Contenu du sommaire : Le ralentissement de la croissance : du côté de l'offre ?
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) |
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Numéro | no 142, septembre 2015 |
Titre du numéro | Le ralentissement de la croissance : du côté de l'offre ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Le ralentissement de la croissance : du côté de l'offre ?
- Introduction - Jérôme Creel, Xavier Ragot p. 5-20
Les effets de la crise : une erosion durable du tissu productif en France ?
- Les demandes de facteurs de production en France : Estimation et analyse des effets de la crise - Bruno Ducoudré, Mathieu Plane p. 21-53 Avec la crise débutée en 2008, les facteurs de production ont connu en France une contraction sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. La crise se caractérise par sa longueur : sept ans après son commencement, les facteurs de production n'ont toujours pas retrouvé leur niveau d'avant-crise. Face à un tel choc, il s'agit de savoir si, au regard de la crise, les ajustements opérés sur les facteurs de production sont en lien avec les évolutions de l'activité et si la crise a entraîné des ruptures dans le comportement des entreprises. Pour répondre à cette question, nous estimons d'une part des équations de demandes de facteurs sur les périodes 1980-2007 et 1980-2014 et nous analysons et comparons les paramètres estimés sur ces deux périodes. D'autre part, nous réalisons des simulations dynamiques de l'emploi et de l'investissement que nous comparons aux évolutions observées de ces deux variables, afin d'établir si les déterminants traditionnels des équations permettent de comprendre les évolutions des facteurs de production depuis le début de la crise. Concernant la tendance de productivité, nous conduisons des tests de détection et de datation des ruptures de tendance de productivité, ainsi que des estimations récursives des paramètres. Les résultats des équations économétriques n'indiquent pas de rupture majeure au moment de la crise dans les déterminants fondamentaux de l'investissement et de l'emploi. Enfin, nous exposons les propriétés variantielles des deux équations de demande de facteurs, puis nous évaluons l'impact depuis 2011 des politiques de consolidation budgétaire dans la zone euro et de la dégradation du taux de marge des entreprises sur l'emploi salarié marchand et le stock de capital productif en France. Toutes choses égales par ailleurs, les politiques de consolidation budgétaire dans la zone euro seraient, selon nos évaluations, responsables en France de la destruction de 772 000 à 822 000 emplois salariés dans le secteur marchand et d'une chute de l'investissement des entreprises non-financières comprise entre 6,8 % et 7,6 %, soit une contraction de 1,6 % à 1,7 % du capital productif. La baisse du taux de marge depuis 2011 aurait conduit à réduire l'investissement des entreprises de 2,1 % à 2,5 %, ce qui correspond à une baisse du capital productif de 0,3-0,4 %.
- La crise de 2008 et la productivité totale des facteurs des entreprises françaises - Sarah Guillou, Lionel Nesta p. 55-74 Nous mesurons la productivité totale des facteurs (PTF) de plus de 2 millions d'entreprises françaises entre 2002 et 2011, réparties en 6 grands secteurs : manufacturier, construction, services de basses et moyennes technologies, services de hautes technologies, autres services, services financiers et immobilier. Nous observons que la crise s'est traduite par une baisse transitoire de la PTF, à l'exception des services de hautes technologies ou de la construction. Les plus grandes entreprises ont des niveaux de productivité plus élevés et ont mieux résisté à la crise de 2008. La crise a stoppé les effets d'apprentissage des firmes, si bien que le peu de croissance (de la TFP) observé après 2008 vient des phénomènes de réallocation des ressources entre entreprises. Enfin, la crise de 2008 a significativement altéré la corrélation entre investissement et croissance de la PTF, l'investissement post-2008 étant associé à un ralentissement de la croissance de la PTF. Des changements de la nature des investissements tout autant que des effets de volume peuvent expliquer l'inefficacité de l'investissement après la crise.
- Une évaluation semi-structurelle du potentiel d'activité pour la France - Eric Heyer, Xavier Timbeau p. 75-94 Dans cet article nous proposons une évaluation du niveau d'activité potentiel de l'économie française, notion centrale dans le diagnostic de la situation économique. Cette évaluation est réalisée à partir de l'estimation d'un modèle semi-structurel espace-état. On suppose que le potentiel, variable inobservable, suit une marche aléatoire avec tendance alors que l'équation de signal est une équation de retour à 0 de l'écart de croissance et d'écart impacté par des variables exogènes. Parmi ces dernières figurent les conditions financières, un terme de compétitivité, le prix du baril de pétrole, le prix de l'immobilier, l'impulsion budgétaire et enfin l'environnement macroéconomique d'ensemble. L'écart de production estimé est à la fois assez vraisemblable dans l'enchaînement de phases de conjoncture déprimée et de période de surchauffe et stable dans les estimations en quasi temps réel. Une dernière partie conclut et présente les nombreuses voies pour l'extension de cette approche.
- Érosion du tissu productif en France : Causes et remèdes - Michel Aglietta, Xavier Ragot p. 95-150 Ce texte présente une synthèse des facteurs à la fois macroéconomiques et microéconomiques de l'érosion du tissu productif français. Il part d'un résumé des divergences européennes pour préciser le diagnostic sur le tissu productif français. Les prix immobiliers, les divergences des coûts unitaires du travail sont des facteurs qui ont indubitablement pesé sur la rentabilité du capital en France. On discute ensuite la financiarisation de la gouvernance des entreprises et l'on avance qu'elle peut constituer un frein à la définition de stratégies de long terme pour monter en gamme. Le renforcement du tissu productif passera par des efforts importants et coordonnés de toutes les parties des entreprises.
- Disparités locales et crise économique éclairages préliminaires - Jean-Luc Gaffard, Lionel Nesta p. 151-175 L'étude empirique des zones d'emploi sur données d'entreprises montre que les performances de ces zones ne sont exclusivement attribuables ni à leur structure sectorielle ni à la phase du cycle économique. Il existe des effets propres à chaque territoire qui expliqueraient valeur ajoutée, investissement et emploi. Ces effets s'inscrivent dans un contexte de changement structurel qui se dessine au détriment des industries manufacturières et au bénéfice des activités dites de services de haute technologie.
- France et Allemagne : une histoire du désajustement européen - Mathilde Le Moigne, Xavier Ragot p. 177-231 La divergence économique entre la France et l'Allemagne depuis 1993 est impressionnante. Alors que les deux pays étaient dans des situations comparables à la fin des années 1990, l'Allemagne est aujourd'hui au voisinage du plein emploi – en dépit d'inégalités en hausse – et est devenue l'un des pays les plus exportateurs du monde. La France connaît un niveau de chômage historique et voit ses performances commerciales se dégrader continûment. Plusieurs explications à cette divergence ont été proposées. Cet article quantifie la contribution particulière de la modération salariale allemande débutant outre-Rhin au milieu des années 1990 sur l'écart de performances économiques franco-allemand. En effet, les salaires allemands sont restés extraordinairement stables après la réunification allemande, et ce essentiellement dans les services. À l'aide d'un modèle quantitatif de commerce international, nous estimons que la modération salariale allemande est responsable de l'ordre de la moitié de l'écart de performances à l'exportation de la France par rapport à l'Allemagne, et explique environ 2 % du taux de chômage français. Le problème de l'offre en France est essentiellement le résultat du désajustement européen.
- Les demandes de facteurs de production en France : Estimation et analyse des effets de la crise - Bruno Ducoudré, Mathieu Plane p. 21-53
Où va la croissance économique ?
- Les vents contraires de la croissance française - Jérôme Creel, Eloi Laurent p. 233-253 Robert Gordon, qui fut un sceptique de la nouvelle économie il y a deux décennies, prédit dans un article publié en 2012 que la croissance américaine pourrait quasiment disparaître sous l'effet de six « vents contraires » : démographie, inégalités, éducation, mondialisation, coût de l'énergie et dette seraient autant de marqueurs de la perte vitesse de l'économie américaine. Sans nous livrer au même exercice de chiffrage que Gordon, nous tentons d'évaluer la nature, l'intensité et la direction des vents contraires qui pourraient, dans la perspective de moyen-terme chère à Gordon, contrarier la croissance française. Nous concluons sur cinq recommandations.
- Faut-il encore utiliser le concept de croissance potentielle ? - Henri Sterdyniak p. 255-290 Les concepts de production et de croissance potentiels restent très utilisés dans les débats de politique économique. La première partie de l'article en discute les fondements théoriques et en montre les ambiguïtés. Il existe plusieurs définitions de la production potentielle, selon les contraintes prises en compte. Celle-ci ne peut être évaluée hors d'une analyse macroéconomique complexe. La deuxième partie présente et discute les travaux empiriques récents évaluant la croissance potentielle ; elle examine la façon dont ils ont passé la crise de 2008 et la manière dont ils rendent compte d'une éventuelle rupture de la croissance potentielle. Elle montre les limites des méthodes utilisées qui aboutissent souvent à justifier des politiques contra-cycliques. La dernière partie présente le débat sur la croissance potentielle future. Elle montre que le problème n'est pas tant son éventuel ralentissement, que l'incapacité des pays développés à élaborer une stratégie économique permettant d'atteindre une croissance de plein emploi, compte tenu des contraintes induites par la mondialisation.
- Le temps pour produire : Réflexions analytiques sur les difficultés de reprise de l'activité économique - Jean-Luc Gaffard, Francesco Saraceno p. 291-305 Si l'on veut répondre à la question du niveau de taux de croissance potentiellement atteignable, il importe de connaître le profil de l'investissement productif, à quel horizon la nouvelle capacité de production est construite et donc disponible, à quel horizon elle est détruite. Ainsi, un vieillissement du capital productif, conséquence du ralentissement des dépenses d'investissement, peut expliquer la faiblesse actuelle du taux de croissance potentiel, tandis que le temps nécessaire pour son rajeunissement peut expliquer pourquoi cette faiblesse est durable.
- Stagnation séculaire et accumulation de capital - Gilles Le Garrec, Vincent Touzé p. 307-337 La crise économique et financière de 2008 a provoqué une crise profonde caractérisée par une croissance potentielle affaiblie et une persistance de l'output gap. Dans cet article, nous proposons un modèle qui explique la crise et sa persistance par le passage d'un équilibre de plein emploi à un équilibre de sous-emploi. Dans ce dernier, le taux d'intérêt réel d'équilibre est négatif et l'économie est en déflation. La politique monétaire visant à contrôler l'inflation devient alors inactive en raison d'une contrainte de non négativité du taux directeur (zero lower bound). Cet équilibre de stagnation séculaire est obtenu en introduisant, dans le cadre d'un modèle à générations imbriquées, deux imperfections de marché : un rationnement du crédit et une rigidité nominale des salaires. Pour sortir de la trappe à stagnation séculaire, nous étudions l'impact de différentes politiques économiques. Un accroissement de la cible d'inflation (assouplissement de la politique monétaire) est efficace si la banque centrale est suffisamment crédible. Des politiques structurelles telles qu'un accroissement de la productivité ou une réduction des rigidités ont des effets déflationistes contreproductifs. Enfin une politique budgétaire redistributive, en soutenant la demande globale, peut aider l'économie à sortir de la stagnation séculaire. Toutefois une telle politique se fait aux prix d'un affaiblissement du potentiel de plein emploi en raison d'une moindre incitation à accumuler du capital.
- Vieillissement de la population active : Vers une baisse de la productivité ? - Sandrine Levasseur p. 339-370 Le vieillissement de la population active pose des défis importants pour notre potentiel de productivité macroéconomique notamment si, comme certains l'avancent, la productivité au travail diminue à partir d'un certain âge. Dans cet article, nous nous intéressons tout d'abord aux résultats des études de neurosciences portant sur l'évolution des capacités cognitives (et physiques) chez le sujet vieillissant. Puis, nous passons en revue la littérature empirique sur le lien entre âge et productivité au travail. Nous concluons que si la littérature fait consensus sur la baisse des capacités cognitives et physiques au fur et à mesure du vieillissement, il n'en va pas de même pour le lien empirique entre âge et productivité au travail. Enfin, dans le cadre d'un travail statistique simple, nous avons analysé les réponses actuelles au vieillissement de la population active en termes de robotisation et de recours à l'immigration. Nous trouvons que la densité robotique est positivement et significativement corrélée au vieillissement de la population active future tandis que l'immigration au cours des vingt dernières années a considérablement ralenti le vieillissement de la population de certains pays développés. Finalement, notre potentiel de productivité macroéconomique nous semble moins lié au vieillissement de la population active qu'aux progrès de la robotique et de l'intelligence artificielle.
- Impact des inégalités sur la croissance : que sait-on vraiment ? : Une (brève) revue de littérature - Guillaume Allègre p. 371-385 Le fait que les inégalités aient un impact négatif sur la croissance est en train de s'imposer comme nouvelle opinion commune dans le débat public en économie. Le consensus à ce sujet a évolué rapidement. Plusieurs canaux théoriques liant inégalités et croissance peuvent être distingués : le canal de l'épargne et de l'investissement, le canal des incitations, le canal de l'économie politique, le canal de la cohésion sociale, et celui des imperfections du marché du crédit. Les canaux reliant inégalités et croissance semblent trop complexes pour pouvoir estimer de façon économétrique un impact causal plutôt qu'une corrélation.
- Les vents contraires de la croissance française - Jérôme Creel, Eloi Laurent p. 233-253