, Stefano Piemontese p. 51-62 Les migrations roms à l'international ont fortement contribué au cours des dernières années à « l'européanisation » de la problématique. Ce furent largement les réponses politiques apportées localement et nationalement à l'arrivée de ressortissants étrangers (néanmoins européens) qui poussa l'Union et les pays membres à adopter un cadre pour « l'intégration des Roms ». Cependant la reconnaissance de ces populations comme minorité transnationale, ou encore la mise en place au niveau européen de politiques redistributives fondées sur la prise en compte d'une ethnicité « rom », se révèlent à la faveur d'un regard sur les pratiques, non-exemptes d'incohérences. L'article propose d'éclairer et d'analyser ces questions à partir de l'étude de la situation espagnole et plus particulièrement de la manière dont les migrants roms (majoritairement originaires de Roumanie) s'inscrivent dans des cadres antérieurs dessinés en faveur des Gitanos, en même temps qu'elles interpellent les structures et dynamiques européennes.
- Les Gitans d'Espagne : une catégorie sui generis ? - Nathalie Manrique p. 63-72 Les Gitanos en Espagne constituent une catégorie fondée par leur adaptation aux multiples mesures administratives adressées à leur encontre. De la sorte, leurs attributs d'identité premiers comme les professions, patronymes, lieu de résidence, parure, etc. sont les fruits des nombreuses tentatives, surtout en périodes de quête hégémonique lors des grandes découvertes, de faire disparaître leur étrangeté. Pourtant l'Espagne, fortement catholique, a été influencée tardivement par la notion de « race » telle qu'elle s'est construite au cours du XIXe siècle dans toute l'Europe. L'attitude ambivalente à leur égard se perpétue aujourd'hui, malgré les aides de l'État pour leur intégration et la force des associations gitanes.
- L'état de la question rom en Macédoine - Christophe Chiclet p. 73-80 Dans l'espace balkanique, c'est essentiellement en République de Macédoine-ex Yougoslave que le statut des Roms est le meilleur, ou le moins pire. S'ils restent des citoyens de deuxième zone au niveau économique, ils ont obtenu une reconnaissance, déjà sous Tito, mais surtout depuis l'indépendance en 1991 en tant que minorité constitutive, avec leurs partis, leurs députés, leurs média et leur fierté.
- A l'épreuve de la gentrification et de la transformation urbaine : Les collectivités Romanlar en Turquie - Özge Burcu Günes p. 81-90 Depuis le début des années 2000, les projets de transformation urbaine redessinent les villes en Turquie. Ces projets favorisent les intérêts du marché, en dépit des besoins et des demandes des citoyens. Ils ont été d'abord mis en place dans les grandes villes comme Ankara, Istanbul et Izmir et ont récemment émergé dans d'autres plus petites villes turques. L'article propose d'examiner l'impact de ces politiques urbaines d'inspiration néolibérale sur les populations roms, nombreuses à résider dans ces quartiers en rénovation. Deux exemples retiendront plus particulièrement notre attention : celui de Sulukule dans le district stambouliote de Fatih, connu comme étant un des plus anciens lieux d'installation des Roms en Europe ; Kestanelik, ensuite, situé quant à lui à Sakarya, une ville moyenne en Anatolie. A partir d'une enquête de terrain conduite à Istanbul en 2010 et à Sakarya en 2012-2013, nous commençons par présenter brièvement les populations romanlar en Turquie, discutant la mesure des discriminations subies dans les domaines économiques et sociaux, urbain et politique. Nous analysons ensuite les dimensions culturelles, sociales et politiques des projets de transformation urbaine, pour examiner enfin, leur l'impact sur les populations qui y résident.
- La question rom en Italie, entre logiques sécuritaires et logiques humanitaires - Alice Sophie Sarcinelli p. 91-102 Afin d'analyser les processus de catégorisation des populations identifiées comme Tsiganes/Roms/Nomades, nous retracerons dans une première partie de l'article l'histoire de la politisation ordinaire et extraordinaire, sur le long terme, de ces populations, au niveau national comme européen. Cette esquisse historique et la prise en compte de différents contextes et scènes d'interaction (locales, régionales, nationales et européennes) nous amènent à nous arrêter ensuite sur « les conditions de possibilité » de l'Emergenza nomadi (déclaration d'un « état d'urgence » Nomades) par le gouvernement italien en 2008. Il s'agira ainsi de rendre compte des processus qui ont conduit à la construction de ce problème public en Italie, entre logiques sécuritaires et logiques humanitaires.
- La douleur politique. Enjeux du corps malade dans les campi roms de Rome - Lorenzo Alunni p. 103-113 A partir d'un travail d'enquête ethnographique effectué dans les « campi roms » de Rome entre 2009 et 2011 portant sur les interventions médicales dans ces espaces urbains marginalisés, nous proposons une contribution sociologique à l'étude de la dimension politique de la douleur et les enjeux qu'elle permet de matérialiser. Nous analysons les relations entre les questions corporelles – en particulier le phénomène de la douleur et ses différentes déclinaisons – et le contexte politique, les conditions d'existence qui sont faites aux citoyens roms à Rome et en Italie. La douleur est cachée ou exposée, diminuée ou amplifiée, au gré des circonstances de la vie d'un groupe, ciblé par des politiques sécuritaires. Les formes de son expression sont dès lors à considérer comme un révélateur et un analyseur pertinent de ces dynamiques bio-politiques particulières et des réactions qu'elles provoquent.
- Intervention sociale en bidonvilles : perspectives françaises, visions croisées - Evangeline Masson Diez p. 115-126 Depuis une vingtaine d'années, les bidonvilles ont réapparu en France. Habitées majoritairement par des familles d'origine roumaine ou bulgare, ces zones du mal-logement sont peu ou mal prises en charge par les associations. De son côté, l'Etat paraît n'avoir qu'une seule réponse à apporter : l'évacuation quasi systématique. Les conditions de vie dans ces espaces qui essaiment dans notre pays sont exécrables et, parfois même, ils deviennent des lieux d'exploitation et d'oppression, des zones de non-droit dont les habitants n'ont qu'un accès limité à la domiciliation, à la santé et à la scolarisation. Pour autant, ils peuvent également être des lieux de sociabilité, d'insertion, de travail et de scolarité. Par-delà l'évocation que l'on fait ici des interventions sociales – associatives, étatiques, municipales ou citoyennes et militantes – il s'agit de proposer des interprétations quant aux principales logiques qui s'en dégagent en termes d'accès à l'emploi, à l'éducation, à l'hébergement et au logement.
- Entre dissuasion, assistance et activisme : l'accueil ambivalent des migrants roms en France - Mohamed Belqasmi p. 127-141 A partir d'une ethnographie des pratiques de répression et des mobilisations sociales de soutien à des migrants roumains, cet article rend compte des façons dont la présence de Roms roumains séjournant dans des conditions d'habitat précaire évolue dans une agglomération urbaine française. Il décrit la manière dont la présence des familles fait l'objet d'interventions ambivalentes, entre logiques de dissuasion visant à compromettre leurs possibilités d'ancrage et processus de sélection/séparation des « assimilables » et des « indésirables ». Il montre également comment une diversité d'acteurs s'engage localement en faveur de la « cause des Roms », instituant les « campements » en espaces de luttes.
- Roms et Tsiganes en Europe méditerranéenne : l'actualité d'une question - Milena Doytcheva p. 9-25
Variations
- Dérives identitaires : culture régionale face à l'extrémisme dans le Comté de Nice - Robert Bistolfi p. 145-154 La France est riche de personnalités régionales dont l'affirmation ne menace pas, en soi, la cohésion républicaine. Le Comté de Nice, qui doit à l'histoire une forte identité culturelle et linguistique, a vu aussi sa population profondément brassée au cours du dernier demi-siècle. Dans cette terre traditionnellement conservatrice, un repli protecteur sur la culture dialectale a prévalu. Compréhensible, ce repli est devenu inquiétant lorsque, avec la crise des dernières années, une affirmation identitaire extrémiste a contaminé un pan de la « nissardité ». Doublant une UMP déjà très droitière et un FN bien implanté, certains mouvements franchement xénophobes, racistes et islamophobes ont acquis pignon sur rue. Cette dérive, décrite et dénoncée ici, pourrait aussi être annonciatrice de risques semblables dans d'autres régions à la personnalité historique affirmée. Mais le régionalisme n'est pas maurrassien par nature : on évoquera aussi les actions qui, en s'appuyant sur l'appartenance du pays niçois à l'espace d'Oc, pourraient du sein même de la culture niçoise agir en contre-feux.
- La recherche : fer-de-lance d'une coopération euro-méditerranéenne renouvelée - Domenico Rossetti di Valdalbero, Simon Schunz, Angela Liberatore p. 155-168 Les auteurs mettent en évidence dans cet article les acquis de la coopération euro-méditerranéenne dans le domaine de la recherche. Orientée sur le long-terme et la meilleure connaissance réciproque, les auteurs sont convaincus que la recherche est un instrument clé indispensable à la pérennité des relations euro-méditerranéennes malgré les soubresauts politiques, économiques, sociaux et sécuritaires qui secouent la Méditerranée. La recherche permet non seulement d'améliorer la qualité scientifique mais aussi de stimuler au quotidien les interactions entre intellectuels, universitaires, entreprises et associations. Elle donne aussi l'occasion aux acteurs en jeu de se confronter aux mécanismes de gestion, d'administration et de financement modernes ainsi que de faciliter le dialogue interculturel par l'utilisation d'un langage commun. Au-delà, la recherche peut être considérée comme un pilier de la « diplomatie scientifique ».
- Arab futures: three scenarios for 2025 - Florence Gaub p. 169-180 This article proposes three key scenarios for the Arab world in 2025: one optimistic, one pessimistic and one in between. All three depend on how Arab decision makers tackle the key challenges identified today – youth unemployment and insecurity in particular.
- Notes de lecture - p. 182-197
- Dérives identitaires : culture régionale face à l'extrémisme dans le Comté de Nice - Robert Bistolfi p. 145-154