Contenu du sommaire : Perspectives économiques 2015-2017 ‒ L'investissement en Europe
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) |
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Numéro | no 144, décembre 2015 |
Titre du numéro | Perspectives économiques 2015-2017 ‒ L'investissement en Europe |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Pespective économiques 2015-2017
- Ce qui ne guérit pas meurt un jour : Perspectives 2015-2017 pour l'économie mondiale et la zone euro - Eric Heyer, Xavier Timbeau p. 5-85 La dynamique de croissance mondiale entrevue au printemps 2015 se confirme avec une consolidation de la reprise dans les pays industrialisés et, en particulier, une accélération du rythme de croissance dans la zone euro qui devrait s'établir à 1,5 % en 2015 puis 1,8 % en 2016-2017 contre 0,9 % en 2014. Les facteurs qui ont soutenu la croissance depuis la fin de l'année 2014 restent favorables (prix du pétrole, taux de change et politique monétaire) et les politiques budgétaires sont globalement moins restrictives. Alors que les pays émergents avaient bien résisté à la crise de 2008-2009 et au ralentissement du commerce mondial, ils sont aujourd'hui exposés à la baisse des prix des matières premières, à l'instabilité provoquée par la sortie de politiques monétaires très expansives et à la mutation du régime de croissance de l'économie chinoise. Si les économies émergentes d'Asie seront les plus touchées par le ralentissement de la première puissance commerciale, les pays développés en subiront aussi les effets négatifs via un ralentissement de leur demande extérieure. Ce choc négatif entraînera un découplage de la croissance avec un ralentissement des pays en développement (3,2 % de croissance en 2015 contre une moyenne de 4,6 % sur la période 2012-2014) et une accélération de la croissance des pays avancés (1,9 % de croissance en 2015 contre 1,2 % sur la période 2012-2014). Le retour de la croissance dans les pays développés ne doit pas cependant masquer la fragilité du scénario de reprise qui s'appuie en partie sur des facteurs volatils et qui reste freiné par la poursuite du désendettement privé et la volonté de réduire à tout prix l'endettement public. La reprise aura besoin d'un autre carburant que la baisse du prix du pétrole pour être auto-entretenue. À la vieille de la COP21, le monde ne manque pas d'opportunités d'investissements rentables socialement. Peut-être jamais dans l'histoire des économies développées un tel retard d'investissement n'aura été aussi manifeste, alimentant le risque de rester prisonnier du piège de la stagnation séculaire.
- France : retour sur désinvestissement : Perspectives 2015-2017 pour l'économie française - Mathieu Plane, Bruno Ducoudré, Pierre Madec, Hervé Péléraux, Raul Sampognaro p. 87-170 Après une croissance décevante en 2014 (+0,2 %), l'économie française s'engage dans une reprise lente, sa capacité de rebond à court terme étant entravée par un tissu productif dégradé par plusieurs années de désinvestissement. L'inertie des anticipations, les surcapacités existantes, la crise immobilière, le ralentissement chinois et la consolidation budgétaire, bien que moins aiguë que par le passé, limitent la reprise en 2015. Sur l'ensemble de l'année, la France enregistrerait une hausse du PIB de 1,1 %, le taux de chômage se stabiliserait à 10 % et le déficit public continuerait sa lente décrue, atteignant 3,7 % du PIB.Avec une croissance de 1,8 %, 2016 serait l'année de la reprise, marquée par une hausse du taux d'investissement des entreprises, stimulé par l'amélioration du taux de marge, le très bas niveau du coût du capital et le redressement des perspectives d'activité. Après quatre années de contraction, l'investissement en logement repartirait, sous l'effet de l'amélioration des perspectives de mises en chantier. Sous l'effet de la dépréciation de l'euro et des politiques de compétitivité adoptées par le gouvernement, le commerce extérieur contribuerait positivement à la croissance (0,2 point de PIB en 2016, comme en 2015). Le rythme de croissance trimestriel du PIB, compris entre 0,5 et 0,6 %, déclencherait la fermeture progressive de l'écart de production et la lente baisse du taux de chômage qui finirait l'année à 9,8 %. Le déficit public se réduirait de 0,5 point de PIB, sous l'effet des économies réalisées et de la remontée des recettes fiscales générées par la reprise de l'activité.Sous l'hypothèse d'un environnement macroéconomique durablement favorable, la fermeture de l'écart de production se poursuivrait en 2017 et le taux de chômage atteindrait 9,4 % à la fin de l'année. Avec une hausse du PIB de 2 % en 2017, le déficit public descendrait à 2,7 % du PIB, repassant sous la barre des 3 % pour la première fois depuis 10 ans.
- Pays émergents : la fin de la Très Grande Illusion - Christine Rifflart p. 171-204 Depuis 2013, la croissance mondiale est désynchronisée entre d'une part, les pays développés dont la situation s'améliore de plus en plus, et d'autre part, le reste du monde qui voit au contraire sa situation se dégrader, sous le poids de plusieurs facteurs. En Chine, la réorientation du modèle de développement vers le marché intérieur s'articule avec une croissance structurelle désormais plus modérée. Ce ralentissement pèse sur la demande de produits primaires et fait baisser les cours dont un nombre important de pays émergents et en développement sont exportateurs. Enfin, les conditions financières internationales se resserrent depuis 2014 avec la normalisation de la politique monétaire américaine. Or, le recyclage des liquidités internationales avait donné lieu à une montée de l'endettement dans les pays émergents qui avait soutenu la croissance au moment où le pilier commercial s'affaiblissait.Ce durcissement de l'environnement international marque la fin d'une période exceptionnelle (croissance chinoise à deux chiffres, emballement des cours des matières premières, et enfin liquidités financières abondantes) qui devait prendre fin. Or, pendant les années 2000, la dépendance au commerce international s'est accrue pour tous les pays, et surtout pour les émergents, dont la Chine. Les pays riches en matières premières ont accru leur exposition à la volatilité des cours de ces produits. Aujourd'hui, si tous les pays sont exposés au choc d'un retournement du monde émergent, notamment chinois, les pays émergents le sont encore davantage, du fait de leur forte intégration commerciale et de leur dépendance accrue aux exportations de matières premières. Ils doivent en plus gérer un fort endettement. Les pays développés, eux, le sont moins car ils bénéficient à l'inverse de l'amélioration de leurs termes de l'échange.
- L'ampleur du ralentissement chinois et son impact sur les grands pays développés : Une analyse économétrique - Eric Heyer p. 205-218 Un grand nombre d'analystes et d'experts estiment que le ralentissement chinois est plus important que celui affiché dans les comptes nationaux des autorités chinoises. Partant d'Artus (2015), nous avons estimé le PIB de la Chine à partir de variables de fret, de production d'électricité et de ciment. Si nos résultats confirment le ralentissement de l'économie chinoise depuis 2011, passant d'un rythme en glissement annuel de 12 % à moins de 8 % début 2013, la stabilisation du rythme de croissance observée depuis par les comptes nationaux n'est pas retracée par cette analyse qui indiquerait plutôt la poursuite du ralentissement de la croissance chinoise. Cependant, une telle modélisation du PIB ne prend pas en compte la grande transformation du modèle économique chinois vers un nouveau modèle de croissance amorcé depuis 3 ans, soutenu par un fort endettement des agents domestiques et orienté vers davantage de services. Une analyse enrichie de variables reflétant la situation sur le marché de l'emploi confirme le ralentissement de l'économie chinoise retracé par les comptes nationaux, reflétant une transition difficile entre deux régimes de croissance et non les prémices d'une entrée prochaine en récession. En revanche, sa partie « industrielle » devrait continuer de décélérer, interdisant tout rebond significatif des importations chinoises. Cela aura des conséquences sur les économies développées : le Japon et l'Allemagne seraient les pays les plus touchés par le ralentissement chinois : l'effet cumulé de 2014 à 2017 s'élèverait à plus de 2 points de PIB. L'impact sur l'économie japonaise passe par une forte exposition au commerce chinois tandis que l'impact sur l'économie allemande est davantage lié à son degré d'ouverture. Viennent ensuite le Royaume-Uni, l'Italie et la France avec un effet cumulé proche de 1 point de PIB. L'Espagne et les États-Unis seraient les pays les moins impactés avec un effet cumulé autour de 0,5 point de PIB.
- Comprendre la dynamique salariale par temps de crise - Christophe Blot, Hervé Péléraux, Raul Sampognaro, Sébastien Villemot p. 219-255 Depuis le déclenchement de la crise financière en 2007, le marché du travail s'est fortement ajusté dans les principales économies avancées. En particulier, la zone euro compte encore 6 millions de chômeurs supplémentaires par rapport au début de la crise. Mais le nombre de chômeurs au sens strict ne reflète pas toujours les nombreuses facettes d'une réalité multiforme. L'objectif de cette étude est de juger si les évolutions salariales observées depuis la crise ont été conformes à leurs déterminants historiques – dont notamment le taux de chômage – ou si au contraire la mécanique traditionnelle a été altérée par des changements structurels du mode de formation des salaires. Notre analyse montre que la courbe de Phillips est un bon modèle de la dynamique salariale sur longue période mais il reste à savoir si cette relation parvient bien à rendre compte de l'évolution des salaires observée depuis le début de la crise.D'après les prévisions issues des courbes de Phillips, trois phases se seraient succédé : entre 2008 et 2010, une période durant laquelle les salaires ont baissé moins que ce que laissait attendre la hausse du chômage ; entre 2011 et 2012, une période d'inflation salariale trop basse par rapport au modèle et, depuis 2013, un retour à une situation de « déflation manquante ». Un certain nombre de ces erreurs de prévision peuvent s'expliquer par des transformations survenues sur les marchés du travail (ajustement par le temps de travail, développement de formes de chômage mal mesurées par les statistiques officielles et à terme éloignement durable de certains chômeurs de la population active). La prise en compte, encore imparfaite, de ces transformations permet d'améliorer les prévisions issues des courbes de Phillips. Ainsi, une connaissance plus fine des transformations des marchés du travail améliorerait certainement la spécification des modèles macroéconomiques.
- La politique monétaire crée-t-elle des bulles ? - Christophe Blot, Paul Hubert, Fabien Labondance p. 257-286 La mise en place par les banques centrales de politiques monétaires très expansionnistes depuis quelques années fait craindre que ces liquidités alimentent des bulles spéculatives sur différents prix d'actifs. Plutôt que d'évaluer l'effet de la politique monétaire sur les prix d'actifs, qui constitue l'un de ses canaux de transmission habituels, nous estimons la composante « bulle », c'est-à-dire la partie non-expliquée par des déterminants macroéconomiques et financiers, de trois prix d'actifs : actions, obligations et immobiliers, au niveau de la zone euro. Nous évaluons ensuite l'impact de la politique monétaire de la BCE sur ces trois composantes « bulle » et trouvons que leur processus n'est pas déterminé par la politique menée par la banque centrale, qu'elle soit expansionniste ou restrictive.
- Débat sur les perspectives économiques à court terme du 27 octobre 2015 - p. 287-296
- Liste des abréviations de pays - p. 306-308
- Ce qui ne guérit pas meurt un jour : Perspectives 2015-2017 pour l'économie mondiale et la zone euro - Eric Heyer, Xavier Timbeau p. 5-85
Dossier : L'investissement en Europe
- L'investissement en Europe - Jérôme Creel p. 309-312
- Profils de l'investissement et divergences de performances entre l'Allemagne et la France - Mauro Napoletano, Francesco Vona, Jean-Luc Gaffard p. 313-329 L'étude empirique comparative montre que la composition de l'investissement compte bien davantage que son niveau global. C'est moins le taux d'investissement que la nature des investissements effectués et leur degré de complémentarité qui affectent naturellement la performance des entreprises et de l'économie.
- Une analyse empirique du lien entre investissement public et privé - Jérôme Creel, Paul Hubert, Francesco Saraceno p. 331-356 Nous étudions la relation entre investissement public et investissement privé non-résidentiel. Au niveau théorique, l'investissement public peut avoir deux effets contradictoires sur l'investissement privé : un effet d'éviction et un effet d'entraînement. À l'aide de différents modèles empiriques linéaires, appliqués à quatre pays de l'OCDE, nous cherchons à séparer ces deux effets. Nous étudions notamment un modèle VAR dans lequel l'investissement privé, la croissance du PIB et le taux d'intérêt interagissent et sont influencés par l'investissement public et la dette publique, entre autres. Nous vérifions dans quelle mesure la relation entre investissement public et privé varie au cours du temps et dépend du contexte macroéconomique. En outre, nous étudions les effets de débordement internationaux de l'investissement public. En France, l'effet d'entraînement semble l'emporter sur l'effet d'éviction tandis qu'aux États-Unis, un effet d'éviction, certes assez faible, émerge. Aucun résultat robuste ne ressort des données allemandes et britanniques.
- Le plan Juncker peut-il nous sortir de l'ornière ? - Mathilde Le Moigne, Francesco Saraceno, Sébastien Villemot p. 357-386 Dans cet article nous effectuons un exercice quantitatif simple permettant d'évaluer l'impact du plan Juncker au sein de la zone euro et sa capacité à faire sortir les économies européennes de la situation de trappe à liquidités dans laquelle elles sont à présent. Nous estimons un modèle d'équilibre général intertemporel et stochastique (DSGE) de l'économie à partir de données agrégées sur la zone euro, dans lequel nous introduisons l'existence de capital public, dans l'esprit de ce qui a été proposé par Leeper et al. (2010). Nous simulons alors un plan d'investissement avec une composante publique et une composante privée, reproduisant l'effet de levier privé attendu dans le plan Juncker. Nous montrons qu'à l'état stationnaire, ce plan d'investissement public a un effet petit en magnitude, mais non négligeable. Nous simulons ensuite l'impact d'un tel plan lorsque l'économie se trouve en situation de trappe à liquidités (les taux d'intérêts nominaux se trouvant contraints à la borne zéro), et nous le comparons avec le plan de relance mis en place par l'administration Obama en 2009. Contrairement à ce que nous pensions, la différence de taille entre les deux plans de relance ne joue pas un rôle important lorsque les deux plans sont lancés immédiatement après l'entrée de l'économie à la borne de taux d'intérêt à zéro. Si en revanche les plans sont lancés plus tard, alors que l'économie est déjà bien installée dans une situation de trappe à liquidités, le plan Juncker paraît incapable de permettre une sortie de la récession, alors même que le plan Obama reste efficace. Nous concluons donc que le plan Juncker est trop petit dans ses montants parce que trop tardif dans sa mise en place. Il aurait dû être lancé beaucoup plus tôt, ou alors concerner des sommes beaucoup plus importantes. Dans sa configuration actuelle, il y a de fortes chances qu'il ne soit pas suffisant pas pour sortir les économies européennes de la récession.