Contenu du sommaire : LXIIIe Congrès Annuel de l'Association Française de Science Economique, 2014
Revue | Revue d'économie politique |
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Numéro | volume 125, septembre-octobre 2015 |
Titre du numéro | LXIIIe Congrès Annuel de l'Association Française de Science Economique, 2014 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Revisiting the Debate on Inequality and Economic Development - François Bourguignon p. 633-663 Cet article réexamine de façon sélective l'abondante littérature économique des 20 dernières années sur la relation entre inégalité et développement. Son principal argument porte sur la distinction nécessaire, et souvent négligée, entre « inégalité des revenus », ou des résultats, et « inégalité des chances » comme frein au développement. Les justifications théoriques d'une relation négative entre développement et inégalité suggèrent que ce n'est pas l'inégalité des résultats, revenu ou consommation, qui est un frein au développement. Ce sont d'autres dimensions, plus fondamentales, de l'inégalités économique et sociale, comme les différences dans les familles ou les milieux sociaux d'origine, dans l'accès à l'éducation, aux soins de santé, au crédit, à la sécurité ou à la justice, ou encore la discriminations à l'égard de certains groupes ethniques ou des femmes. Il se trouve que l'inégalité des revenus sur laquelle se concentre presqu'exclusivement la littérature empirique sur inégalité et développement n'est qu'un marqueur très imparfait de cette définition plus générale de l'inégalité, qui correspond à l'« inégalité des chances ». Mais en même temps, et de façon paradoxale, corriger ces dimensions de l'inégalité requiert le plus souvent des politiques impliquant une certaine redistribution des revenus, bien que l'inégalité des revenus soit plutôt une conséquence que la principale cause des inégalités qui compromettent le développement.This paper offers a selective survey of the abundant theoretical, empirical and policy-oriented literature on the relationship between inequality and development in the last 20 years or so. The main argument of this survey revolves around the necessary, but often ignored distinction to be made between the inequality of outcomes, including income or consumptions expenditures, and the inequality of opportunity as an obstacle to development. Theoretical justifications of a negative relationship between economic development and inequality indeed suggest that it is not the inequality of economic outcomes, income or consumption, per se that hinders economic development but other dimensions of economic and social inequality, including family background, access to the credit market, education, health care, security, justice and so-called “horizontal” inequality between ethnic groups or gender. It turns out that the inequality of income, on which the empirical literature focuses almost exclusively, is a very imperfect marker of this broader definition of inequality, that corresponds to the inequality of opportunity. At the same time, and somewhat paradoxically, correcting these various dimensions of inequality requires policies that imply some redistribution of income, even though income inequality is more a consequence than the main cause of those inequalities that actually hinder development.
- The Economics of Motivated Beliefs - Roland Bénabou p. 665-685 Je présente les idées et résultats principaux émanant des travaux récents qui visent à incorporer les croyances motivées dans le champ de l'Économie, que ce soit au niveau individuel (excès de confiance, déni de réalité, aveuglement délibéré) ou social (pensée de groupe, moral d'équipe, exubérance et crises des marchés financiers). Pour ce faire, je développe un modèle flexible permettant d'unifier cette ligne de recherche, et confronte systématiquement ses principales hypothèses et prédictions à l'évidence empirique et expérimentale.I present the key ideas and results from recent work incorporating “motivated” belief distortions into Economics, both at the individual level (overconfidence, wishful thinking, willful blindness) and at the social one (groupthink, team morale, market exuberance and crises). To do so I develop a flexible model that unifies much of this line of research, then relate its main assumptions and testable predictions to the relevant experimental and observational evidence.
- Distributive Preferences, Social Norms and Redistribution - Gilles Le Garrec p. 687-700 Contrastant avec les hypothèses communément admises en économie, les études empiriques montrent que les individus incorporent dans leur demande de redistribution des considérations de justice distributive. Elles montrent aussi que l'environnement dans lequel les individus grandissent affecte leurs préférences pour la redistribution. En incluant ces deux éléments constitutifs de la demande individuelle de redistribution, nous proposons dans cet article un mécanisme de transmission culturelle du souci pour la justice distributive. En accord avec le processus de socialisation, les préférences des plus jeunes sont en partie façonnées par l'observation et l'imitation du comportement des autres. Plus précisément, plus les adultes échouent collectivement à mettre en place des politiques redistributives équitables, moins le souci des jeunes pour la justice distributive sera important. Sur la base de ce mécanisme, le modèle se caractérise par l'existence de plusieurs états stationnaires conditionnés par l'histoire qui permettent d'expliquer la différence importante et persistante de redistribution observée entre l'Europe et les États-Unis.Departing from mainstream economics, surveys first show that individuals do care about fairness in their demand for redistribution. They also show that the cultural environment in which individuals grow up affects their preferences about redistribution. Including these two components of the demand for redistribution, we propose in this article a mechanism of cultural transmission of the concern for fairness. Consistently with the process of socialization, preferences of the young are partially shaped through observation and imitation of other's choices. More specifically, observing during childhood how adults have collectively failed to implement fair redistributive policies lowers the concern for fairness or the moral cost of not supporting a fair taxation. Based on this mechanism, the model exhibits a multiplicity of history-dependent steady states that may account for the huge and persistent difference of redistribution observed between Europe and the United States.
- Does Trust Mean Giving and not Risking? Experimental Evidence from the Trust Game - Alexis Garapin, Laurent Muller, Bilel Rahali p. 701-716 Dans une expérience en laboratoire, nous cherchons à déterminer si la confiance est plutôt fondée sur l'attention à l'autre ou sur la prise de risque. Nous élicitons les préférences sociales des participants avec le test dit « de l'anneau » (Griesinger et Livingston [1973]) et les préférences pour le risque avec le test de Holt et Laury [2002]. Ces mesures sont ensuite exploitées dans deux versions du jeu de l'investissement : (i) la version standard, qui, par construction, intègre une part de risque (à travers l'anticipation stratégique d'un retour sur investissement) et ii) une autre version (appelée « jeu du dictateur triple » dans la littérature) dans laquelle cette part de risque est éliminée. Les mesures issues des tests d'élicitation des préférences sont aussi utilisées pour expliquer les écarts entre les montants investis dans les deux jeux. Les résultats de l'expérience montrent que ce sont plutôt les préférences sociales qui fondent les comportements d'investissement. En revanche, les écarts entre les montants investis et les mesures des préférences ne sont pas corrélés.We aim to investigate whether trust is mainly influenced by pro-social concerns or by risk-related issues. In a within-subjects framework, we elicit subjects' other regarding attitude as well as preference towards risk via respectively the ring test (Griesinger and Livingston [1973]) and the Holt and Laury test [2002]. These measures are then exploited in two different sorts of giving games: (i) a standard trust game, which – by construction – embodies a dimension of risk (i.e. the transfer-back from the receiver to the sender), and (ii) a (triple) dictator game in which the component of risk is removed. The measures of other regarding preferences and risk preferences were also used to explain the gaps of transfer due to strategic anticipation. The results show that giving behavior in trust game is driven by other regarding preferences and not by risk-related considerations. However, we find no significant correlation between the gaps of transfer and both social and risk preferences.
- The Structure of Fines in the Light of Political Competition - Eric Langlais, Marie Obidzinski p. 717-729 Comment justifier que des infractions à la legislation sur l'environnement (protection des habitats naturels) ou aux lois antitrust (collusion) soient associées à des amendes fondées sur l'estimation des dommages, pendant que d'autres types d'infractions (défaut de permis ; cartels) sont punis per se ? Cet article analyse les déterminants des politiques publiques d'enforcement de la loi lorsque les citoyens votent pour le niveau des amendes et leur timing. Nous nous intéressons aux situations où il y désaccord entre les citoyens et les autorités publiques quand à l'évaluation du dommage social attendu qui résultent de certaines activités. Nous montrons qu'un équilibre avec enforcement fort (niveau de dissuasion élevé) émerge lorsque les citoyens anticipent un dommage social élevé. Inversement, un équilibre avec enforcement faible emerge lorsque les citoyens anticipent un dommage social peu important. De plus, les citoyens votent pour un régime de sanctions fondées sur les comportements (respectivement sur les dommages) observés lorsqu'ils anticipent un dommage social plus faible (respectivement plus élevé) que l'autorité publique.Why infractions to some environmental legislations (protection of natural habitats) or antitrust law (collusion) are punished with fines based on damages, while other kinds of offenses (lack of adequate permits; cartels) are punished per se? This paper analyzes the determinants of public law enforcement policies when citizens vote for the timing and level of fines. We consider situations where citizens and politicians disagree on the value of the expected social harm associated with some activities. We find that a strong law enforcement equilibrium (high level of deterrence) emerges when citizens expect a high level of harm. On the reverse, a weak law enforcement equilibrium emerges when citizens expect a low level of harm. Furthermore, citizens vote for act-based (respectively harm-based) sanctions when they expect a level of harm lower than that of the government (respectively higher).
- The European Climate Policy is Ambitious: Myth or Reality? - Catherine Benjamin, Isabelle Cadoret, Marie-Hélène Hubert p. 731-753 Nous analysons les évolutions dans le long terme des émissions de carbone en Europe en s'appuyant sur le concept de convergence des émissions de CO2 par tête conditionnelle au revenu par tête, au prix mondial du pétrole, à la consommation énergétique par tête et à l'investissement en énergie renouvelable. L'hypothèse de convergence conditionnelle entre les pays de l'Union Européenne est vérifiée. Les pays de l'UE-15 devraient stabiliser leurs émissions d'ici 10 ans. Ce résultat est inchangé si nous incluons les nouveaux pays Membres dans l'échantillon. Les économies de l'Union Européenne sont peu intensives en carbone, i.e., la relation croissance des émissions/ revenu est strictement négative. Ce résultat est robuste si nous incluons les nouveaux États Membres. Puis, nous discutons de l'efficacité des politiques énergétique et climatique et de la répartition de l'effort d'abattement entre les différents pays Membres. L'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France peuvent atteindre leur cible de carbone sans réaliser d'efforts supplémentaires. Les autres États Membres de l'UE-15 peuvent atteindre la cible en réalisant des investissements dans les énergies renouvelables et en améliorant leur efficacité énergétique. Les émissions des nouveaux États Membres devraient être inférieures à leur valeur cible malgré l'augmentation du revenu par tête et du prix de pétrole.We investigate carbon emission trends among EU Member States by testing the assumption of β-type convergence in per capita CO2 emissions, conditional upon per capita output, world oil price, energy use per capita and investment in renewable energy. Our study supports the assumption of conditional convergence among all EU Member States. It should take around 10 years for the EU-15 countries to stabilize their per capita emissions. This result holds if we include the new Member States in the sample. We also find that the emission growth/GDP relation is strictly negative, indicating that EU-15 countries switched to a less carbon intensive economy starting from the early 1990s. This result remains robust when the new Member States are included. We therefore argue that the decline in EU carbon emissions is a long-term trend and not a result of the economic crisis. We then discuss the effectiveness of climate and energy policies and the EU burden-sharing agreement. Some countries like Germany, Great Britain and France can meet their carbon targets without adopting more aggressive climate and energy policies by 2020. Other EU-15 Member States can reduce their domestic emissions beyond their targets if they adopt energy-efficient technologies. Most of the new Member States emit much less than their domestic targets even when per capita income and oil price increase.