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La forêt française est victime chaque année de multiples agressions d'origine naturelle et humaine. L'objectif est ici de dresser un bilan de ces dommages et d'en déterminer les causes. Il apparaît en définitive que les dégâts, relativement limités par rapport aux autres pays européens, sont le résultat combiné de facteurs climatiques, biologiques, mais aussi historiques et techniques. L'exemple récent des fameuses «pluies acides» est là pour en témoigner.

En France au cours du 20e siècle et avec le début de l'ère industrielle, la pollution atmosphérique a constamment évolué dans le temps. On peut distinguer 3 périodes caractéristiques : — 1910-1980 : période caractérisée par des polluants primaires avec des effets sévères, mais localisés sur la forêt ; — 1980-1990 : période caractérisée par des polluants secondaires moins concentrés mais avec un impact à l'échelle régionale et l'apparition de dépérissements forestiers ; — 1990-.... : l'augmentation de nombreux gaz à l'état de traces dans l'atmosphère risque d'entraîner un effet de serre au niveau de la planète, avec des effets difficilement prévisibles sur les forêts.

Afin d'étudier les relations spatiales entre le dépérissement des arbres dans le massif vosgien et la pollution atmosphérique, les concentrations et flux de S, N-NO₃, N-NH₄, Cl, Na, K, Ca et Mg dans les précipitations à découvert ont été mesurées sur des échantillons mensuels de précipitations, prélevés pendant deux ans dans dix sites vosgiens. La classification ascendante hiérarchique oppose le Nord des Vosges, plus pollué, à la périphérie où les précipitations sont riches en azote et au Sud très peu pollué. L'analyse de la variance de la composition chimique des précipitations en fonction des situations météorologiques désigne les flux d'Est comme le vecteur principal des concentrations élevées en anions acidifiants (soufre, nitrate et chlore), en revanche, les concentrations élevées de potassium et sodium apparaissent surtout en flux d'Ouest. Les niveaux de concentration de magnésium et d'ammonium semblent indépendants des types de temps. Les précipitations vosgiennes témoignent d'un niveau de pollution modérée par rapport aux massifs forestiers d'Europe centrale.

La végétation herbacée est une composante importante de l'écosystème forestier. Le rééchantillonnage (1970/1990) de près de 500 relevés de végétation dans le Nord-Est de la France montre une forte eutrophisation (enrichissement en espèces nitrophiles) de la flore herbacée. Une acidification de la flore apparaît dans certains milieux. Les rééchantillonnages de sol montrent des modifications des caractéristiques chimiques allant dans le même sens. La pollution atmosphérique, du moins pour l'eutrophisation, est la cause prépondérante de ces changements. Ces résultats confirment ceux déjà obtenus en Suisse, Allemagne, Suède et Hollande.

Ce travail synthétise un rapport réalisé par les auteurs dans le cadre d'un projet Deforpa — ministère de l'Environnement intitulé «Histoire des pluies acides ». Le dépouillement de cinq grandes revues forestières françaises pour la période 1980-1989 a porté sur plus de 28 000 pages et permis de retenir 79 articles. Le poids des mots et la place des lieux sont évalués. Les explications simplistes du début se font plus nuancées au terme de la décennie. La nécessité de prendre en compte la dimension spatiale et temporelle du phénomène émerge progressivement.