Contenu du sommaire : Cultural studies et économie politique de la communication
Revue | Réseaux (communication - technologie - société) |
---|---|
Numéro | vol. 33, no 192, 2015 |
Titre du numéro | Cultural studies et économie politique de la communication |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La nécessaire rencontre des cultural studies et de l'économie politique de la communication - Eric Maigret, Franck Rebillard p. 9-43 Les cultural studies et l'économie politique de la communication ont depuis longtemps été confrontées – plus souvent que véritablement combinées – dans la recherche anglophone. Leur rencontre n'a en revanche pas encore eu véritablement lieu dans l'espace francophone. Elle n'est pas simplement nécessaire pour combler un vide dans les échanges intellectuels en français. Elle peut aussi fournir, en ce milieu des années 2010, l'opportunité de penser les pratiques culturelles et médiatiques dans leur globalité – de la production jusqu'à la réception, en passant par les représentations – et donc dans toute leur complexité, si l'on ne ramène pas le processus de totalisation à celui d'unification.Cultural studies and the political economy of communication have on the whole been at odds for a long time in the English-speaking research community, rather than working together. By contrast, in the francophone world they have never actually met. Bringing the two together is not only necessary to bridge a gap in French intellectual life ; it can also afford an opportunity, now in the mid-2010s, to analyse cultural and media practices as a whole, in all their complexity – from their production to their reception, through their representations –, provided the process of totalizing is not reduced to one of unification.
Dossier : Cultural studies et économie politique de la communication
- Économie politique et cultural studies : réconciliation ou divorce ? - Nicholas Garnham, Céline Morin p. 45-65 Ce texte est la traduction d'un article de Nicholas Garnham publié en 1995 dans la revue Critical Studies in Mass Communication. L'auteur considère que l'antagonisme profond entre économie politique et cultural studies peut être surmonté à condition que les cultural studies renoncent à l'accusation d'économisme et de réductionnisme formulée à l'égard de l'économie politique. Il invite néanmoins les chercheurs des cultural studies à prendre davantage en compte les déterminations économiques dans leur théorisation du pouvoir en matière de culture, et à ne pas rejeter trop rapidement les possibilités de fausse conscience des individus face aux productions culturelles et médiatiques qui leur sont soumises. Dans ce texte encore très imprégné du modèle marxiste traditionnel, l'auteur revient enfin sur la place accordée aux rapports de race et de genre dans les structures de domination, en défendant le primat de la classe sociale.This text is a translation of an article by Nicholas Garnham, published in 1995 in the journal Critical Studies in Mass Communication. The author considers that the profound antagonism between political economy and cultural studies can be overcome provided cultural studies stop accusing political economy of economism and reductionism. He nevertheless calls for researchers in cultural studies to better take into consideration economic determinations in their theorization of power in relation to culture, and not to be too quick to reject possibilities of false consciousness of individuals faced with the cultural and media productions on offer. In this text, still deeply steeped in the traditional Marxist model, the author finally considers the place granted to race and gender relations in structures of domination, by defending the primacy of social class.
- Cultural studies versus économie politique : qui d'autre en a assez de ce débat ? - Lawrence Grossberg, Céline Morin p. 67-85 Ce texte est la traduction d'un article de Lawrence Grossberg publié en 1995 dans la revue Critical Studies in Mass Communication. L'auteur répond à Nicholas Garnham en rejetant la définition et la généalogie que ce dernier donne des cultural studies et de l'économie politique de la communication. Grossberg observe que le courant populiste et célébratoire auquel Garnham assimile les cultural studies est en réalité minoritaire et contesté au sein même de cet espace de recherche. Tout en réaffirmant que l'économie politique n'est toujours pas parvenue à se défaire du réductionnisme, il défend le bien-fondé des frontières épistémologiques et empiriques entre économie politique et cultural studies. Finalement, il plaide, non pour leur réconciliation, mais pour un usage étendu du concept d'articulation afin de saisir les liens entre politique, économie et culture.This text is the translation of an article by Lawrence Grossberg, published in 1995 in the journal Critical Studies in Mass Communication. The author answers Nicholas Garnham by rejecting the latter's definition and genealogy of cultural studies and the political economy of communication. Grossberg notes that the populist and celebratory current with which Garnham identifies cultural studies actually represents a minority, and is challenged within that very research field. While reasserting that political economy has not always managed to move away from reductionism, he defends the validity of the epistemological and empirical boundaries between political economy and cultural studies. Finally, he advocates not their reconciliation, but a broad use of the concept of articulation to grasp the links between politics, economics and culture.
- Cultural studies et économie politique de la communication : quel rapport au marxisme ? - Gérôme Guibert, Nelly Quemener p. 87-114 Cette contribution propose de rendre compte des divergences et convergences entre les travaux en économie politique de la communication et les travaux en cultural studies en se focalisant sur un élément de taille, la place des outils théoriques élaborés par Karl Marx, et plus largement du marxisme, dans la constitution des deux courants théoriques ainsi que dans leurs terrains d'étude privilégiés. On verra que les caractéristiques habituellement associées aux deux tendances sont loin d'être évidentes. On montrera que certains ancrages théoriques, comme le matérialisme culturel de Raymond Williams, et les débats autour de l'autonomie des publics et des pratiques numériques, dessinent des points de convergence.This contribution describes the divergences and convergences between work in the political economy of communication and work in cultural studies, focusing on a significant element : the role of the theoretical tools developed by Karl Marx, and of Marxism more generally, in the constitution of the two theoretical currents and in their main fields of study. This article highlights the fact that the characteristics usually associated with these movements are by no means self-evident. It shows that certain theoretical anchorages, such as Raymond Williams' cultural materialism and the debates surrounding the autonomy of audiences and digital practices, offer areas of convergence.
- Les refrains de la mondialisation : Variations critiques, dissonances et consonances de l'économie politique de la communication et des cultural studies - Émilie Da Lage, François Debruyne p. 115-142 Cette contribution vise à interroger l'évolution des travaux de l'économie politique de la communication et des cultural studies sous le thème : musique et mondialisation. Celui-ci oblige souvent les chercheurs à réviser certaines routines conceptuelles ; il permet de voir travailler dans le détail des perspectives, des méthodes, des positionnements critiques, des déplacements et des évolutions, voire d'éclairer des arrière-plans plus transversaux. C'est ainsi que, contre toute attente de réconciliation, ces deux traditions critiques apparaissent d'abord comme incommensurables et, finalement, plus dissemblables et incompatibles qu'elles ne l'ont peut-être jamais été. Mais cet article est aussi l'occasion de rendre visibles des points de fuite, des consonances et des dissonances, par-delà les termes des débats entre les deux courants.This article examines the evolution of work in the political economy of communication and cultural studies from the perspective of music and globalization. This theme often forces researchers to review certain conceptual routines ; it offers detailed insight into perspectives, methods, critical positions, shifts and trends, and can shed light on more crosscutting background processes. Thus without any expectation of reconciliation, these two critical traditions seem incommensurable and, ultimately, more different and incompatible than ever. But this article also reveals vanishing points, consonances and dissonances, beyond the terms of the debates between the two currents.
- De la scène musicale aux réseaux musicalisés : Les inscriptions territoriales et socio-économiques de l'activité artistique - Stéphane Costantini p. 143-167 Au sein des courants de recherche portant sur les musiques populaires, plusieurs notions ont été développées afin d'étudier les faits musicaux et leurs dynamiques dans une dimension géographique, sociale et économique. Ces notions ont été conjointement élaborées et mobilisées par des chercheurs français et anglo-saxons issus des cultural studies, de l'économie politique (ou socio-économie des industries culturelles), ou encore de la sociologie des arts et de la culture. L'objet de cette contribution est d'envisager les divergences et les articulations possibles entre trois de ces notions, la scène, le proto-marché, et le réseau musicalisé, et d'interroger leurs potentiels heuristiques respectifs. En prenant l'exemple de musiciens provenant de zones géographiques variées en France et au Royaume-Uni, nous tenterons de montrer combien la mobilisation de ces notions peut s'avérer utile pour étudier les modalités de développement des projets musicaux, notamment dans l'étude de la construction de la valeur symbolique et économique de leurs activités musicales.Several notions have been developed in research currents studying popular music, to examine the geographic, social and economic dimensions of musical facts and their dynamics. These notions were jointly developed and mobilized by French and English-speaking researchers from cultural studies, political economy (or socio-economics of cultural industries), and the sociology of arts and culture. This article considers the possible divergences and articulations between three of these notions, the scene, the proto-market and the musicalized network, and discusses their respective heuristic potentials. Based on the example of musicians from various parts of France and the United Kingdom, we seek to show just how useful these notions can be to study the modalities of development of music projects, particularly to examine the musicians' construction of the symbolic and economic value of their musical activities.
- Cultural studies, production et économie morale - David Hesmondhalgh, Céline Morin p. 169-202 Les approches issues des cultural studies ont insufflé à la recherche sur les productions médiatiques et culturelles une vigueur nouvelle et nécessaire. Cependant, il devient de plus en plus clair au fil des ans qu'elles rencontrent également de sérieuses limites. L'évaluation menée dans cet article repose sur une première partie dans laquelle nous explorons, en profitant du recul historique, la période d'opposition entre les cultural studies et l'économie politique des années 1990, en distinguant ce que nous appelons les modes théorique et populiste des cultural studies. Nous esquissons ensuite les trois « écoles » des approches cultural studies vis-à-vis de la production et de l'économie : cultural economy, production studies, et creative industries analysis. Selon nous, ces approches en cultural studies de la production et de l'industrie dans le domaine de la culture pêchent, tant dans leur mode populiste que dans leur mode théorique, par le manque d'attention portée à des problématiques fondamentales liées à la normativité dans les rapports entre la culture, les médias et l'économie. Dans les deux dernières parties, portant sur le tournant du cultural labour et le concept d'économie morale, nous suggèrerons des solutions pour une prise en compte plus explicite des problèmes de normativité, proposant ainsi une base éthique potentiellement plus rigoureuse pour l'étude de questions importantes dans le champ de la production culturelle. Nous appliquerons succinctement ce système au rapport problématique entre les biens culturels et le bien-être dans les sociétés modernes.Cultural studies approaches have provided a welcome reinvigoration of research on media and cultural production. But, as the years go by, it becomes clearer that they also suffer from important limitations. To provide a basis for the assessment in this article, the first section revisits the 1990s moment of ‘political economy versus cultural studies' with the benefit of hindsight, distinguishing what I call the theoretical and populist modes of cultural studies. I then outline three ‘schools' of cultural studies approaches to production and economy : cultural economy, production studies, and creative industries analysis. My argument is that, in both its theoretical and populist modes, these cultural studies approaches to production and industry in the realm of culture suffer from a lack of attention to fundamental normative issues regarding the relationship between culture, media and economy. In the final two sections, which discuss the turn to cultural labour and the concept of moral economy, I offer suggestions for how key normative issues might be addressed in a more explicit way, potentially offering a more rigorous ethical grounding for important questions regarding the realm of cultural production. I briefly apply this to the problematic relationship between cultural goods and well-being in modern societies.
- Économie politique et cultural studies : réconciliation ou divorce ? - Nicholas Garnham, Céline Morin p. 45-65
Varia
- Les biens culturels « d'occasion » : des marchés en mutation - Joëlle Farchy, Camille Jutant p. 203-233 Le développement des marchés de l'occasion dans le domaine culturel pose des questions toutes particulières compte tenu de l'ampleur des phénomènes de dématérialisation auxquels sont confrontés les industries concernées. Après avoir posé les principales caractéristiques du marché de l'occasion des biens culturels qui est pour l'heure, essentiellement un marché consacré aux biens physiques, nous analysons, à partir d'une revue de littérature, les articulations possibles entre marché du neuf et de l'occasion. Le contexte juridico - économique actuel conduit dans un second temps à s'interroger sur l'opportunité de l'ouverture d'un marché de la revente numérique compte tenu des caractéristiques spécifiques des biens dématérialisés. Si la notion « d'occasion » semble peu adaptée, à l'ère numérique, la question de la revente permet d'anticiper une transformation des attentes afin de répondre à la fois aux goûts et aux dispositions à payer de chacun, aux particularités de chaque secteur, ainsi qu'aux spécificités des biens dématérialisés. Les usagers deviennent demandeurs de fonctionnalités et de services variés dont la revente pourrait faire partie.The development of second-hand markets in the cultural domain raises very particular questions, given the scope of the dematerialization phenomena affecting the industries concerned. After outlining the main characteristics of the market for second-hand cultural goods, which still essentially offers physical goods, we review the literature to analyse possible articulations between the new and second-hand markets. In view of the specific characteristics of dematerialized goods, the current legal-economic context then raises questions regarding the possibility of a digital resale market opening. While the notion of “second-hand” seems rather unsuitable, in the digital era, resale offers ways to anticipate a transformation of expectations, so as to match each consumer's tastes and willingness to pay, the particularities of each industry, and the specificities of dematerialized goods. Users are beginning to demand diverse functionalities and services, which could include resale.
- Internet, une société contre l'État ? : Libéralisme informationnel et économies politiques de l'auto-organisation en régime numérique - Benjamin Loveluck p. 235-270 L'informatique en réseau a souvent été présentée comme un instrument favorisant l'auto-organisation de la société civile, à partir de modes alternatifs de distribution du pouvoir et de coordination des activités. L'histoire d'internet, abordée du point de vue de l'histoire des idées, montre que de telles propriétés ont donné lieu à la formation d'une véritable philosophie politique que nous avons appelée le libéralisme informationnel. Celle-ci a vu différents modèles d'économie politique s'affronter ; nous en présentons ici le mouvement général ainsi que les divergences internes. Nous terminons par un exposé de trois grandes formes de gouvernementalité qui en sont issues, et qui ouvrent à une critique de l'économie politique en régime numérique : la captation, la dissémination et l'auto-institution.Network computing has often been presented as an instrument promoting self-organization within civil society, through alternative modes of power distribution and coordination of activities. The history of the Internet, considered from the perspective of the history of ideas, shows that these properties have led to the formation of a genuine political philosophy that we have called informational liberalism. This article presents its overall movement and internal divisions, understood as alternative models of political economy. Finally, three main forms of governmentality stemming from this framework are identified, which pave the way for a critique of political economy in a digital regime : capturing, dissemination and self-institution.
- Les biens culturels « d'occasion » : des marchés en mutation - Joëlle Farchy, Camille Jutant p. 203-233
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 271-284