Contenu du sommaire : Iran/Arabie saoudite : une guerre froide
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 97, printemps 2016 |
Titre du numéro | Iran/Arabie saoudite : une guerre froide |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Iran, Arabie Saoudite : la guerre froide - Agnès Levallois, Clément Therme p. 9-13
- Rivalité irano-saoudienne en Syrie après la conclusion de l'accord sur le nucléaire - Mohammad-Reza Djalili, Thierry Kellner p. 15-30 La rivalité qui oppose l'Iran et l'Arabie saoudite depuis la fondation de la République islamique en 1979 – à l'exception de quelques essais de rapprochement – a pris une nouvelle dimension à la suite des « printemps arabes ». Elle s'exprime à la fois dans la péninsule Arabique et au Proche-Orient où la Syrie occupe une place particulière. Riyad et Téhéran ont adopté des positions antagoniques sur ce dossier et se sont considérablement impliqués sur le théâtre syrien. Malgré quelques tentatives, ils ont été jusqu'ici incapables de surmonter la polarisation actuelle de leurs rapports, de nouer un dialogue et d'envisager leurs relations autrement que comme un jeu à somme nulle. Dans le contexte d'une situation qui reste, au printemps 2016, extrêmement mouvante, cette rivalité risque de renforcer les obstacles et de rendre les discussions et la recherche d'un compromis de sortie de crise en Syrie encore plus difficiles.
- De la révolution à la réforme : chiisme et politique en Arabie saoudite - Laurence Louer p. 31-41 Le printemps arabe a marqué un nouveau tournant dans les relations entre le régime saoudien et sa minorité chiite, marqué par un double processus de radicalisation. Radicalisation d'une partie des leaders d'opinion chiites d'une part, dont l'ampleur doit cependant être relativisée. En effet, les émeutes, si elles persistent dans la région de Qatif, sont le fait d'une minorité et sont ouvertement condamnées par le Mouvement de la réforme et la majorité des leaders d'opinion chiites. Par ailleurs, si la position du Mouvement de la réforme est fragilisée, elle n'a pas été fondamentalement remise en cause et les dissidents, s'ils sont influents, ne disposent pas de larges bases politiques. C'est vrai y compris de Nimr al-Nimr. Radicalisation au sein du régime d'autre part. Avant 2012, la politique de la reconnaissance du Mouvement de la réforme avait fait les frais des luttes de factions internes à la dynastie Al Saoud, qui opposaient notamment le Roi Abdallah et le Prince héritier Nayef. Soutiens du Roi, les chiites étaient devenus une des cibles favorites du puissant prince Nayef lorsqu'il souhaitait signifier à Abdallah les limites de son pouvoir.
- L'apparence du religieux - Olivier Da Lage p. 43-52 Du point de vue de l'Arabie saoudite, l'Iran a entrepris d'étendre son influence par l'intermédiaire de mouvements chiites dans son voisinage immédiat : au Yémen, au Bahreïn, en Irak, en Syrie ou au Liban. Face à la complaisance supposée des Etats-Unis à l'égard de la République islamique, le royaume saoudien a pris la tête d'une coalition militaire de pays sunnites pour intervenir au Yémen contre les Houthis, que soutient Téhéran tout en appuyant en Syrie la rébellion jihadiste contre le régime de Bachar al-Assad. L'exécution en janvier 2016 du cheikh Nimr al Nimr, un religieux influent au sein de la minorité chiite du royaume accusé de subversion, a suscité des réactions hostiles à l'Arabie en Iran, provoquant quelques jours plus tard la rupture des relations entre Riyad et Téhéran. Cet affrontement entre l'Iran chiite et l'Arabie saoudite sunnite contraint les pays de la région à choisir leur camp et à s'aligner, mais leur rivalité est en réalité davantage de nature géopolitique que religieuse.
- L'Arabie saoudite dans le contexte du retour en grâce de l'Iran - Fatiha Dazi-Heni p. 53-62 Riyad considère que la politique d'influence de l'Iran au Moyen-Orient est à l'origine de la déstabilisation et de la menace régionale car elle a vocation à promouvoir son projet hégémonique sur le monde arabe en jouant sur divers registres de son identité selon les contextes : perse, chiite ou même révolutionnaire. Nous verrons comment ce narratif est utilisé par le régime Al Saoud pour mobiliser son opinion et justifier sa politique interventionniste dont la vocation est d'affirmer l'identité arabo-sunnite du royaume comme la dynamique de référence au Moyen-Orient, par opposition à l'Iran chiite. Cependant, les raisons profondes de ce tournant diplomatique sont également largement inspirées par les craintes et les effets de domino que font peser les révoltes arabes de 2011 sur le royaume et plus largement la péninsule arabique.
- Tensions diplomatiques irano-arabes et pérennité de la présence des Iraniens à Dubaï - Amin Moghadam p. 63-77 Les tensions entre l'Iran et les pays arabes du golfe Persique posent la question de leur impact sur la présence des Iraniens aux Emirats Arabes Unis et notamment à Dubaï. La profondeur historique de cette présence, l'éventail large des activités engagées entre les deux pays et l'intérêt qu'elles représentent pour les secteurs étatiques et non-étatiques variés permettent aux acteurs impliqués un certain degré d'autonomie face aux tensions diplomatiques. Si ces dernières renforcent le sentiment de précarité chez les migrants iraniens à Dubaï dans leur vie quotidienne, elles sont aussi génératrices de nouvelles stratégies d'adaptation et de formes d'échanges. Enfin la question des Iraniens aux Emirats est un cas d'école qui nous renseigne sur les signes avant-coureurs de la politique diasporique de l'Etat iranien.
- Le Liban et l'Iran à l'ombre du conflit entre l'Iran et l'Arabie saoudite - Anaïs-Trissa Khatchadourian p. 79-90 En Iran, plus grand pays chiite du monde, la victoire de la Révolution islamique en 1979 a créé un appel pour les populations chiites – souvent minoritaires – vivant dans les pays du Golfe. Outre que cela a suscité les inquiétudes des gouvernements sunnites en place, la révolution islamique de 1979 a également galvanisé les populations chiites ailleurs dans le monde arabe, et notamment au Liban, où l'Etat iranien essaie d'utiliser le facteur du chiisme pour étendre son influence. Mais que représente le terrain libanais dans la rivalité entre ces deux puissances régionales ? Nous étudions ici les relations entre le Liban et l'Iran, analysées à travers le prisme du conflit régional entre l'Arabie saoudite et l'Iran.
- La guerre saoudienne contre le Hezbollah libanais. Répercussions locales d'une rivalité régionale - Aurélie Daher p. 91-100 Début mars 2016, l'Arabie saoudite, à la tête du Conseil de Coopération du Golfe, qualifie officiellement le Hezbollah libanais d'« organisation terroriste » – une première. Cette décision intervient dans le cadre de la dégradation sérieuse des relations entre le Royaume et l'Iran et la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays deux mois plus tôt, à l'occasion de l'exécution par Riyad du cheikh Nimr Nimr, un opposant saoudien de confession chiite. Mais les effets de cette guerre saoudienne contre l'Iran par Hezbollah interposé n'affectent pas uniquement le grand rival régional de l'Arabie. Le Hezbollah n'est pas le seul acteur libanais pénalisé, la coalition du 14 Mars, pourtant pro-saoudienne, est elle aussi rappelée à l'ordre, incitée à agir contre son adversaire politique local – au risque de déstabiliser dangereusement le pays.
- L'Arabie saoudite et les États-Unis : une alliance ambivalente et pérenne - Steven Ekovich p. 101-116 Les États-Unis et l'Arabie saoudite partagent des relations étroites depuis les années 1930, quand une compagnie pétrolière américaine a bénéficié d'un droit exclusif de forer le pétrole saoudien. Les Américains ont largement accompagné les Saoudiens dans leur développement depuis lors, jusqu'aux horizons d'un pays postmoderne de nos jours. Mais on ne peut pas restreindre une analyse des relations entre les deux pays exclusivement à l'accès au pétrole. Contrairement à une vision commune et superficielle, l'alliance n'a jamais été simplement fondée sur « pétrole pour sécurité ». D'autres impératifs stratégiques ont été et continuent d'être présents. Néanmoins, l'alliance bute toujours sur la tension profonde entre les valeurs libérales états-unisiennes et le conservatisme religieux saoudien.
- Le jeu de la France dans le Golfe : entre continuité et ruptures - Denis Bauchard p. 117-129 La France a acquis en quelques décennies une place politique, stratégique et économique majeure dans une zone qui était auparavant largement sous influence américaine et britannique. Mais cette place reste fragile. D'une part les Etats-Unis ne manquent pas d'arguments et de moyens pour préserver leurs intérêts. La « fâcherie » avec l'Arabie saoudite n'a pas modifié de façon significative l'étroitesse des liens, notamment militaires. La concurrence d'autres pays européens – la Grande Bretagne comme l'Allemagne ou l'Italie, très présentes sur ces marchés hautement solvables – est très vive dans les pays du Golfe, qu'il s'agisse des monarchies arabes ou de l'Iran dont le marché va s'ouvrir progressivement. De plus leur politique de diversification a contribué à faire venir d'autres acteurs, notamment du sous-continent indien ou d'extrême-orient, comme l'Inde, la Corée du sud, le Japon et plus encore la Chine.
- Les relations pétrolières et gazières après l'accord sur le nucléaire iranien - Olivier Appert p. 131-141 L'accord signé à Vienne le 14 juillet dernier marque la fin prochaine des sanctions internationales après 20 ans d'embargo. Gorgé de ressources pétrolières et gazières l'Iran va-t-il devenir un eldorado du Moyen Orient ? Cet accord va à coup sur affecter les marchés mondiaux du pétrole et du gaz. Mais les modalités et le calendrier de retour de l'Iran sur la scène internationale seront différents pour le pétrole et le gaz. Et les contraintes politiques internes et internationales et l'ampleur des investissements à réaliser risquent de perturber ce retour.
- The Relations between Iran and Saudi Arabia in the 1970s - Claudia Castiglioni p. 143-153 L'article décrypte les principales caractéristiques de l'histoire des relations irano-saoudiennes. Une attention particulière est accordée au rôle que ces deux pays ont joué au sein de l'organisation des pays exportateurs de pétrole, les points communs et les différences dans leurs approches des pays importateurs et la nature de leurs relations avec les USA. Sur ce dernier point, l'article questionne la vision traditionnelle qui considère Téhéran et Riyad comme des pierres angulaires équivalentes de la politique des piliers jumeaux poursuivie par Washington dans les années 1970 qui s'appuyait sur les alliés les plus puissants pour la défense et la promotion des intérêts américains dans le golfe Persique. L'article se penche sur cette question au travers des éléments qui, hier comme aujourd'hui, sont au cœur de la relation entre Riyad et Téhéran: le pétrole et la quête de l'hégémonie régionale.
Variations
- Les élections présidentielles au Liban : entre espoir et retour douloureux de l'Histoire - Stéphane Malsagne p. 157-173 L'impossible élection d'un chef d'Etat au Liban depuis la fin de la présidence Sleiman est, le plus souvent et à juste titre, expliquée par des blocages liés à des facteurs d'ordre institutionnel et régional. Contrairement aux espoirs suscités par la perspective d'une élection enfin aboutie, le poste et la fonction présidentielle ont pourtant été souvent discrédités dans l'histoire libanaise contemporaine. Dans un Etat actuellement très instable, confronté à des enjeux d'existence et dont les élites politiques n'ont cessé de se couper d'une partie croissante de la société civile, le profil et le parcours historique des candidats en lice pour la succession est à bien des égards un facteur supplémentaire d'accroissement des tensions de nature à renforcer l'impasse dans lequel se situe le pays.
- The LAF - Hezbollah duopoly: a stake for the Lebanese safety and the regional security - Karine Meunier p. 175-189 This article explores the evolution in the relationship between the Lebanese Armed Forces (LAF) and Hezbollah in Lebanon, which can be qualified as a duopoly in the use of legitimate physical violence. Building on an explanation of Hezbollah's path to political and military power, the second section of this article will provide an insight into the current nature of its relationship to the LAF, and the power-sharing between the two of them. In a third section, this article questions the future of this security duopoly in the context of the increasing military threat posed by radical elements from Syria at the border. In order to do so, the article elaborates and assesses two overarching scenarios in which each actor empowers the other, and five sub-scenarios to describe the different expectable modi operandi. The security duopoly is further analysed by introducing the regional stakes and influences on the LAF and Hezbollah. The conclusion of those 5 sub-scenarios' assessment is that the current equilibrium of the relationship between the LAF and Hezbollah is not likely to change radically since every sub-scenario has flaws impacting its credibility, and hence its potential for becoming true.
- Notes de lecture - p. 191-207
- Les élections présidentielles au Liban : entre espoir et retour douloureux de l'Histoire - Stéphane Malsagne p. 157-173