Contenu du sommaire : Crises sans frontières
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 94, été 2015 |
Titre du numéro | Crises sans frontières |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Crises sans frontières
- Crise : les deux versants d'un mot - Pierre Blanc p. 9-16
- Tunisie : les lendemains d'une révolution - Sophie Bessis p. 17-27 Près de cinq années après la chute de la dictature en janvier 2011, la Tunisie continue de traverser une passe difficile. La multiplication des attentats a affaibli une économie et un Etat déjà fragiles, et le gouvernement de coalition formé au lendemain des élections législatives et présidentielles de décembre 2014 gère le court terme sans cohérence ni stratégie. Avec une population désenchantée, une classe politique dépourvue de vision, le chaos libyen qui menace ses frontières et sa sécurité et des partenaires européens incapables de mettre sur pied une véritable politique de coopération, le pays du « printemps arabe » aura bien du mal à surmonter une crise multiforme dans laquelle il semble pour l'heure englué.
- Les défis de la Libye - Barah Mikail p. 29-41 Quatre ans après la chute du colonel Moammar Kadhafi, la Libye continue à pâtir d'une succession de crises internes. Outre leurs lourdes conséquences pour les Libyens, celles-ci alimentent en retour, même si de manière plus réduite qu'on ne le pense souvent, les risques de déstabilisation dans la sous-région. Les défis de la Libye s'articulent autour de plusieurs enjeux, sociaux comme économiques, auxquels s'ajoute le risque constant incarné par les actions terroristes de certaines formations. Mais le plus grand problème de la Libye réside dans la quête de pouvoir de ses principaux belligérants, qui sont soutenus à leur tour par des acteurs étrangers. Il reste à voir si, dans ce contexte, l'entreprise de médiation menée par le représentant spécial de l'ONU pour la Libye, Bernardino León, pourra accoucher d'un épisode constructif et plus prometteur.
- Crise et déradicalisation : les rebelles syriens d'Ahrar al-Sham - Thomas Pierret p. 43-49 Principale faction rebelle syrienne, Ahrar al-Sham est fondé début 2012 par des militants jihadistes libérés l'année précédente de la prison de Seydnaya. D'emblée, le mouvement engage une dynamique de déradicalisation qui le différencie d'al-Qaeda et de l'État Islamique d'Irak dans sa relation au reste de l'opposition, aux États régionaux, et aux objectifs du soulèvement de 2011. Cette déradicalisation ne s'est pas opérée en dépit de la guerre civile mais, à l'inverse, à cause de cette dernière. Confrontés au phénomène inédit d'une large mobilisation populaire armée, les fondateurs d'Ahrar al-Sham opèrent une révision critique de l'avant-gardisme jihadiste et se rallient à une lutte définie comme une révolution syrienne plutôt que comme une simple étape du jihad global. Combinée à un partenariat étroit avec la Turquie et le Qatar, cette mise à distance de l'internationale jihadiste, confortera la dynamique de déradicalisation du mouvement.
- Premier anniversaire du « califat » : état et perspectives de l'« État islamique » - Philippe Bannier p. 51-62 Depuis plus d'un an, l'« État islamique » fait la une de l'actualité pour ses avancées territoriales et sa mise en scène de l'horreur. Mais au-delà de ces aspects, l'organisation du calife auto-proclamé Abou Bakr al-Baghdadi comprend une dimension civile d'où il tire sa légitimité. L'administration des territoires sous son contrôle passe par une exploitation des ressources naturelles et humaines dont regorgent les territoires syrien et irakien. Les revenus que le groupe en tire lui permettent de financer ses opérations militaires et son embryon d'État. Un an après le début des bombardements d'une coalition emmenée par les États-Unis, l'« État islamique » a montré une capacité étonnante d'adaptation et de flexibilité. Une meilleure compréhension du groupe djihadiste est aujourd'hui nécessaire pour l'ensemble des acteurs œuvrant à sa disparition.
- Une terreur sacrée ? La violence à l'heure des crises du Moyen-Orient - Haoues Séniguer p. 63-80 Depuis les attentats de New York, le 11 septembre 2001, préparés et exécutés par des membres d'al-Qaïda, on ne compte plus les exactions de plus ou moins grande ampleur perpétrées aux quatre coins du monde par des organisations, mouvements ou individus se réclamant de l'islam. Celles-ci, qui ne sont désormais plus confinées à des territoires extra-européens, provoquent terreur et effroi chez une majorité de gens, y compris chez les musulmans eux-mêmes. Pour autant, il est nulle question de chercher à distinguer un supposé bon islam d'un tout aussi supposé mauvais islam, opposer un supposé « islam des Lumières » à un supposé islam « obscurantiste », traquer les supposés mauvais musulmans pour les opposer aux supposés bons musulmans, ou l'inverse. Force est simplement de constater qu'à l'aube du XXIe siècle, l'islam est fréquemment l'objet d'investissements ou de commentaires fortement contradictoires, sinon passionnés, avec une islamophobie qui s'enracine en Europe. Il est impossible de nier la dimension religieuse des conflits qui sévissent au Moyen-Orient. Cela paraît évident. Il faut donc l'interroger en précisant un cadre théorique rigoureux.
- Attentats de janvier 2015 : le séisme et ses répliques : Les valeurs républicaines à l'épreuve - Robert Bistolfi p. 81-94 Tout tremblement de terre s'accompagne de répliques, et celles générées par les deux attentats de janvier 2015 (contre Charlie Hebdo et le magasin cacher) pourraient se révéler aussi dangereuses – sinon plus – que les attentats eux-mêmes. Au-delà de toutes leurs attentes, les terroristes auraient-ils vaincu, avec des moyens dérisoires, en touchant la démocratie au cœur ? Un simple suivi au jour le jour, dans la presse, de ce qu'ont été les réponses gouvernementales et les réactions de certains responsables politiques conduit à additionner les interrogations préoccupantes. Elles portent davantage sur les fragilités d'ensemble de la société française que sur l'adhésion de sa composante de culture musulmane aux valeurs de la République. Sur fond d'islamophobie croissante, la nature des dispositions sécuritaires, l'abandon des quartiers sensibles, l'institution laïque dérivant en idéologie autoritaire... laissent mal augurer de l'avenir.
- Israël : le prix d'une « victoire » - Dominique Vidal p. 95-106 Les élections législatives du 17 mars 2015 ont marqué une nouvelle radicalisation de l'opinion israélienne, que traduit la constitution d'un gouvernement plus à droite, mais plus fragile. D'autant que ce durcissement accentue l'isolement international de Benyamin Netanyahou. La troisième guerre contre la bande de Gaza a en particulier renforcé la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS), dont la classe politique et médiatique mesure mieux le danger. L'Organisation de libération de la Palestine (OLP) s'est lancée, elle, dans une « intifada diplomatique », qui a remporté de premiers succès. Elle entend désormais obtenir du Conseil de sécurité une résolution qui fixe les paramètres et les délais d'un nouveau cycle de négociations, dont l'encadrement international garantirait le succès. La France, parrain, avocat et médiateur de cette démarche, ira-t-elle jusqu'au bout ?
- L'Iran et les Etats-Unis après l'accord sur le nucléaire : paix froide ou réconciliation ? - Clément Therme p. 107-117 La conclusion d'un Plan d'action global commun entre la République islamique d'Iran et le groupe des 5 + 1 (les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité + l'Allemagne) le 14 juillet à Vienne pose la question d'une normalisation des relations diplomatiques entre Téhéran et Washington. Le long processus de négociations directes irano-américaines sur le dossier nucléaire autorisé par le Guide suprême Ali Khamenei en 2011 ouvre la possibilité d'une normalisation diplomatique irano-américaine. Cependant, le Plan d'action suscite l'opposition des Républicains aux Etats-Unis et des delvapassan (les inquiets) en Iran. Il ne règle pas les différends entre l'Iran et les Etats-Unis qui concernent le Moyen-Orient en général et la question israélienne en particulier. In fine, il apparaît que le Plan d'action constitue un premier pas vers une paix froide entre l'Iran et les Etats-Unis mais il ne constitue qu'une condition nécessaire mais qui n'est pas suffisante pour une réconciliation entre Washington et Téhéran.
- La crise autour du programme nucléaire iranien. L'accord de Vienne : un vent nouveau mais... - Bernard Ravenel p. 119-131 L'importance des enjeux énergétiques au Moyen-Orient ne doit pas occulter celle du contrôle de la prolifération des armements dans cette région principale destinatrice mondiale des livraisons d'armes de toute nature. C'est surtout la prolifération des armes de destruction massive (ADM) qui représente aujourd'hui le risque majeur. Pour de nombreux pays de la région, le développement de programmes chimiques, bactériologiques et nucléaires apparaît comme l'unique réponse à l'arme nucléaire détenue dans la région par le seul Etat d'Israël. Or l'armement non-conventionnel, on vient de le constater avec l'emploi de l'arme chimique par la Syrie, n'est pas toujours perçu dans la région comme un moyen de dissuasion mais comme un outil opérationnel d'ordre tactique. D'où l'importance majeure de faire de cette région une zone exempte d'ADM comme l'a proposé Obama dès 2009. La conférence de Vienne sera-t-elle le premier maillon au moins symbolique dans cette perspective décisive pour la paix mondiale ?
- Tournant frontalier au Maghreb et au Moyen-Orient - Karine Bennafla p. 133-144 Le moment (post-)révolutionnaire dans les pays arabes engendre une véritable crise des frontières. De la Libye à l'Irak, l'ordre territorial, né il y a près d'un siècle avec l'imposition de limites d'Etat, vacille. Les pays du Maghreb et du Moyen-Orient, mais aussi les pays sahélo-sahariens, font face aujourd'hui à une remise en cause de leurs frontières qui sont brouillées par les affrontements armés, transgressées par un imbroglio de flux composites, et même ouvertement gommées par Daech. Ce processus oblige à repenser la signification et le rôle des frontières, y compris en Europe.
- Migrants sans frontières - Sylviane de Wangen p. 145-154 Depuis les années 1970, après les décennies des décolonisations et la fermeture des frontières européennes à l'immigration de travail en raison de la diminution des besoins de main-d'œuvre étrangère, de l'automation et du début des délocalisations, l'augmentation constante du nombre des migrants dans le monde est vécue dans l'Union européenne comme une menace qu'elle combat par tous les moyens au nom de l'ordre public, ce qui aboutit à la création d'une notion nouvelle, l'immigration « irrégulière ». À partir de 2010, la croissance du nombre de migrants s'accélère du fait notamment des bouleversements dans les pays de la Méditerranée, du chaos créé au Moyen-Orient, en particulier en Irak, et du drame syrien. La plupart des migrants sont en quête d'une protection. En 2015 la situation est qualifiée de « crise des migrants » sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale. Rien ne semble pouvoir stopper la tendance et la réponse sécuritaire échoue à endiguer les flux de personnes à la recherche de protection et de sécurité. L'émotion créée par l'annonce des morts quotidiennes lors des passages de frontières ou en mer est-elle de nature à encourager les dirigeants européens à promouvoir une vraie politique migratoire et d'asile en Europe et au niveau mondial ?
- La crise grecque. Un poignard dans le dos de l'Europe ? - Georges Prévélakis p. 155-166 Contrairement à l'Irlande, l'Espagne et le Portugal, la Grèce s'enfonce dans la crise. Cette exception est utilisée comme un argument par les économistes qui s'opposent à la stratégie européenne de sauvetage des pays-membres en crise. Pourtant, l'explication de la spécificité grecque n'est pas à chercher dans les grands débats économiques. La Grèce, contrairement aux autres pays européens frappés par la crise de 2008, ne doit pas être replacée seulement dans le contexte économique européen, mais aussi dans celui de la Méditerranée orientale. Pendant les dernières années, elle s'est ainsi trouvée au croisement de deux familles de crise, une économique et une politique et institutionnelle. La prise de conscience de cette double appartenance crée un nouveau défi pour l'Europe. La crise grecque constitue certes une difficulté, mais aussi une opportunité de renouveau intellectuel pour l'Union européenne et ses institutions.
Variations
- Entre compromis et violence, les sociétés arabes ont émergé depuis 2011 - Jacques Ould Aoudia p. 169-179 Le bruit et la fureur se sont emparés, une fois encore, de larges parties du monde arabe. Par delà les soubresauts de l'histoire au jour le jour, nous nous interrogeons sur les forces qui travaillent en profondeur les sociétés arabes, sur les clés majeures pour comprendre les enjeux à venir dans cette partie du monde, les voies que les sociétés pourraient explorer pour y restaurer un équilibre, et les nouvelles conditions d'une coopération méditerranéenne entre les pays de ses rives. Ce texte aborde ces questions en accordant une attention particulière aux facteurs internes, qui, in fine, dictent les conditions de tous les autres, y compris dans les situations d'ingérence et de domination extérieure 1 . Il prend comme point d'inflexion majeur la vague de mouvements populaires qui, partie de Tunisie fin 2010, a touché l'ensemble du monde arabe, en révélant les tendances lourdes qui doivent être prises en compte au Sud et au Nord, au moment où l'avenir de la coopération entre Europe et pays arabes doit être repensée en se mettant à l'écoute des sociétés, sans lesquelles tout projet de coopération connaitrait le même sort que ceux qui ont précédé.
- L'Union européenne (UE) et ses partenaires face au besoin de sécurité en Méditerranée - Jean-François Coustillière p. 181-195 La sécurité de l'Union européenne est étroitement liée à celle de ses voisins en Méditerranée. Les situations des pays partenaires méditerranéens ont été profondément bouleversées par les conséquences des révoltes arabes depuis 2011. L'Union européenne est contrainte de réviser son approche de partenariat global de sécurité telle qu'elle la poursuivait avec le Processus de Barcelone, pour privilégier des relations bilatérales avec chacun des pays, tenant compte de leurs spécificités.
- Notes de lecture - p. 197-211
- Entre compromis et violence, les sociétés arabes ont émergé depuis 2011 - Jacques Ould Aoudia p. 169-179
Photographie du marché du travail en France