Contenu du sommaire : Les réformes de la protection sociale en Allemagne depuis les années 1990

Revue Revue française des Affaires sociales Mir@bel
Numéro no 4, octobre-décembre 2015
Titre du numéro Les réformes de la protection sociale en Allemagne depuis les années 1990
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier thématique : Les réformes de la protection sociale en Allemagne depuis les années 1990 : enjeux, arbitrages et résultats

    • Présentation du dossier - Jeanne Fagnani, Brigitte Lestrade p. 5-10 accès libre
    • Un bilan des dispositifs d'incitation au travail des chômeurs en Allemagne depuis le début des années 2000 - Julien Reysz p. 11-30 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En dix ans, l'Allemagne est passée du statut de « malade » à celui de « modèle ». Depuis le milieu des années 2000, ce pays est en effet cité en exemple pour ses remarquables performances en matière de croissance économique et d'emploi. La très forte diminution du chômage est en partie due aux réformes Hartz (2002-2005) qui ont notamment conduit à mettre davantage l'accent sur l'activation des chômeurs. Celle-ci s'est traduite, entre autres, par un recours plus substantiel aux incitations financières à la reprise d'un emploi et à la création d'entreprise. Certes, la formation professionnelle demeure la principale catégorie de dépense active, mais les dispositifs incitatifs ont progressé durant la décennie 2000, dans le prolongement de la tendance déjà amorcée à la fin des années 1990. Nous dressons un bilan de ces dispositifs à partir d'une revue de la littérature et de l'analyse des données statistiques fournies par Eurostat sur l'économie allemande, son marché du travail et les conditions de vie de sa population. Nous indiquons les impacts des mesures d'incitation au travail sur l'emploi et leurs conséquences sur la pauvreté et les inégalités.
      In ten years, Germany has gone from being the “sick man of Europe” to “economic model”. Indeed, since the mid 2000s, it has been held up as an example for its remarkable performances in terms of economic growth and employment. The sharp drop in unemployment is partly due to the Hartz reforms (2002-2005) ; which particularly led to more focus being placed on motivating jobseekers. One outcome of this has been increased applications for financial incentives to returning to work and setting up a business. Admittedly, vocational training is still the main active expenditure category, but incentive schemes progressed during the 2000s, building on the trend that began in the late 1990s. We give a rundown of these schemes through a literature review and analysis of Eurostat statistics on the German economy, its labour market and its population's living conditions. We point out the impacts of back-to-work incentive schemes on employment and their consequences on poverty and inequality.
    • Les dépenses publiques en faveur de l'éducation et de la santé en Allemagne : un paradoxe dans un contexte de restrictions budgétaires ? - Marcus Kahmann p. 31-59 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Parmi les pays européens cherchant à trouver des réponses à l'impact de la situation économique dégradée sur les finances publiques, l'Allemagne occupe une place particulière : contrairement à la large majorité des États membres de l'Union européenne, la crise n'a suscité aucune mesure particulière d'ajustement dans les services publics. Cependant, l'austérité n'est pas inconnue en Allemagne. Depuis les années 1990, la part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut a reculé d'une manière significative. Après avoir identifié les principaux leviers des adaptations budgétaires, cet article s'intéresse à deux domaines d'action publique dont les dépenses sont en hausse constante depuis plus d'une décennie : l'éducation et la santé. Quel rapport entretiennent ces domaines avec le paradigme global d'austérité ? Quels infléchissements des politiques publiques peuvent être identifiés et quels effets sociaux entraînent-ils ? Le panorama dressé permettra de mettre en lumière des arbitrages politiques ainsi que les effets différenciés de l'austérité budgétaire sur ces deux domaines d'action publique.
      Germany stands out from other European countries seeking ways of responding to the impact that the economic crisis has had on government finances in that, unlike the vast majority of European Union Member States, the crisis did not bring about any particular adjustment measure in German public services. But Germany is not a stranger to austerity for all that. Since the 1990s, the public expenditure share in the Gross domestic product has fallen significantly. After identifying the main drivers for spending adjustments, this article will look at two areas of public action in which expenses have been rising steadily for more than a decade : education and health. What bearing do these areas have on the global paradigm of austerity ? What public policy shifts can be identified and how are these affecting society ? The picture thus painted will shed light on political trade-offs and the differentiated effects of budgetary austerity in these two areas of public action.
    • Les retraites en Allemagne : une réforme exemplaire ? - Marcel Tambarin p. 61-81 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La réforme allemande des retraites de 2007, qui fait passer l'âge légal à 67 ans, est souvent citée en exemple en France, en oubliant que l'augmentation s'échelonnera jusqu'en 2029 et que beaucoup de salariés partent en retraite anticipée grâce à des conditions de décote moins sévères. La retraite à 63 ans sans décote votée en 2014 revient même sur la loi de 2007, bien qu'elle soit réservée aux salariés ayant 45 années d'assurance. Les pensions posent un problème d'adéquation, car la pension standard pour 45 années d'assurance au salaire de référence affiche un montant très supérieur aux pensions réelles. Pour répondre aux contraintes démographiques et financières, l'Allemagne s'est dotée d'un dispositif de pilotage et d'un mode de calcul des retraites sophistiqués censés assurer la pérennité du régime général, mais la baisse programmée du taux de remplacement liée à l'incitation à souscrire une retraite complémentaire privée amorcent un changement de paradigme de la prévoyance vieillesse. Ces réformes, qui ne conjurent pas le risque de paupérisation d'une part croissante des retraités et qui ne dispenseront pas non plus à terme d'augmenter les dépenses publiques de retraites, amènent à se demander si l'Allemagne peut servir d'exemple.
      The German pension reform of 2007, which raises the retirement age to 67, is often given as an example in France, quite forgetting the fact that this reform is due to be phased in gradually until 2029, and that a lot of workers retire before the legal age due to less severe pension reductions. Early retirement at 63 with a full pension, which was passed in 2014, reconsiders the 2007 law, although it is only reserved for workers with 45 years of pension insurance. Pension adequacy issues arise because the standard pension for 45 years of insurance at average wages is much higher than actual pension payments. To cope with demographic and financial constraints, Germany has adopted sophisticated monitoring and pension calculation systems, which are both supposed to shore up the public pension system over the long term. But the scheduled cut in replacement rates related to a policy aimed at promoting private pension plans ushers in a new paradigm for the pension system. These reforms, which cannot prevent the risk of poverty for an increasing number of retirees nor a further increase in public pension expenditure, raise the question as to whether Germany can actually be held up as an example.
    • L'Assurance dépendance allemande, une copie de l'Assurance maladie ? : Des premiers débats aux réformes actuelles - Clémence Ledoux p. 83-106 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Étalé sur plus de vingt ans, le débat sur la dépendance en Allemagne a été très fortement marqué par la proximité entre risque maladie et risque dépendance, conduisant à une solution dans laquelle la nouvelle Assurance dépendance, créée en 1994, ressemble fortement à sa devancière, l'Assurance maladie. En même temps, les différences révélées dans sa mise en œuvre montrent que les concepteurs de l'Assurance dépendance, malgré leur intention première et malgré le relatif consensus politique à la fin des débats, ont échoué dans la tentative visant à éviter les problèmes financiers de l'Assurance maladie. Le principe de la stabilité des cotisations a été progressivement levé. Des effets sociaux pervers sont également apparus, l'Assurance dépendance allemande devenant productrice d'inégalités pour les personnes aidantes, celles-ci étant surtout des femmes non déclarées et pourvues de statuts atypiques.
      Ongoing for more than twenty years, the debate on long-term care in Germany has focused heavily on the similarity between health risk and long-term care risk, leading to a solution in which the new long-term care insurance, set up in 1994, strongly resembles its predecessor, health insurance. That said, the differences revealed in its implementation show that the designers of long-term care insurance (despite their initial intention and despite the relative political consensus reached at the end of the debates) failed in their attempt to avoid the financial problems of health insurance. The principle of stable contributions has gradually been phased out. Unintended social consequences have also emerged, with German long-term care insurance becoming a source of inequality for carers, since these are primarily unregistered women with atypical statuses.
    • L'emploi de travailleurs handicapés en Allemagne : La prise en compte de leur aspiration à l'égalité - Brigitte Lestrade p. 107-127 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comme la plupart des pays développés, l'Allemagne a mis en place un système de protection sociale destiné à favoriser l'insertion des personnes en situation de handicap dans les entreprises. La loi sur l'égalité des personnes handicapées de 2002, qui s'inspire de la Convention internationale sur le droit des handicapés des Nations Unies, doit contribuer à leur permettre d'accéder à une vie autonome. Elle introduit pour les entreprises, à partir de 20 salariés, un quota minimum de 5 % de handicapés parmi leur personnel. Faute de quoi l'administration leur impose une pénalité sous forme de contribution de substitution. Cette obligation d'emploi, qui concerne les entreprises privées comme publiques, s'accompagne d'un certain nombre de contraintes matérielles et légales, telles que la pression sur l'embauche, l'organisation de l'accessibilité des locaux et l'aménagement du poste de travail ainsi qu'une protection renforcée contre le licenciement. L'État procède à un rééquilibrage partiel entre les entreprises qui recrutent des salariés handicapés et celles qui s'y soustraient en reversant les sommes collectées dans le cadre des pénalités aux premières. Les administrations d'intégration des Länder, qui dispensent également des conseils aux entreprises, subventionnent ainsi quelque peu non seulement les coûts des aménagements matériels mais aussi certains coûts salariaux. Le nombre de personnes handicapées aptes au travail étant appelé à s'accroître à l'avenir, les administrations en charge de leur intégration s'inquiètent de leurs sources de financement. Elles estiment que la protection sociale des handicapés au travail à la charge des seules entreprises risque d'être insuffisante et requièrent un éventuel recours supplémentaire à l'impôt.
      Germany has done much the same as other developed countries by setting up a social protection system aimed at helping disabled people to integrate into workplaces. The 2002 law on equality of disabled people (inspired by the United Nations Convention on the Rights of Persons with Disabilities) must play a part in helping them to live independently. For companies with 20 employees and over, this law introduces a quota whereby at least 5 % of their personnel must be disabled workers, or the government requires them to pay a levy in its place. Along with this employment obligation, which concerns private and public companies alike, comes a certain number of material and legal constraints such as recruitment pressure, organising workplace accessibility and adapting the workstation, and greater protection against redundancy. The German State is undertaking a partial rebalancing between companies that recruit disabled workers and those that get out of this obligation by paying back the sums collected in the form of fines to the former. The Länder integration departments, which also offer advice to companies, thus subsidise not only the costs of equipment adaptations, but also some staff costs. Since the number of disabled people fit for work looks set to rise in the future, the departments in charge of their integration are anxious about their funding sources, believing that social protection of disabled workers borne solely by companies risks being insufficient and will perhaps require additional assistance from taxation.
  • Note de lecture

  • Notes de lecture hors dossier