Contenu du sommaire : Modèles et méthodes mathématiques dans les sciences sociales : apports et limites

Revue Mathématiques et sciences humaines Mir@bel
Numéro no 172, hiver 2005
Titre du numéro Modèles et méthodes mathématiques dans les sciences sociales : apports et limites
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Avant propos du n° spécial : Modèles et méthodes mathématiques dans les sciences sociales : apports et limites - Bernard Monjardet accès libre
  • Condorcet et la mathématique sociale. Enthousiasmes et bémols - Jacqueline Feldman accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Condorcet est le dernier encyclopédiste : « géomètre », passionné par le « bien public », il croit dans un progrès indéfini de l'esprit humain et des connaissances. La Raison, qui a si bien réussi dans les sciences de la nature, doit à présent servir aussi les « sciences morales », dont le but est le bonheur de l'homme. Premier à proposer et penser une « mathématique sociale », après n'avoir guère été écouté là-dessus au 19e siècle, il a retrouvé, depuis un demi-siècle, une reconnaissance académique, en tant que précurseur des mathématiques appliquées aux sciences de l'homme et de la société. Ce texte rappelle l'évolution de ses idées, en particulier les réticences du début, qu'on peut retrouver dans certaines critiques actuelles. Il évoque aussi, éléments de sa pensée moins connus, l'importance qu'il accorde à « l'art de faire des tableaux » et à l'établissement d'une langue universelle, qui permettraient à tous de participer à la connaissance scientifique. Il signale enfin, au-delà de l'enthousiasme militant de la maturité, quelques réflexions qui montrent que Condorcet n'était pas dupe de la possibilité de certaines dérives.
    Condorcet was the last of the encyclopaedists : a "geometer" and fervent advocate of “public good”, he believed in the unlimited progress of the human mind and knowledge. Reason, which had served the natural sciences so well, had henceforth to serve the “moral sciences”, whose aim is human happiness. He was the first to propose and think out “social mathematics”. While the nineteenth century paid almost no heed to that, for half a century now he has gained academic renown as a forerunner of mathematics applied to the social sciences. The present article traces the evolution of his ideas – especially his early reluctance, which is shared by some people today. It also looks at other less well-known aspects of his thought, such as the importance he attached to “the art of making tables” and the devising of an universal language which would enable every one to share scientific knowledge. Lastly it shows that beyond the fervent enthousiasm of maturity he was aware of possible misuses.
  • L'intervention du raisonnement mathématique en philosophie politique - Emmanuel Picavet accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article est une exploration des points de contact traditionnels ou plus récents entre le raisonnement mathématique et la philosophie politique. Dans le prolongement de la typologie de B. Saint-Sernin, on distingue plusieurs rôles de la modélisation mathématique dans les sciences de la décision. L'importance de ces fonctions a évolué sous l'influence de la théorie du choix rationnel, qui a rapproché la modélisation des questions philosophiques. L'examen de l'apport des modèles mathématiques apparaît indissociable d'un effort pour identifier les conditions dans lesquelles leurs interprétations possibles sont pertinentes. Il conduit aussi à réexaminer« les rapports entre philosophie politique et étude des mécanismes politiques.
    This article is an exploration of traditional and more recent meeting points between mathematical reasoning and political philosophy. Building on B. Saint-Sernin's typology, several roles of mathematical modelling in the decision sciences are distinguished. The relative importance of these functions has evolved under the influence of rational choice theory, which has in effect brought modelling back in the vicinity of philosophical questions. Examining the contribution of mathematical models appears to involve an effort to identify the conditions under which their possible interpretations are relevant. It also leads to a re-examination of the relationships between political philosophy and the study of political mechanisms.
  • Physique statistique de phénomènes collectifs en sciences économiques et sociales - Jean-Pierre Nadal, Mirta B. Gordon accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'objet de cet article est de montrer comment la physique statistique peut contribuer à la modélisation des phénomènes collectifs en sciences économiques et sociales. Le cœur de l'exposé porte sur le comportement global d'un groupe de grande taille lorsque les décisions individuelles sont influencées par celles des autres. Nous illustrons notre propos par plusieurs exemples, en partant de travaux pionniers en sociologie et économie, comme ceux de T. Schelling, dont l'approche de ces problèmes a toute la saveur de celle d'un physicien.
    This article shows how statistical physics may contribute to the modelling of collective phenomena in economics and social science. The main topic here is the study of the global (aggregate) behavior of a large population, when the agents make choices under social influence. We present several examples, starting from pioneering works in economics and sociology, such as those of T. Schelling whose approach has all the flavour of physicists' approaches.
  • La notion de modèle dans les sciences sociales: anciennes et nouvelles significations - Michel Armatte accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La notion de modèle joue un rôle fondamental aussi bien dans les sciences physiques que dans les sciences sociales. En s'appuyant sur les travaux de différents colloques et de travaux plus récents du centre Koyré, l'auteur dresse une fresque des différentes acceptions de la notion de modèle qui passe par la physique de Maxwell et Boltzmann à la fin du XIXe siècle, par les débats du Cercle de Vienne et la théorie des modèles en logique mathématique dans les années 1930-1950, puis par l'explosion de la notion plus empirique de modèle dans les sciences sociales aux deux moments clés des années trente et de l'immédiat après guerre avec le développement des mathématiques appliquées, de l'informatique, de la recherche opérationnelle, et de la modélisation structurelle. Une rupture importante apparaît dans les années 1970 qui invite à considérer que la modélisation des systèmes complexes ne trouve plus appui sur une théorie scientifique mais sur une multitude de savoirs que le modèle et plus encore le logiciel sont à même d'intégrer en fonction d'objectifs de connaissance et d'intervention. Dès lors c'est davantage la modélisation comme activité sociale et politique, inscrite dans des logiques d'acteurs et de décision collective, qui doit être considérée plutôt que le modèle comme objet médiateur purement cognitif entre théorie et observation.
    The model is today a crucial notion in the social and physical sciences. Revisiting several philosophical or historical works on models, the author gives elements for a genealogy of this category, ranging from its use by Maxwell and Boltzmann in physics to the debates of the Vienna circlce on model theory in mathematical logic, and later, the irruption of the notion in the field of social sciences around World War 2, due to the progress made in applied mathematics, computer science and simulations as well as in structural modelling and operational research. The study of complex objects such as ecosystems, the climate or the world economy, which can not be represented within the framework of a single theory, have necessitated a plurality of approaches to knowledge, some of which are theoretical, others empirical. The model, and the software that is used must seek to integrate these various elements of knowledge, while taking into account the aims of the modelling activity; arbitrages, decisions about actions and the management of systems. Rather than a cognitive mediator between theory and observation, modelling has come to be a social and political activity, intrinsically linked to the motivations of the participating actors and to collective decisions.