Contenu du sommaire : Onomastique, droit et politique

Revue Droit et cultures Mir@bel
Numéro no 64, décembre 2012
Titre du numéro Onomastique, droit et politique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Onomastique, droit et politique

    • Onomastique, marqueurs identitaires et plurilinguisme. Les enjeux politiques de la toponymie et de l'anthroponymie - Hervé Guillorel p. 11-50 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Si on peut définir le politique comme la gestion du « vouloir vivre ensemble », alors la nomination des personnes (anthroponymie) et des lieux (toponymie) peuvent être analysés comme des actes « politiques ». L'émergence des territorialités passe presque toujours par ces actes de dénomination, actes de langage. Dès lors la toponymie, prise dans son acception la plus large possible, en tant qu'elle implique des stratégies de marquage et de contrôle d'un territoire, dans une langue donnée, peut être considérée comme un acte « politique ». Il en est de même pour la nomination des personnes. Le but de cette introduction est de montrer que les pratiques onomastiques peuvent et doivent être analysées avec les outils de la science politique.
      Our introduction tries to analyze the possible relationships between onomastics and politics : since these two fields of research are huge and not so well established, we have decided to take concrete things one by one : first a few case studies to show that these issues have always existed; then a typological approach in order to identify those variables which we supposed to be useful and then a first small list of field of research. This explains why this paper is quite «open».
    • Onomastique et statut des immigrés syro-palestiniens dans l'Égypte du Moyen Empire - Bernadette Menu p. 51-68 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Pays d'immigration depuis la préhistoire, l'Égypte a accueilli de nombreux groupes ethniques venus des contrées voisines. Nubiens, Libyens et ressortissants d'une vaste aire proche-orientale ont largement contribué à augmenter la population de l'Égypte à l'intérieur de ses frontières. C'est à la question du changement de nom des immigrés syro-palestiniens et de sa signification que seront consacrés quelques développements, en insistant sur un document particulièrement révélateur datant du XVIIIe siècle avant notre ère.
      As a land of immigration from prehistoric times, Egypt took in many ethnic groups from neighbouring regions. Nubians, Libyans and people from a vast Near Eastern area greatly contributed to the increase of the population within Egyptian borders. This paper is devoted to the issue of the name change of Syro-Palestinians and its significance, with emphasis on a particularly revealing document from the eighteenth century BCE.
    • Se nommer, être nommé et intégrer le monde romain à partir de la documentation gauloise - Laurent Lamoine p. 69-90 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les publications des années 2000 témoignent du renouveau des études historico-onomastiques et permettent d'engager une réflexion historiographique. Les noms gaulois et leurs évolutions pendant l'Empire romain ont alimenté aux XIXe et XXe siècles, qui étaient en train de construire l'histoire nationale, les thèses du nom résistant puis du nom survivant (ou gallo-romain) aujourd'hui éculées. Depuis la fin des années 1970, le retour en grâce de la dimension juridique a permis aux historiens d'approfondir la connaissance du lien entre l'octroi de la citoyenneté romaine et les changements de nomenclature et de tenter de cerner les motivations des individus ou des groupes. La réhabilitation des analyses politiques et juridiques permet également de mieux définir la chronologie. Sous l'Empire, le nom romain (trianominal) devient intéressant à adopter comme nom officiel et d'usage au cours de l'époque julio-claudienne en relation avec les potentialités intégratrices de la société romaine.
      Publications of the 2000s revival of studies attest to the historical and onomastic and allow to start thinking historiography. Gallic names and their evolution during the Roman Empire have fueled the nineteenth and twentieth centuries, who were trying to build national history, the thesis of the name and the name surviving resistant (or Gallo-Roman) corny today. Since the late 1970s, the comeback of the legal dimension has enabled historians to deepen the understanding of the link between the granting of Roman citizenship and nomenclature changes and try to identify the motivations of individuals or groups. Rehabilitation policy and legal analysis also helps to better define the timeline. Under the Empire, the Roman name (trianominal) becomes interesting to adopt as official name and use during the Julio-Claudian period in relation to potential inclusive of Roman society.
    • Les règles de droit dans la prose du Dindshenchas de Rennes - Christophe Archan p. 91-113 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les poètes irlandais du Moyen Âge devaient connaître « l'histoire des localités », « l'histoire des lieux éminents » (dindsenchas). Plusieurs sources des XIe-XIIIe siècles rassemblent de courts passages en prose ou en vers, qui racontent la « tradition » des lieux. Chaque toponyme s'explique ainsi par une histoire particulière, qui est souvent éloignée de la réalité historique, mais qui révèle les exploits d'un héros, d'un roi ou d'un dieu. Parmi ces légendes, on trouve parfois ici ou là, une allusion à quelques règles juridiques. Nous prendrons l'exemple de la recension C du dindsenchas, contenue dans un manuscrit conservé à la bibliothèque municipale de Rennes. On y trouve des allusions aux contrats, aux sûretés, à l'ordalie ou au jugement, ce qui montre que les règles de droit ne sont pas cantonnées aux traités juridiques, mais se trouvent incorporées dans diverses formes littéraires, notamment dans les légendes des lieux célèbres. La légende vient alors bien souvent confirmer les règles de droit enseignées dans les écoles spécialisées, elle est l'esprit de la coutume.
      Medieval Irish poets must have been familiar with the lore of prominent places (dindsenchas). Several sources from the 11th to the 13th centuries include short passages, in both prose and poetry, which tell of the “tradition” of places. Each toponym is thus explained through a particular story, which is often far from historical reality, but which recounts the exploits of a hero, a king or a god. Among these legends, there are, here and there, allusions to the law. This study looks at recension C of the dindsenchas, which is in a manuscript at the library of Rennes. It contains references to contracts, sureties, ordeals and judgments, which show that the law was not confined to legal treatises, but was often incorporated into various literary forms, particularly the legends of prominent places. The legends therefore often confirmed the rule of law taught in law schools, they were the spirit of the custom.
    • Le nom et les armes : la matrilinéarité dans la parenté aristocratique du second Moyen Âge - Jean-Luc Chassel p. 117-148 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'étude conjointe de l'anthroponymie et de l'héraldique, entre le XIIe et le XIVe siècle, invite à réévaluer la place de la matrilinéarité dans le système de parenté bilatéral de la société de l'Occident médiéval. La transmission des noms et des armoiries en voie féminine est courante lorsque, par dot ou par héritage, la femme apporte au mariage des biens matériels et immatériels importants. Le phénomène accompagne les cas, assez fréquents à l'époque, d'unions hypogamiques ou au moins homogamiques de l'épouse. De plus, comme le montrent les sceaux de certaines princesses (telles Jeanne de Châtillon, comtesse d'Alençon et de Chartres, héritière du comté de Blois, Yolande de Flandre-Cassel, comtesse de Bar, ou sa mère, Jeanne de Bretagne), la transmission des noms et armoiries se fait aussi de mère à fille, voire d'aïeule à petite-fille. Ces pratiques constituent un discours proprement féminin de la parenté qui, en dépit du caractère patriarcal de la société, est destiné à commémorer le prestige des aïeules et leur rôle dans l'accroissement de la puissance des lignages.
      Anthroponymy and heraldic evidences are incentive together, between XIIth and XIVth centuries, to upgrade the matrilateral aspect of the bilateral kinship system in occidental society of the Middle Ages. The transmission of names and coats of arms by women is common, when their dowry and inheritance of material and non material goods is important. The phenomenon express that the marriage is homo- or hypogamic for the wife. Sometimes, according to the seal of any princesses (Jeanne de Châtillon, countess of Alençon and Chartres, Yolande de Flandre-Cassel, and her mother Jeanne de Bretagne), the passing on of name and coat of arms goes from mother to daughter, even from grandmother to granddaughter. This practice is a real feminine discourse of kinship, a celebration of the ancestresses' prestige, a commemoration of their part in the lineage increase.
    • Les noms des quartiers dans la ville d'Oran. Entre changement officiel et nostalgie populaire. - Belkacem Boumedini, Nebia Dadoua Hadria p. 149-160 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La décolonisation en Algérie s'est accompagnée d'une réappropriation symbolique de l'espace toponymique. L'algérianisation des odonymes (du grec « odos » : rue), s'est concrétisée en 1963 par un décret officialisant le remplacement des noms français des quartiers par d'autres  algériens. Aujourd'hui encore dans des villes comme Oran, les vieux comme les jeunes préfèrent appeler les quartiers oranais par leurs toponymes français au lieu du toponyme algérien. Notre article tentera d'expliquer ce phénomène.
      The decolonization in Algeria was accompanied by a symbolic reappropriation of the toponymic space. The Algerian names of the odonymes (of the Greek «odos»: street), is concretized in 1963 by a decree officializing the replacement of the French names of the districts by other Algerian. Today still in cities like Oran, the old men like the young people prefer to call the town districts by their French toponyms instead of the Algerian toponym. Our article will try to explain this phenomenon.
    • Hydronymie et politique - Hervé Guillorel p. 161-180 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Nommer les lieux constitue un mode incontournable de représentation sociale collective de l'espace. Ce dernier ainsi approprié, maîtrisé, contrôlé, est institué en territoire. Dès lors, ces nominations peuvent faire l'objet d'enjeux politiques du fait de la succession de groupes linguistiquement différents sur un même territoire et du fait des ruptures politiques diverses (révolutions, colonisation/décolonisation, démembrements d'empires, etc.). La toponymie, ou mieux la choronymie englobe de nombreuses catégories dont la temporalité (ancienneté et durée de vie) et le degré de politisation varient. Cet article concerne les noms d'entités liées à l'eau ou hydronymes dont on pense qu'ils sont les moins susceptibles d'enjeux idéologiques et politiques, du fait de leur très grande ancienneté. Il illustre trois cas de figure qui prouvent le contraire. Le premier cas concerne des enjeux géopolitiques actuels qui concernent des hydronymes (en l'occurrence des golfes ou des mers) dont les caractéristiques physiques impliquent des contacts/conflits entre plusieurs États ; le second cas illustre comment des prétentions territoriales peuvent être fondées sur des "preuves" tirées de l'interprétation d'hydronymes ; le dernier cas décrit l'histoire de la dénomination d'un hydronyme, le fleuve Orange, en Afrique, et souligne les conflits de nomination liés aux processus de colonisation/décolonisation et à la question des peuples autochtones.
      The collective social representation of space implies the naming of places, and, consequently, space being controlled, mastered, becomes territory. Since different linguistic groups successively occupy the same territory and, due to political changes (revolutions, colonization/decolonization, breaking up of empires, etc.), the naming of places and spaces can have political and ideological implications. Toponymy (place-naming) or better, choronymy, includes several categories which have different temporalities and degrees of politicization. Our article focuses on hydronyms (place-names relating to water). Usually people think that this category is less concerned by political use because of its antiquity. In fact, our three case-studies show that it's not true. The first example describes present geopolitical conflicts concerning hydronyms (concretely gulfs and seas) and opposing neighbouring States. The second example illustrates the case where the explanation of hydronyms is used to «prove» territorial ambitions or revendications. In the last example, we analyse the history of the African Orange river which gives a good illustration of conflicts due to the process of colonization/decolonization and the issue of native peoples.
  • Etudes

    • Discursivités et pratiques tsiganes : autour de la loi de 1912 sur les « nomades » en France - Emmanuel Filhol accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le champ du politique à travers la loi de 1912 sur la circulation des « nomades » dans son articulation avec le juridique et la presse constitue un observatoire privilégié pour rendre compte de la négation et stigmatisation dont furent l'objet les Tsiganes en France. Quatre locuteurs manouches témoignent des humiliations produites par cette loi (et ses incidences indirectes dramatiques durant la seconde guerre mondiale) mais aussi de leur résistance.
      The political field around the 1912 law throughout its legal consequences and its press coverage constitutes a preferential observatory to account for the negation and stigmatization which Gipsies had to suffer in France. Four Sinti speakers report the humiliations brought about by this law (and its dramatic indirect effects during the Second World War) and also their acts of resistance.
    • Le droit international humanitaire et la protection des enfants en situation de conflits armés en République démocratique du Congo - Mumbala Abelungu Junior p. 207-235 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La présente réflexion a eu pour centre d'intérêt l'analyse de la protection particulière des enfants en situation de conflits armés au plan conventionnel et sa mise en œuvre sur le champ de bataille en République démocratique du Congo. Il se dégage que la protection de l'enfant qui se dit particulière ou spéciale en conflits armés ne l'est pas autant sur le plan juridique qu'en réalité. Au plan juridique, les textes conventionnels qui garantissent la protection de l'enfant en situation de conflits armés ne s'expriment pas tous de la même manière au point d'entrevoir certaines marges d'appréciation profitables aux États ou parties au conflit. Ce qui place l'enfant dans une situation permanente d'insécurité justifiée. Tout de même, les instruments relatifs aux droits de l'homme semblent combler certaines lacunes du droit international humanitaire. Cependant, il ne s'agit là que de protection relative. Et sur le terrain de combat, les belligérants ne sont pas impressionnés de violer ces différents instruments juridiques. Pour une mise en œuvre efficace et efficiente, par rapport à la situation conflictuelle en République démocratique du Congo, cet article propose la création d'une Commission nationale de mise en œuvre du droit international humanitaire  accompagnée d'une Commission nationale d'indemnisation des victimes ; un Centre d'études stratégiques de conflits armés et l'instauration d'une juridiction pénale internationale ou mixte ad hoc.
      The present thought has as an inner interest, the analysis of the particular protection of children in armed conflicts situations, to the conventional plan and its implementation on the battlefield in Democratic Republic of Congo. It is clear that the protection of the child, which is said special and particular in armed conflict is not the same in legal plan and in reality. On the legal plan, the conventional texts that guarantee the child protection in armed conflicts situations do not all express in the same way, in order to foresee certain profitable appreciation margins to the States or conflicts part. That put the child in a permanent situation of justified insecurity. Instruments related to the human rights, also seen to fill certain deficiencies of international humanitarian law. On the battlefield, the warring nations are not upset to violate those different legal instruments. To reach the efficient and effective implementation, compared with the conflicting situation in Democratic Republic of Congo, this dissertation suggests the creation of a national Commitee for the Implementation of International Humanitarian law, followed with a National Committee for the Implementation of International Humanitarian Law, followed with a National Committee of the Compensation of Victims; a Strategic Studies Center of Armed Conflicts and the establishment of International or Mixte ad hoc, Criminal Courts.
  • Lectures : notes et comptes rendus