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Revue Revue historique Mir@bel
Numéro no 677, janvier 2016
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Briser les idoles païennes ou les sauvegarder ? Le sort des statues divines de Caesarea (Cherchel, Algérie) à la fin de l'Antiquité - Gabriel de Bruyn p. 3-26 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La cité de Caesarea de Maurétanie et ses environs offrent une diversité de sources exceptionnelle pour comprendre le sort qui fut réservé aux statues des dieux païens dans l'Antiquité tardive. Une série de quatre bases de statues qui portent des inscriptions tardives mentionnant leur transfert depuis des lieux sordides, témoignent de l'intérêt que les autorités municipales portaient encore aux statues à la fin du IVe siècle. Au début du Ve siècle néanmoins, deux Passions consacrées à Salsa de Tipasa et Marciana de Césarée, probablement composées par un même hagiographe habitant la région de Caesarea, diffusent auprès des fidèles un discours de légitimation de la violence individuelle contre les statues païennes, à rebours des positions adoptées par l'Église d'Afrique et la législation impériale. La documentation archéologique, enfin, fournit des témoignages difficiles à analyser de mutilations de statues, dont certaines au moins furent probablement effectuées sous le contrôle des autorités civiles, sous la pression d'une partie de la communauté chrétienne. L'ensemble de ces documents témoignent des débats et des polémiques au centre desquels se sont retrouvées les statues des dieux païens à la fin de l'Antiquité. Ils illustrent le consensus qu'elles pouvaient susciter auprès de certaines élites païennes et chrétiennes, mais aussi les multiples pressions exercées par des chrétiens plus radicaux pour obtenir leur mutilation ou leur disparition.
    Smash or preserve the pagan idols? The fate of divine statues in Caesarea (Cherchel, Algeria) at the end of Antiquity
    The city of Caesarea of Mauretania and its vicinity offer an exceptional variety of sources in order to understand the fate of pagan statues in Late Antiquity. Four statue bases found in the western baths carry dedications indicating their transfer from squalid places (de sordentibus locis). Most of the time, those inscriptions have been understood as testimonies of the desecration of the pagan temples. More probably, the statues came from buildings in ruins after the sack of the city by the Berber prince Firmus. Their moving was therefore rather a way to restore quickly and inexpensively the most frequently places of the city. It reflects how prominent the statues remain for the municipal authorities in the late 4th century. In the early 5th c., however, two Passions devoted to Salsa of Tipasa and Marciana of Caesarea, probably composed by the same hagiographer living in Caesarea or the neighbourhood, spread among the Christians a discourse of legitimization of individual violence against the pagan statues, even if such attitude was condemned by conciliar decisions of the Church of Spain and Africa, or forbid by imperial laws. The aim of the hagiographer was probably to push the ecclesiastical and civic authorities to act against the pagan idols. Archaeological evidences finally provide testimonies of mutilations, like decapitation or defacement. Thus, a statue of Bacchus seems to have been hammered: the eyes, the nose, the mouth and the chin have been mutilated. The shape of this mutilation recalls the manifestations of the abolitio memoriae, and it is probable that Christians reinterpreted this traditional process of condemnation of memory. This type of mutilation was most probably made under the control of civilian authorities, under pressure of a part of the Christian community. All these documents show debates and controversies that rose about the pagan statues in Late Antiquity, illustrating how they could be a consensus but also the multiple pressures made by some uncompromising Christians to get their mutilation or their disappearance.
  • Révolte et requête. Les gens de métiers et les conflits sociaux dans les villes de Flandre (XIII e-XV e siècle - Jelle Haemers p. 27-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'étude présentée ici montre que, avant tout, c'est par la requête et le dialogue politique que les gens de métiers des villes du comté de Flandre au bas Moyen Âge ont proposé des transformations concrètes de l'administration urbaine, et moins par la violence. Le but « commun » des rebelles était la modification d'une certaine situation sociale, économique ou administrative, vécue comme injuste – ce qui explique l'intensité de la lutte parfois acharnée dans laquelle ils se sont engagés. Cette étude suggère que l'usage de la violence ne paraît que comme deuxième ou ultime option pour les chefs des corps de métiers après l'usage des rituels de mobilisation, tandis que les manouvriers et les compagnons étaient plus enclins à recourir à la force. Cette hypothèse, à vérifier par d'autres études, pourrait expliquer pourquoi le dialogue et la violence sont des éléments essentiels et presque indissociables dans les révoltes urbaines au bas Moyen Âge. Par conséquent, cette étude montre que, si les historiens veulent vraiment comprendre les révoltes urbaines, mieux vaut étudier les traces d'encre que les rebelles ont laissées dans les archives, que celles du sang qu'on retrouve dans les récits de l'époque.
    Revolt and petition. The craftsmen and the social conflicts in the cities of Flanders (13th-15th centuries)
    The urban craftsmen, organized and mobilized by powerful guild associations, were at the center of the major disturbances in the main cities of the county of Flanders. In cities like Ghent, Bruges, and Ypres, the crafts engaged in similar forms of collective action, such as petitioning, collective assembly and the occupation of public space. This article argues that written collective petitions were the main means of the craftsmen to influence urban politics. Less than being the first option for guild leaders to use in times of conflict, violence seems to have been committed by ordinary craftsmen in the first place. Guild governors regularly tried to restrain the violence used by commoners with the aim to improve the chances of their petitions being approved. An in-depth study of these bills dating from the late 13th until the late 15th century demonstrates that several of the social, economic, cultural and political claims of the craftsmen have led to fundamental transformations of the urban government in the Low Countries.
  • Entre salubrité, conservation et goût : définir le « bon vin » en France (1560-1820) - Benoît Musset p. 57-82 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article montre les changements dans la définition de la qualité des vins en France, du XVIe siècle au début du XIXe siècle, considérant le goût comme une construction sociale influencée par différents facteurs (culturels, sociaux, économiques).Au XVIe siècle, la définition du bon vin repose largement sur des critères médicaux hérités de l'Antiquité, fondés sur la théorie des humeurs. Le vin est un facteur de bonne santé, en fonction de ses caractéristiques : couleur, âge, consistance, goût, origine... Chaque individu ayant des besoins différents, cette trame qualitative ne génère pas de hiérarchie très nette entre les vins. À partir du milieu du XVIIe siècle, le critère du goût est mis en valeur, détaché des éléments médicaux. Le bon vin doit avoir un goût fin, une couleur délicate, des arômes secondaires (fleurs, fruits), que l'homme distingué doit connaître et apprécier. Certains vins sont réputés posséder ces qualités, et leur consommation devient socialement obligatoire : Champagne, Bourgogne, puis Bordeaux. Une hiérarchie stricte fondée sur le goût apparaît au XVIIIe siècle entre les vignobles, et aussi entre les crus. Cette hiérarchie donne naissance à un classement fermé, dont les classes correspondent aux catégories sociales. La qualité devient donc mesurable, transparente. En 1816, André Jullien dresse un classement des vins de France, à partir d'une démarche presque mécanique fondée sur un goût considéré comme objectif et absolu.
    Between cleanliness, conservation and taste: define good wine in France (1650-1820)
    This article shows the changes in the definition of the quality of wines in France, from the 16th century to the beginning of the 19th century, considering the taste as a social construction influenced by different factors (cultural, social, economic).
    In 16th century, the definition of the good wine based widely on medical criteria inherited of Antiquity, connected to the theory of the humors. The wine was a factor of good health, according to its characteristics: color, age, consistency, taste, origin... Every individual having different needs, this qualitative weft did not generate very clear hierarchy between wines.
    From the middle of the 17th century, the criterion of the taste was emphasized, removed from the medical elements. The good wine had to have a fine taste, a delicate color, secondary aromas (flowers, fruits), which the distinguished man had to know and estimate. Certain wines were considered for possessing these qualities, and their consumption became socially compulsory: Champagne, Burgundy, then Bordeaux.
    A strict hierarchy based on the taste appeared during the 18th century between vineyards, and also between the “crus”. This hierarchy raised to a closed classification, the classes of which correspond to the social categories. The quality became measurable and transparent. In 1816, André Jullien raised a classification of French wines, from a mechanical approach based on a taste considered as objective and absolute.
  • S'intégrer dans la République des Lettres. Le cas de Nicolas Fatio de Duillier (1681-1688) - Noémie Recous p. 83-112 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    En 1688, le genevois Nicolas Fatio de Duillier (1664-1753) est officiellement élu membre de la Royal Society de Londres, honneur confirmant son identité de savant et de membre de la République des Lettres. Fatio de Duillier n'était pas issu d'une famille de tradition savante, et sa ville d'origine, Genève, n'était pas un des centres de la République des Lettres. Si son mérite personnel, indéniable, a été présenté comme l'argument décisif de sa reconnaissance européenne, il cache en réalité des processus plus complexes de construction et de médiatisation d'une identité publique. Pour comprendre les forces à l'œuvre dans ces processus, les outils de l'analyse de réseau sont très utiles. Le concept d'intermédiaire permet de révéler le rôle de certains individus qui ont mis leurs ressources, notamment sociales, au service du jeune Fatio, et ont été déterminants dans ses choix et ses succès. C'est le cas de son maître à l'Académie de Genève, et par la suite mentor et ami, Jean-Robert Chouët. C'est aussi celui de grands noms de la République des Lettres tels que Jean-Dominique Cassini et Christiaan Huygens, qui ont fait figure de mentors pour le jeune homme, tout en y trouvant des intérêts personnels, selon la règle du don et contre-don régissant les sociabilités de la République des lettres. L'analyse de réseau permet également le changement d'échelle, en révélant les ensembles auxquels l'individu est intégré, en l'occurrence les réseaux protestants et marchands, qui ont été des ressources majeures pour le jeune homme. À travers le cas de Nicolas Fatio de Duillier, ce sont donc ces processus d'élaboration et de médiatisation d'une identité savante qui sont étudiés.
    The integration in the Republic of Letters. The example of Nicolas Fatio de Duillier (1681-1688)
    In 1688 the Genevan Nicolas Fatio de Duillier (1664-1753) was officially elected fellow of the Royal Society of London. This honorific recognition confirmed his identity as a learned member of the Republic of Letters. Fatio de Duillier had not grown up in a family where the scientific tradition was strong, nor had he lived in a city that was one of the main centres of the Republic of Letters such as London or Paris. His personal virtue was presented as the main argument for his European recognition. However, this explanation is far from sufficient as it is hiding much more complex processes of construction and mediatisation of his public identity. In order to understand the forces that played a role in Fatio de Duillier's recognition, the tools of networks analysis are very useful. The concept of “broker” reveals for instance the role of some individuals who used their personal social resources to help the young Fatio. It is the case of his master in the Genevan Academy, later friend and mentor, Jean-Robert Chouët, who used both his personal and more formal relationships to promote his pupil in the circles of the Republic of Letters. It is also the case with renowned scientists of the time, such as the astronomer Jean-Dominique Cassini and the mathematician Christiaan Huygens, who also became Fatio's mentors. But if these men used their personal credit in order to help Fatio, they found personal interest in that, according to the principle of gifts and favours exchange that was crucial in the relationships between the Republicans of Letters. The network analysis also allows us to shift scale from the individual to larger groups to which the individual belongs. For Nicolas Fatio, the protestant and familial networks played a central part in his European recognition. Through the case of Nicolas Fatio de Duillier, these processes of construction and mediatisation of a learned and scientific public identity are precisely studied.
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