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Revue | Histoire@Politique |
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Numéro | no 26, mai-août 2015 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- L'Europe en barbarie - Sylvain Kahn, Laurent Martin p. 1-4
- Le pessimisme culturel. Civilisation et barbarie chez Freud, Elias, Adorno et Horkheimer - Laurent Martin p. 5-16 Sigmund Freud, Norbert Elias, Theodor Adorno et Max Horkheimer : ces noms dessinent les contours d'une famille de pensée qui, en dépit de tout ce qui sépare ses membres, se caractérise par son pessimisme culturel, l'idée d'une civilisation essentiellement répressive, pathogène, qui enserre les Européens des XIXe et XXe siècles dans un ensemble de contraintes toujours plus fortes et engendre sa propre forme de barbarie, distincte de celle, historique ou mythique, exotique ou domestique, contre laquelle la civilisation européenne s'était édifiée depuis le XVIIIe siècle dans le culte du progrès tout à la fois matériel et moral. Comment penser ce paradoxe historique, telle est la question commune, à laquelle chacun apporta sa réponse, apparentée à celle des autres tout en restant distincte.Sigmund Freud, Norbert Elias, Theodor Adorno and Max Horkheimer: these names draw the outlines of a family of thought which, in spite of all which separates its members, is characterized by its cultural pessimism, the idea of an essentially repressive, pathogenic civilization, which encloses the Europeans of the XIXth and XXth centuries in a set of constraints always stronger. These constraints engender their own shape of inhumanity, different from that, historic or mythical, exotic or domestic, against which the European civilization had been built for the XVIIIth century in the worship of the progress both material and moral. How to think this historic paradox, such is the common question, to which each brought his answer, related to that of the others while remaining different.
- Barbarie(s) en représentations : le cas français (1914-1918) - Nicolas Beaupré p. 17-29 Cet article s'intéresse aux différentes acceptions des termes « barbare » et « barbarie » en Grande Guerre, et notamment dans le cas de la France. Il montre que le barbare est une image de l'ennemi très répandue et utilisée qui se radicalise encore entre 1914 et 1918, notamment du fait des atrocités allemandes du début de la guerre qui permettent d'accuser l'ennemi de « barbarie ». Mais il montre aussi que le terme est parfois employé pour évoquer sa barbarie propre en interrogeant les pratiques de violence sur le champ de bataille.The purpose of this paper is to review the multiple meanings of the terms "barbarian" and "barbarity" during World War I in France. The atrocities perpetrated by the German armies in late Summer 1914 contributed to portray the Germans as "barbarians". This widely circulated image was increasingly used by wartime propaganda. This paper also shows how the term was used to describe one's own barbarity and to question brutal forms of warfare.
- Massacre sur quotas : "l'opération 00447" (URSS, 1937-1938) - Nicolas Werth p. 30-46 « L'opération 00447 », la plus importante des « opérations répressives secrètes » de la Grande Terreur de 1937-1938, constitue un exemple unique dans l'histoire soviétique de « massacre sur quotas ». L'analyse de ce paroxysme meurtrier permet d'éclairer plusieurs questions importantes : l'origine des « quotas de répression » et le contexte politique de cette forme d'ingénierie sociale ; les rôles respectifs de Staline, de Iejov et des dirigeants régionaux du Parti et du NKVD dans les processus de décision et de mise en œuvre de ce massacre de masse ; les critères de choix des victimes et leur sociologie. L'étude de « l'opération 00447 » contribue à renouveler la vision traditionnelle des “purges” staliniennes de la fin des années 1930.“Operation 00447”, the largest “mass repressive operation” of the 1937-1938 “Great Terror”, is a unique case, in Soviet history, of a “quota-based” mass murder. The analysis of this murderous paroxysm casts light on several crucial topics such as: the origins of the practice of “quota-based repression”; the political context of this form of social engineering; the respective roles of Stalin, Ejov and of the regional Party and NKVD bosses in the decision-making and implementation of “Operation 00447”; the choice of the victims and their social background. The study of “Operation 00447” contributes to revisit the traditional approach to the Stalinist purges of the 1930's.
- Les violences concentrationnaires au prisme de la cruauté (1933-1945) : le cas d'Otto Moll - Patrick Bruneteaux, Elissa Mailänder p. 47-63 Les violences subies par les déportés dans les camps de concentration et d'extermination ont le plus souvent, à juste titre, été rapportées à une industrie impersonnelle et bureaucratique, voire à des logiques institutionnelles mettant l'accent sur les logiques propres à un camp ou les idéologies corporatistes, dont celle des nazis ou des SS. Dans cet article, nous proposons une perspective complémentaire, sans doute marginale, mais qui a tout de même sa pertinence : en postulant l'existence de marges de manœuvre des acteurs socio-historiques, nous développons le concept d'« acte d'initiative » par lequel il devient possible de sociologiser les pratiques de cruauté. En suivant de près la trajectoire d'un officier SS, Otto Moll, il s'agit d'articuler les cadres structurels évolutifs (passage de l'état de paix à l'état de guerre, du Reich allemand au Reich européen) et d'explorer les spécificités institutionnelles des camps étudiés (des camps de concentration aux camps d'extermination). Enfin le parcours professionnel et social du bourreau sera étudié non seulement par sa logique de carrière, mais aussi par ses postures propres et notammment ses actes de cruauté inédites.“Concentration-camp violence in the prism of cruelty (1933-1945): The case of Otto Moll” The violence suffered by deportees in the concentration and extermination camps has rightly been attributed most frequently to an impersonal and bureaucratic industry, even to institutional logic, with an emphasis on the particular logic of a camp or of corporatist ideologies, such as those of the Nazi Party or the SS. In this article, we propose a complementary perspective, undoubtedly marginal, but which nonetheless has relevance: in postulating the existence of margins of maneuver for socio-historical actors, we develop the concept of the act of initiative through which it becomes possible to understand the practices of cruelty in a sociological framework. In closely following the trajectory of an SS officer, Otto Moll, we articulate the evolving structural frameworks (passage from peace to war, from the German Reich to the European Reich), the institutional specificities of the camps studied (from concentration camps to extermination camps), and finally the professional and social path of the executioner understood not only through the logic of his career, but also in terms of his individual agency and even creativity that spurred his particular acts of cruelty.