Contenu du sommaire : Drogues : ordre et désordres
Revue | Mouvements |
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Numéro | no 86, juin 2016 |
Titre du numéro | Drogues : ordre et désordres |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Drogues : ordre et désordres
- Éditorial - Anna C. Zielinska, Noé Le Blanc p. 7-12
- Les enjeux économiques et géopolitiques du régime international de contrôle des drogues - Guillermo R. Aureano p. 13-21 Adopté par les accords internationaux au début des années 1960, le paradigme prohibitionniste a résisté depuis à toutes les tentatives pour le remettre en cause. Cet immobilisme à toute épreuve traduit la mainmise d'intérêts géopolitiques et commerciaux sur la législation internationale concernant les drogues.
- Dépénalisation et santé publique : politiques des drogues et toxicomanies au Portugal - Alex Stevens, Caitlin Hughes, Armelle Andro p. 22-33 Le Portugal s'est résolument engagé dans la voie de la dépénalisation depuis 2001. Si les résultats de cette politique, qui associe une réorientation de l'action policière à un développement des structures de soin, sont parfois difficiles à établir, il reste que le bilan d'ensemble de cette nouvelle stratégie apparaît suffisamment positif pour qu'elle serve de modèle.
- La lutte contre la drogue en France ou les contradictions de la prohibition (1970-1996) - Alexandre Marchant p. 34-43 Coups de filet inutiles, criminalisation des usager.ère.s, financements insuffisants, jeux politiques et lourdeurs administratives ont depuis cinquante ans assuré l'échec à tous les niveaux de la « guerre à la drogue » à la française. Cette absence de résultats tranche avec le volontarisme affiché des décideur.euse.s institutionnel.le.s et révèle la nature idéologique (plutôt que pragmatique) de la croisade contre les drogues dont ils.elles se réclament.
- La légalisation des drogues : une mesure de salut public. Inévitable, utopique, dangereuse ? - Michel Hautefeuille, Emma Wieviorka p. 44-51 En France, c'est la loi du 31 décembre 1970 qui fixe le cadre à la fois juridique et médico-social de la réponse publique face à la consommation de psychotropes. L'échec patent de cette loi à remplir ses objectifs pointe les limites des politiques prohibitionnistes dans leur ensemble. Seule une légalisation – qui est davantage qu'une contraventionnalisation ou qu'une dépénalisation – des drogues peut permettre de répondre au mieux au problème sanitaire et social posé par celles-ci.
- Pour une définition clinique de la notion d'addiction : apports et limites d'une conception générique du symptôme addictif - Mathilde Saïet p. 52-60 Réapparue assez récemment dans le vocabulaire clinique, la notion d'addiction suscite un consensus quant à sa pertinence nosographique. L'intérêt de cette notion est d'éviter de réduire les comportements pathologiques qu'elle regroupe à la simple consommation de substances psychotropes. Pourtant, aucune définition unique de cette notion ne semble complètement satisfaisante. Malgré son utilité manifeste, le concept d'addiction flotte ainsi pour l'instant dans des limbes théoriques.
- La réponse pénale à l'usage des stupéfiants, entre politique répressive et mesures à caractère sanitaire et pédagogique - Marysia Ogrodnik, Pierre Kopp p. 61-70 La loi de 1970 « relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite de substance vénéneuses » constitue encore le principal cadre légal des politiques prohibitionnistes en France. Elle laisse pourtant dans un flou juridique la distinction entre usage récréatif et toxicomanie d'une part, et d'autre part entre consommateur.trice et trafiquant.e, ce qui conduit à un relatif arbitraire des condamnations.
- De l'argent facile - Claire Duport p. 71-79 Activité illicite, souvent pratiqué par des personnes pour qui l'accès aux revenus légaux est devenu impossible, le trafic de drogue constitue une forme de redistribution des richesses. Toutefois, les recettes de cette économie lucrative sont loin de faire la prospérité de l'ensemble des acteur.trice.s impliqué.e.s dans ce commerce. Alors qu'une infime minorité à la tête des trafics bénéficie de l'essentiel des profits, les vendeurs de rue apparaissent comme des employés souvent exploités et particulièrement vulnérables.
- La guerre contre les drogues au Mexique : l'échec du modèle prohibitionniste - Jorge Carlos Díaz Cuervo, Pedro A. Villarreal p. 80-89 Les partisans du tout-répressif dans notre rapport aux drogues se targuent souvent du pragmatisme et du bon sens de leur position. Un examen du résultat des politiques prohibitionnistes menées depuis cinquante ans révèle pourtant l'échec complet de ces politiques à remplir leurs objectifs, c'est-à-dire leur absence de réalisme et leur caractère profondément idéologique.
- Les « guerres de l'opium » : les canons de la liberté - Alain Roux p. 90-99 L'impérialisme occidental n'a pas toujours prétexté de son intention d'éradiquer les drogues pour justifier ses interventions hors de ses frontières. Par deux fois au cours du XIXe siècle, la Grande-Bretagne et les autres puissances sont au contraire intervenues pour contraindre la Chine à accepter d'être inondée d'opium, seule façon de rétablir leur balance commerciale lourdement déficitaire avec l'Empire du Milieu. Ces guerres de l'opium racontent une autre histoire de la mondialisation marchande : plutôt qu'une évolution pacifique dans l'intérêt mutuel des différentes parties, cette mondialisation se dévoile comme l'imposition violente de conditions d'échanges dissymétriques, c'est-à-dire d'un ordre arbitraire, de la loi du plus fort.
- Les drogues et la guerre - Lukasz Kamienski, Pauline Landel, Samira Ouardi p. 100-111 Les exigences inhumaines imposées aux soldats ont conduit les armées du monde à produire des stimulants artificiels en masse, d'abord pour améliorer les performances de leurs troupes, ensuite pour rendre les combats et leurs conséquences psychologiquement supportables.
- Errance urbaine, scènes de consommation de drogues et réduction des risques : les défis pour la ville et les politiques publiques aujourd'hui - Betty Azocar p. 112-127 En attirant l'attention de différents acteur.trice.s sanitaires et sociaux présents dans la cité, l'émergence des « scènes ouvertes » d'usage de drogues dans le tissu urbain 1 a contribué à la reconfiguration des interventions en matière de drogues dans les villes, tout en préfigurant la mise en œuvre de la politique de réduction des risques (RDR) auprès des usager.ère.s de drogues. Si la politique de RDR a obtenu des résultats incontestables sur le terrain de l'épidémie de VIH, elle n'a pas encore réussi à répondre totalement aux problématiques posées par les usager.ère.s de drogues les plus marginalisé.e.s dans l'espace urbain, notamment les plus précarisé.e.s, les migrant.e.s, les femmes, et tous ceux qui errent dans les grandes villes. Fragmentées, éphémères et mobiles : les scènes n'ont pas disparu, mais sont redevenues plus difficiles à discerner/à identifier.
- Un conflit entre mondes magiques : la prohibition du peyotl par l'Inquisition de Mexico - Alessandro Stella p. 129-137 Plante hallucinogène mais aussi stimulant coupe-faim, le peyotl a été interdit par les conquérants espagnols car sa consommation rituelle constituait une forme de mysticisme concurrent à celui de l'Eglise catholique. L'on découvre ainsi qu'à l'origine des politiques prohibitionnistes se trouvent non pas des préoccupations de santé, mais une condamnation religieuse et morale, et en définitive un rapport de pouvoir, l'exercice d'une domination politique et culturelle.
- Coca, une feuille sacrée - François Croci p. 138-141 La « guerre à la drogue » n'est pas seulement un instrument de marginalisation des populations les plus vulnérables à l'intérieur de chaque Etat-nation. Il s'agit aussi d'un rapport de forces entre États. La défense par la Bolivie de la culture et de la consommation de la feuille de coca vient rappeler que les politiques prohibitionnistes ne sont pas tant motivées par des préoccupations de santé que par des enjeux de souveraineté.
- Par la voie des nerfs. Henri Michaux et les psychotropes - Muriel Pic p. 142-150 Dans les années 1950, la « guerre à la drogue » ne fait pas encore rage. Les drogues hallucinogènes, naturelles ou de synthèse, suscitent au contraire l'enthousiasme des chercheur.euse.s et leur étude participe à la révolution que connaît alors la neuropharmacologie. Artiste polyvalent et passionné par la connaissance de soi, Michaux va collaborer avec certains des plus grands scientifiques de l'époque dans l'idée que « l'usage des drogues ne conduit pas à un oubli de soi mais, tout au contraire, à une conscience surdéterminée du sentiment fondamental de l'existence. »
Itinéraire
- La politique de décriminalisation des drogues au Portugal : Entretien avec le prof. João Goulão - Anna C. Zielinska, Pauline Landel p. 151-164 Depuis quinze ans, le Portugal a dépénalisé l'usage de toutes les drogues. Le Professeur João Goulão a été l'un des acteurs essentiels de ce tournant législatif majeur. Dans cet entretien, il revient sur les raisons qui ont conduit les autorités portugaises à adopter une politique en matière de drogues à contre-courant des dogmes habituels.
- La politique de décriminalisation des drogues au Portugal : Entretien avec le prof. João Goulão - Anna C. Zielinska, Pauline Landel p. 151-164