Contenu du sommaire : Frontières et circulations au Moyen-Orient (Machrek/Turquie) + Varia

Revue L'Espace Politique Mir@bel
Numéro no 27, 2015-3
Titre du numéro Frontières et circulations au Moyen-Orient (Machrek/Turquie) + Varia
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Frontières et circulations au Moyen-Orient (Machrek/Turquie)

    • Frontières et circulations au Moyen-Orient (Machrek/Turquie) - Véronique Bontemps, Philippe Bourmaud, Cyril Roussel accès libre
    • La région frontalière du Sud-Liban et les réfugiés palestiniens : entre résistance et contournements - Daniel Meier accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La question palestinienne au Liban est habituellement abordée sous l'angle des conditions sociales et politiques des réfugiés, principalement dans les camps. Cette approche tend parfois à aplatir l'historicité de la relation longue de plus de soixante ans qui lie ces réfugiés avec le Liban et faire fi de leur rapport à la géographie libanaise. Cet article entend faire le lien entre ces réfugiés et la région frontalière du Sud-Liban en tant que cette dernière ouvre sur une histoire longue, douloureuse et parfois violente des relations avec la terre de Palestine et avec Israël autant qu'il pose question sur les conditions de possibilité de passage entre les deux pays. C'est en effet le long de deux axes, celui de la lutte armée d'un côté et de l'autre celui de la résistance civile par la poursuite des relations entre Palestiniens par-delà la frontière fermée que ce texte entend examiner, à partir de la notion de région frontalière (borderland), la pertinence de l'utilisation du concept de frontières réseaux (networked borders) dans le cas des Palestiniens du Liban. Ce double aspect de la relation à la frontière, militaire et civil, traduit un rapport à l'espace frontalier mais aussi son changement dans le temps ; il met également en lumière la persistance de la marginalisation par les difficultés de mobilité des réfugiés palestiniens dans leur entreprise de franchissement ou contournement de la frontière du Sud Liban face à un système de frontières en réseaux et stratifiées.
      The Palestinian question in Lebanon is usually studied through their political or economical conditions, mainly referring to their life in camps. This approach sometimes minimizes the importance of the 60-year old length common history of the Palestinian refugees with Lebanon and more particularly their relationship with this state's geography. This article intends to make the link between those refugees and south Lebanon's borderland. This border region opens a window on a long, painful and sometimes violent relationship with the land Palestine and with Israel as well as it raises questions about the possibilities of crossing between the two countries. Following two empirical axis with the armed resistance of the Palestinian resistance in the early seventies and the civilian resistance that intends to follow up relationships with relatives in Palestine, this paper would like to consider the region as a borderland and therefore explore the pertinence of using the concept of networked border to describe the type of issue faced by the Palestinians of Lebanon when reaching their relatives of Palestine. We will see that this civil and military aspect of the relationship with the border describes quite well the Palestinian refugees' relationship with the borderland and its transformation in time. It also highlights the persistence of the marginalization of the Palestinian refugees through the issue of mobility as they try to cross or bypass the South Lebanese border and confronted with a networked or stratified system of borders.
    • The Anti-Assad Campaign in the Occupied Golan Heights, 2011-2012: Reimagining Syrian Nationalism in a Contested Borderland - Julian Cole Phillips accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis 1967, Israël et la Syrie revendiquent le Golan, 1250 km2 de territoires situés en bordure de la frontière internationale entre les deux pays. Les résidents arabes de cette zone frontalière ont été pris dans un champ de contestation entre les deux pays. Israël et la Syrie, en collaboration avec leurs alliés respectifs au sein de la communauté druze, ont essayé d'inculquer des sentiments nationaux dans la population à travers un ensemble de projets. Cela a mené à l'instrumentalisation, de part et d'autre, de divers discours et pratiques visant à propager le nationalisme syrien ou israélien. Pendant les années 2011 et 2012, un petit groupe de résidents arabes du Golan ont organisé un mouvement politique d'opposition au président syrien Bashār al-Assad. Ce mouvement représente une initiative sans précédent pour établir une autre forme de nationalisme syrien dans le Golan, un nationalisme qui contraste également avec le patriotisme de l'Etat israélien et l'Etat syrien.
      Since 1967, both Israel and Syria have laid claim to the Golan Heights, 1,250 square kilometers of territory that lies along the eastern edge of the internationally recognized border between the two countries. Over four decades, the Arab residents of this contested borderland have provided an unusual field for contestation between the two states. Both Israel and Syria, in collaboration with local allies, have enacted a series of programs designed to inculcate national consciousness within the population. This contestation has subsumed many aspects of daily life in the community, instrumentalizing a variety of practices and discourses to spread Israeli or Syrian nationalism. In 2011 and 2012, a small group of local activists organized a campaign to express opposition to the rule of Syrian President Bashār al-Assad. In addition to advertising an anti-regime agenda, this campaign constituted an unprecedented attempt to cultivate an alternative form of Syrian national consciousness in the Golan Heights, defined in opposition to the state-sponsored patriotism of both Israel and Syria.
    • Kilis as “little Beirut”: Shadow Markets and Illegality in the Southeastern Margins of Turkey - Hatice Pınar Şenoğuz accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les frontières du Moyen-Orient ne sont pas seulement caractérisées par les relations de confiance, le caractère traversant des modes d'existence, des relations de parenté, des alliances familiales et des affinités ethniques mais également par les flux transnationaux connectant ces régions frontalières avec des réseaux commerciaux et financiers plus larges atteignant les centres métropolitains. A partir d'un travail ethnographique effectué entre le début de 2011 et la mi-2012 dans la ville-frontière de Kilis, voisine de la Syrie, cet article enquête sur les modes de production de la richesse en dehors de l'Etat formel et sur les canaux d'échange commerciaux aux marges sud-est de la Turquie. Il explore la croissance d'une économie souterraine transnationale le long des frontières sud-est de la Turquie dans la période d'Industrialisation de Substitution aux Importations (ISI), durant les années 1960-1980, et entend montrer que cette croissance anticipait l'évolution néo-libérale du secteur commercial. La période de l'ISI se caractérisait par l'imposition d'une réglementation stricte sur la circulation des devises étrangères et par l'application de tarifs douaniers élevés et de quotas sur les importations, afin de créer des conditions favorables à une industrialisation nationale. A partir du point de vue d'un contrebandier devenu-businessman et d'une famille élargie aux origines rurales mais en pleine ascension sociale vers la classe moyenne urbaine, l'article envisage la frontière géographique non seulement comme délimitation territoriale, mais aussi comme une marge de l'économie et de la loi. Les habitants ont cherché à profiter de cette frontière-marge en l'instrumentalisant comme mécanisme d'ascension sociale, en la manipulant et en la contournant. L'article montre comment les habitants de la région frontalière ont été intégrés à la logique redistributive de l'économie souterraine, ont profité des mesures protectionnistes en percevant une taxe sur l'entrée illégale de biens de consommation, d'or et de devises étrangères, et assuré leur subsistance dans une région où, dans le cadre du développement fondé sur l'ISI, les possibilités d'emploi régulier et de salaire stable faisaient défaut.
      The Middle Eastern borders are not only characterized by relations of trust, straddling forms of living, kinship, familial alliance and ethnic affinity but also by transnational flows connecting these borderlands with broader commercial and financial networks across the metropolitan centers. Drawing on an ethnographic fieldwork between early 2011 and mid-2012 in Kilis border town at the Syrian frontier, this paper dwells upon the wealth generation outside the formal state and market channels on the southeastern margins of Turkey. It explores the growth of transnational shadow economy along the southeastern borders of Turkey within the context of import-substituting industrialization (ISI) of 1960-1980 and argues that it foreshadowed the neoliberal trade liberalization. ISI period was characterized by the imposition of strict regulation on the circulation of foreign exchange as well as high import tariffs and quotas in order to provide the favourable conditions for domestic industrialization. From the vantage point of a smuggler-turned-into-businessman and an extended family from rural background moving up among the ranks of urban middle class, the paper approaches the geographical border not only as territorial boundary, but also as the margins of economy and law that the dwellers sought benefiting as a mechanism of upward mobility by manipulating and circumventing them. It demonstrates how border dwellers were incorporated into the redistributive logic of shadow economy, took benefit of the protective measures by reckoning rents to the illegal entry of consumer goods as well as gold and foreign currency and made their living in a border region that lacked opportunities for regular employment and a secure salary within the framework of ISI-based development.
    • Une frontière palestinienne ? La zone d'attente de Jéricho lors du passage du pont Allenby - Véronique Bontemps accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au sein des dispositifs frontaliers imposés par Israël sur les territoires palestiniens occupés, le pont Allenby/Roi Hussein occupe une place singulière : il représente à ce jour l'unique point de passage des Palestiniens de Cisjordanie vers la Jordanie voisine, et partant vers le « monde extérieur ». Cet article s'intéresse à la place que prend la zone d'attente de Jéricho (istirâha) lors du passage du pont. J'y décris la manière dont, en maintenant le statut ambigu de cet espace, les autorités palestiniennes se trouvent impliquées dans la gestion du passage. Après avoir retracé le contexte dans lequel a été mise en place l'istirâha, j'expose comment les différents acteurs en présence lors du passage justifient leur action dans ce lieu. Je montre que tout en luttant pour améliorer, autant que possible, les conditions du passage des voyageurs palestiniens, ces acteurs se trouvent de facto contraints de jouer un rôle dans le maintien du régime de contrôle des mobilités palestiniennes imposé par Israël (et dans une moindre mesure, par l'Etat jordanien).
      The Allenby/King Hussein Bridge holds a particular place within the border system imposed by Israel on the Palestinian Occupied Territories: for Palestinian West Bankers, it is indeed their only exit to Jordan, thus to the « outside world ». In this article, I seek to analyse the place of the waiting zone (istirâha) of Jericho at this particular crossing. I describe how, through maintaining the ambiguous status of this zone, Palestinian authorities find themselves indeed involved in the management of the crossing. I first take a historical perspective in order to describe the context in which the istirâha was created. I then expose how the different actors at play during the crossing try to justify their action in this particular place. I argue that while struggling to improve – as much as possible – the conditions of crossing for Palestinian passengers, these actors yet find themselves forced to play a role in maintaining the regime of control of Palestinian mobility imposed by Israel (along with the Jordanian State).
    • « It all depends on Ben Gourion! » Contrôles des mobilités étrangères vers les Territoires Palest - Clio Chaveneau accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Si un certain nombre de travaux ont mis à jour ce qui se joue à l'échelle des frontières extérieures et intérieures des Territoires Palestiniens Occupés (TPO) dans le cas des mobilités palestiniennes, je propose dans cet article de porter l'attention sur un autre type d'acteurs : les « internationaux » se rendant dans les TPO. À l'aide d'une ethnographie du passage à l'aéroport de Ben Gourion (Tel Aviv) et des entretiens réalisés auprès de 90 étrangers résidant dans les TPO, j'analyse le franchissement de cette frontière par ces acteurs, habituellement privilégiés dans leurs mobilités internationales. À la suite d'un profilage, ils sont fouillés, interrogés voire refoulés en fonction de critères sécuritaires et politiques. On constate alors que la frontière représente pour eux, pour la première fois, un obstacle et une entrave à leurs mobilités et est l'occasion d'une première confrontation à la suspicion et à la discrimination en raison de leurs liens avec les Palestiniens.
      Numerous studies have tackled the social and symbolic dynamics at work on the external and internal borders of the Occupied Palestinian Territories (OPT). My focus here is on a group of actors that has generally been overlooked: the "internationals" living in the OPT. Hundreds of them regularly have to go through Israeli control to access the OPT. Most of them travel through Ben Gourion Airport (Lod-Tel Aviv). I argue that this passage is a foundational experience, shaping their perspective on migration. At Ben Gourion, they are submitted to profiling by Israeli airport agents, searched, interrogated and even denied entry, following changing Israeli policies. This paper is based on an ethnography of airport crossing, testimonies and interviews of foreigners, How do these usually privileged actors live through this imposed border crossing experience? I will show that the border matters to them as a first-ever experience of impeded mobility. For some groups of them, with closer links with Palestinians, this is compounded with an experience of heightened suspicion and discrimination.
    • Une mobilité transfrontalière sous contrôle ? Le cas turco-syrien en temps de guerre (2011-2015) - Matthieu Cimino accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis le début de la révolution syrienne (2011), l'espace frontalier turco-syrien est en profonde mutation. Bien que ce borderland soit essentiellement approché par le prisme sécuritaire, du fait de la présence de l'État islamique autoproclamé, il n'en demeure pas moins reconfiguré par de nouvelles dynamiques circulatoires ainsi que par les modalités de contrôle étatique qui les accompagnent. Cet article entend interroger, à travers plusieurs niveaux analytiques, les pratiques de gestion frontalière mises en place par le gouvernement turc depuis le début de la crise, et d'en extraire les conséquences empiriques et symboliques sur l'espace transfrontalier turco-syrien. Pour cela, on observera dans un premier temps les phases d'ouverture et de fermeture de la frontière, puis les pratiques gestionnaires des flux illégaux et, enfin, une étude de cas d'une mobilisation transfrontalière combattue, à Suruç-Kobané.
      Since the beginning of the Syrian revolution (2011), the Turkish-Syrian border is undergoing profound changes. Although this borderland is essentially studied through a military perspective due to Daesh threat in the region, it is still deeply reconfigured by new circulatory dynamics, and by the State reaction and procedures that accompany them. Using three analytical levels, this article aims to question border management practices implemented by the Turkish government since the beginning of the crisis, and to extract the empirical and symbolic consequences on Turkish-Syrian cross-border space. For this, we will first study the opening and closing phases of the border (1), the illegal trade management dynamics (2) and, finally, a case study of a cross-border mobilization at Suruç-Kobani (3).
  • Varia

    • Métropoles et territoires institutionnels : quelques pistes d'analyse à partir des cas français et italien - Dominique Rivière accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La création des métropoles, simultanée en France (loi MAPTAM) et en Italie (loi Delrio), interpelle par sa mobilisation de deux référentiels usuellement distincts : la métropole, réalité par essence réticulaire et mouvante, et le territoire, au sens de maillage politico-institutionnel. Cette nouvelle forme de territorialisation vient revisiter plus que bouleverser le cadre des maillages établis, province/département, intercommunalités. Elle remobilise ainsi les héritages de la construction nationale et de la décentralisation, mais en rompant avec les choix de la programmation stratégique métropolitaine. Elle s'inscrit aussi au carrefour de tendances plus récentes à l'européanisation et à la recentralisation des politiques publiques impulsée par la crise.
      The creation of the metropolitan institution, both in France (Law MAPTAM) and Italy (law Delrio) links together two referencies usually distinct : the metropolis, a reticular and moving reality, and the institutional territory. This new form of territorialization revisits the original framework of the départements and provincie and the intercommunalités. This process mobilizes the national heritages and those of the decentralization but not the programmatic metropolitan strategy. It is also at a meeting point between two recent trends towards europeanization and recentralization of the public policies imponed by the crisis.