Contenu du sommaire : Vitalité politique en rase campagne
Revue | Mouvements |
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Numéro | no 84, décembre 2015 |
Titre du numéro | Vitalité politique en rase campagne |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Vitalité politique en rase campagne ?
- Éditorial - Vincent Bourdeau, Simon Cottin-Marx, Fabrice Flipo, Anahita Grisoni, Yves Jouffe, Antoine Lagneau, Antoine Le Blanc, Olivier Michel, Barnabé Binctin, Stéphanie Cabantous, Ève Poulteau p. 7-13
- Prendre la clef des champs : Quelles visées politiques à l'installation paysanne ? - Gaspard D'Allens, Lucile Leclair p. 15-23 On ne naît plus agriculteur, on le devient. Aujourd'hui, un nombre croissant d'individus se reconvertit dans le secteur agricole et tente l'aventure de la néo-ruralité. Anciens infirmiers, avocats, ouvriers ou commerciaux, ils se revendiquent paysans, s'approprient les gestes et les savoir-faire pour mieux les réinventer. Au-delà du fait divers, de l'anecdotique changement de vie, un mouvement de fond émerge et entre dans les fissures du monde agricole conventionnel.Ils sont plus d'un millier à franchir le pas chaque année. Orphelins de la terre, marginalisés par le corporatisme, ces nouveaux paysans peinent cependant à faire système. Comment articuler transformation individuelle et transformation sociale ? L'essaimage de ces alternatives locales parviendra-t-il à bouleverser notre modèle agricole ?Cet article est issu d'un travail d'enquête mené auprès d'une cinquantaine d'agriculteurs à travers la France. L'approche adoptée est résolument qualitative, elle privilégie le temps long de l'immersion et donne une place centrale à la parole des acteurs.
- Un autre regard sur la campagne est possible ! : Entretien avec Georgette Zrinscak - Vincent Bourdeau, Simon Cottin-Marx p. 24-34 La recherche scientifique offre un tableau très urbano-centré du monde rural. Dans cet entretien, la ruraliste Georgette Zrinscak, maîtresse de conférence en géographie à l'université Paris 1, invite à abandonner les clichés citadins, à décoloniser nos imaginaires de la campagne fantasmée. Changer de posture nous permet de voir que la campagne garde ses spécificités, partout en Europe elle est traversée par des évolutions très hétérogènes.
- La ruralité : petite histoire au prisme du syndicalisme agricole - Gilles Luneau p. 35-47 Né et grandi sous l'influence idéologique de l'agrarisme, le syndicalisme agricole français a longtemps réduit la ruralité aux intérêts des seuls agriculteurs. Ce corporatisme a fait exploser la ruralité qui s'organisait autour de la ferme. Aujourd'hui encore, à gauche comme à droite, les syndicats agricoles peinent à penser la campagne. À travers l'histoire du syndicalisme agricole, ce sont les transformations du monde rural qui se donnent à lire.
- Potentiels démographiques pour des alternatives dans les campagnes françaises - Pierre Pistre p. 48-55 À partir de plusieurs sources de données publiques, dont le dernier recensement de la population, l'auteur souligne la diversité démographique et économique des campagnes françaises d'aujourd'hui. L'évolution de ces contextes spatiaux est souvent mal connue ou caricaturée. Le constat d'une croissance de la population dans une majorité de territoires de campagne, même isolés, du fait de l'installation de nouveaux habitants, tranche avec l'idée répandue de « désertification démographique ». Ces dynamiques, pour partie, sont liées aux projets alternatifs qui se développent aujourd'hui dans ces territoires.
- Le bourg, l'atelier et le syndicat : Enquête sur le versant ouvrier des campagnes - Julian Mischi p. 56-63 Les images associant les territoires ruraux à leur seul volet agricole ou à des espaces dédiés avant tout à la détente pour citadins sont prégnantes. On peut y voir un effet du travail journalistique ou encore de créations artistiques qui confortent les représentations esthétisantes de la ruralité. De telles représentations s'accordent bien avec les expériences de la campagne vécues par la plupart des urbains, touristes de passage ou propriétaires de résidences secondaires. Mais, au-delà de paysages plus ou moins champêtres, la sociologie des campagnes françaises décrit des territoires profondément populaires, où les ouvriers forment le premier groupe d'actifs bien loin devant celui des agriculteurs ou des cadres qui cherchent à se mettre « au vert ». Des territoires qui n'échappent pas aux dynamiques inégalitaires et aux conflits de classes1.
- Les agriculteurs, maîtres tenaces de l'accès à la terre : Les impasses de la politique foncière française contemporaine - Stéphanie Barral, Samuel Pinaud p. 64-72 La politique foncière agricole française a organisé la sélection de grandes et modernes exploitations agricoles capables de nourrir les Trente Glorieuses puis d'intégrer l'économie agricole capitaliste construite au niveau européen. Elle semble aujourd'hui largement obsolète pour répondre à ses propres objectifs de renouvellement de la profession agricole et de prise en compte des enjeux environnementaux liés à l'activité agricole. Ses outils de régulation de l'accès à la terre restent, dans leur ensemble, contrôlés ou détournés par les professionnels agricoles en place, ce qui freine les nouvelles installations et le développement des démarches agro-écologiques portées par des acteurs non issus du milieu agricole1.
- Le rural, espace d'émergence d'un paradigme militant décolonial - Mathieu Gervais p. 73-81 Le monde rural a été le terrain, depuis les années 1970 en France, de beaucoup de luttes sociales. Que ce soit au Larzac, à Sivens, ou encore à Notre-Dame-des-Landes, les résistances et militances alternatives ont pour origine les campagnes. Mathieu Gervais revient sur l'histoire de ces paysans militants et montre en quoi ces paysans peuvent être appréhendés en tant que figures décoloniales.
- Vivre en travaillant. L'expérience de la société coopérative « Ardelaine » à Saint-Pierreville : Entretien avec Béatrice et Gérard Barras - Vincent Bourdeau, François Jarrige p. 82-93 En Ardèche, à la sortie du petit village de Saint-Pierreville, se trouve la coopérative Ardelaine : niché en fond de vallon, près d'une rivière, le lieu s'apparente à un étagement de beaux bâtiments colorés, soigneusement restaurés depuis plus de 30 ans : un restaurant, une boutique, une fabrique, un café-librairie, des ateliers, se jouxtent dans cet espace accueillant. À la terrasse du café, accompagné par le son d'une guitare grattée par un voyageur de passage, nous avons rencontré les fondateurs de la coopérative, Béatrice et Gérard Barras qui, en 1972, étaient tombés en arrêt devant cette filature de laine, la dernière d'Ardèche, dont l'activité avait cessé depuis le début des années 1960. Ardelaine, c'est aujourd'hui près de 50 salariés, une multitude d'activités (fabrication de matelas et couettes, activités d'origine, mais aussi un musée, un café-librairie, un restaurant et, depuis 1986, une extension dans la banlieue de Valence, où Ardelaine a installé ses ateliers de confection de vêtements au cœur de la ZUP). Et cela toujours avec l'esprit des origines : l'envie de vivre au pays, de renouveler la philosophie du développement local sous la forme d'une coopérative de territoire.
- Ouvrir de nouvelles portes : l'expérience de La Clef, café lecture à Brioude en Haute-Loire : Entretien avec Xavier Lucien - Vincent Bourdeau, Simon Cottin-Marx p. 94-104 Lorsqu'on remonte la rue Jules Maigne, dans le centre de Brioude, sous-préfecture de la Haute-Loire, il faut aiguiser son regard pour remarquer, avant le boulevard du Docteur Devins, au fond d'une petite rue qui part sur la gauche, le café associatif La Clef. Pourtant pour les habitants de Brioude, le café-lecture de la rue de la Pardige fait désormais partie du paysage culturel local. Nous avons rencontré Xavier Lucien, altiligérien d'adoption désormais installé en région parisienne, qui fut l'un des piliers de la création du café-lecture de Brioude en 2006. Dans cet entretien, il revient sur la genèse, le rôle social et politique d'un tel lieu, et la manière dont ce dernier produit des effets jusque dans les campagnes alentour.
- Vitalité politique sur le plateau de Millevaches : Entretien avec Lucie Berthier, De Fil En Réseaux - Simon Cottin-Marx p. 105-110 Le plateau de Millevaches dans le Limousin est un territoire emblématique mais néanmoins relégué : majoritairement constitué de villages ruraux isolés, il a été en voie de désertification pendant plusieurs décennies. À cause de sa faible densité de peuplement, les services publics y sont de moins en moins présents. La coordination des associations De Fil en Réseaux1 est active sur le territoire depuis dix ans et fédère les multiples initiatives qui s'y développent, autour de « l'utopie commune d'un territoire vivant ». Elle entend démontrer par la pratique que le territoire de la montagne limousine est devenu, en dépit d'un contexte plutôt défavorable, un espace privilégié d'innovation dans les politiques publiques, porteur d'alternatives dans le champ de l'économie sociale et solidaire. Dans cet entretien, Lucie Berthier, animatrice-coordinatrice de l'association De Fil en Réseaux, revient sur les réponses apportées aux spécificités de la situation du plateau de Millevaches, grâce à un travail commun sur la résilience du territoire. De la politique d'accueil des nouveaux arrivants au travail sur l'accessibilité du logement, l'objectif est de revitaliser le territoire en soutenant l'émergence et la réalisation des projets.
- Toutes les luttes mènent au Larzac : Entretien avec Christian Roqueirol - Suzie Guichard, Laurent Martinez p. 111-125 La lutte sur le plateau du Larzac contre l'extension d'un camp militaire est sans doute la lutte sociale en milieu rural la plus emblématique de la seconde moitié du XXe siècle. Mais quels parallèles peut-on faire entre le combat du Larzac et des foyers de résistance plus récents comme Notre-Dame-des-Landes ou Sivens ? Christian Roqueirol, « ancien du Larzac », paysan et militant, est arrivé sur le plateau en 1972, pour participer à la lutte d'abord, puis finalement pour y vivre et y travailler comme paysan. Il revient pour la revue sur son engagement, mettant en dialogue l'activisme du plateau et les mouvements zadistes actuels.
- Les mouvements d'opposition contre les Grands projets inutiles imposés (GPII) à l'avant-garde de la ruralité ? : Le mouvement Notav contre le Lyon-Turin - Anahita Grisoni p. 126-130 Un certain nombre de territoires pensés par les États comme espaces de relégation font l'objet de restructurations démesurées et incompatibles avec les vies autochtones. Face à ces Grand projets inutiles et imposés, des mouvements d'ampleur transnationale se sont formés. À travers l'exemple du mouvement Notav, critiquant sur le versant italien le projet d'une nouvelle ligne ferroviaire reliant Turin à Lyon, Anahita Grisoni revient sur les problématiques mises en perspective par ces formes de luttes prônant des alternatives de vie en milieu rural.
- Les lueurs sombres de la ZAD de Sivens : Extraits de Sans aucune retenue. Journal de la forêt de Sivens - Victoria Xardel, Aurélien Berlan p. 131-137 Les récentes luttes d'occupation de zones à défendre (ZAD) ont pris l'an dernier à Sivens un tour tragique. Rémi Fraisse, jeune militant amoureux de la nature, a trouvé la mort sous les grenades des forces de gendarmerie, dont on ne voit pas très bien ce qu'elles cherchaient à protéger, alors même que leur intervention se faisait à l'appel des « aménageurs » du territoire du Testet. À travers trois extraits de la publication qui a accompagné l'intense semaine de mobilisation fin octobre l'an dernier à Sivens, la revue Mouvements1 a voulu donner à lire les chroniques ordinaires de luttes extraordinaires. Et rendre hommage à Rémi Fraisse.
Itinéraire
- Les chevaux de bataille du monde rural : Entretien avec Jean-Claude Balbot - Vincent Bourdeau, Ève Poulteau p. 139-162 Jean-Claude Balbot s'est installé dans les Monts d'Arrée en Bretagne dans les années 1970. Son parcours de paysan sur des terres de quévaise est nourri d'engagements multiples : squat de terres, travail social, création d'une école publique bilingue notamment, mais aussi engagement à la Confédération paysanne et au sein du réseau des Civam. Cet itinéraire nous permet de comprendre qu'en matière de luttes politiques en milieu rural, il est urgent non seulement de ne pas baisser la garde, mais de continuer le combat.
- Les chevaux de bataille du monde rural : Entretien avec Jean-Claude Balbot - Vincent Bourdeau, Ève Poulteau p. 139-162
Thème
- Que faire de l'autogestion ? - Florian Gulli p. 163-171 Ce texte ne cherche pas à ouvrir un règlement de compte avec l'idée d'autogestion, mais tente plutôt de la réhabiliter hors des perspectives habituelles qui ignorent parfois superbement les objections sérieuses qu'on peut lui opposer. L'auteur tente ainsi d'articuler des stratégies politiques que les traditions autogestionnaires, comme celles qui contestent l'idée d'autogestion, ont pris l'habitude d'opposer.
- Que faire de l'autogestion ? - Florian Gulli p. 163-171
Livre