Contenu du sommaire : Auguste Comte et la religion positiviste
Revue | Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques — RSPT |
---|---|
Numéro | Tome 87, no 1, 2003 |
Titre du numéro | Auguste Comte et la religion positiviste |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Auguste Comte et la religion positiviste
- Auguste Comte et la religion positiviste : présentation - Michel Bourdeau p. 5-21 Longtemps négligées, les théories religieuses de Comte commencent à susciter à nouveau l'intérêt. Cette présentation rappelle dans quelles circonstances l'auteur du Cours a été amené à développer sa religion de l'Humanité, puis en décrit rapidement les grands traits : la définition de la religion comme « état de parfaite unité »; la priorité accordée au culte qui, outre le culte public auquel on s'en tient le plus souvent, comprenait encore un culte privé et un culte domestique; la transformation de la science en dogme et la place prépondérante accordée dans ce domaine à la sociologie. la conclusion examine la façon dont Comte concevait l'Église positiviste et ses rapports avec l'État.Auguste Comte and the Positivist Religion
Long neglected, Comte's religious theories are beginning to stir new interest. This introduction recalls the circumstances in which the author of Cours was lead to develop his religion of Humanity, and then briefly describes its key features: the definition of religion as the « state of perfect unity »; the priority accorded the cult that embraced both private and domestic worship as well as the public worship most often at the center of devotion; the transformation of science into dogma, and the dominating position given to sociology in this domain. The conclusion examines the fashion in which Comte conceived of the Positivist Church and its relations with the state. - La religion saint-simonienne - Antoine Picon p. 23-37 Placée au carrefour d'influences très diverses, du catholicisme à l'idéalisme allemand en passant par le déisme des Lumières, la religion saint-simonienne pose de délicats problèmes d'interprétation. Il convient de distinguer la vision religieuse développée par Saint-Simon de celle que forgent progressivement ses disciples. L'accent mis sur l'activité spontanée de l'homme constitue en revanche un trait commun. Ces différents problèmes d'interprétation soulevés, il reste à s'interroger sur les motivations et les comportements mis en jeu par la pratique religieuse saint-simonienne. Par-delà ses ambiguïtés, cette dernière témoigne de l'exigence de renouveau spirituel qui s'exprime au cours de la première moitié du XIXe siècle.The Saint-Simonian Religion
Placed at the crossroads of exceedingly diverse influences, from Catholicism to German idealism, having passed through the Deism of the Enlightenment along the way, the Saint-Simonian religion poses delicate problems of interpretation. The religious vision developed by Saint-Simon must be distinguished from that progressively coined by his disciples. The accent placed upon spontaneous human activity constitutes, on the other hand, a common trait. Apart from these problems of interpretation, the motives and attitudes of Saint-Simonian religious practice remain to be considered. Notwithstanding its ambiguities, it bears witness to a demand for spiritual renewal that expresses itself during the first half of the 19th century. - Le « culte » et la « culture » chez Auguste Comte : la destination morale de la religion positiviste - Laurent Clauzade p. 39-58 La religion de l'Humanité est, dans sa genèse, le résultat de deux grandes lignes de réflexions, l'une spécifiquement morale, s'interrogeant sur les conditions de l'unité à la fois individuelle et collective, et l'autre d'abord « sociologique » ou politique, puis spécifiquement religieuse, relative à la notion d'Humanité. L'objet de cet article est de montrer plus particulièrement l'importance de la problématique morale dans la construction de la religion positiviste : celle-ci fournit le cadre théorique à l'intérieur duquel le culte de l'Humanité acquiert une dimension véritablement religieuse. C'est ce que permet d'établir une étude génétique des textes où s'élaborent les prémisses de l'idée religieuse : les conversations avec Laffitte, les plans du cours de 1847, et les différentes versions du tableau cérébral. Il nous est enfin apparu que la thèse ainsi dégagée fournissait la clef d'une lecture pleinement philosophique de la correspondance avec Clotilde de Vaux.« Cult » and « Culture » in the Thought of Auguste Comte : the moral destination of the Positivist religion. The Religion of Humanity is in origin the result of two significant lines of reflection, one specifically moral, considering the conditions of unity at once individual and collective, the other at the outset « sociological » or political, then specifically religious, with respect to the notion of Humanity. The purpose of this article is to show more particularly the importance of the moral problematic in the construction of the Positivist religion. It is this that provides the theoretical framework at the interior of which the cult of Humanity acquires a truly religious dimension. It is this that permits the organization of a genetic study of the texts where the premises of religious thought are elaborated: the conversations with Lafitte, the plans for the course of 1847, and the different versions of the chart of the brain. Finally, it is apparent to us that the thesis thus put forward has provided the key to a fully philosophic reading of the correspondence with Clotilde de Vaux
- La religion des morts-vivants : Le culte des morts chez Auguste Comte - Jean-François Braunstein p. 59-73 La religion de l'Humanité que fonde Auguste Comte vise à développer le lien social entre les hommes actuellement existants, mais surtout à renforcer leurs liens avec ceux des hommes des générations antérieures qui ont fait progresser l'Humanité. En affirmant que « les vivants sont toujours, et de plus en plus, gouvernés nécessairement par les morts », Comte réagit contre « l'insurrection continue des vivants contre les morts » qu'il qualifie de « maladie occidentale ». Les morts qui le méritent accèdent à un équivalent de l'immortalité chrétienne, puisque leurs pensées et surtout leurs sentiments survivent dans les cerveaux de leurs successeurs. Comte ne se contente pas de justifier la mort d'un point de vue scientifique et sociologique, il en vient même à la chérir à travers l'amour qu'il éprouve pour Clotilde morte. La religion positiviste est ainsi à l'origine d'un culte nécrophile des tombes et des cimetières.The Religion of the Living-dead. Auguste Comte's cult of the dead
The religion of Humanity founded by Auguste Comte aims to develop the social bonds between people presently existing, yet above all to reinforce their bonds with those of past generations who have advanced Humanity. By affirming that « the living are always, and ever increasingly, governed necessarily by the dead », Comte reacts to the « continuous insurrection of the living against the dead », which he describes as the « Western disease ». The dead who are deserving arrive at an equivalent of Christian immortality because their thoughts and especially their feelings survive in the brains of their successors. Not contenting himself with the justification of death from a scientific and sociological point of view, Comte comes even to cherish it through the love he experiences for the dead Clotilde. The Positivist religion is thus at the origin of a necrophilic cult of tombs and cemeteries. - Les disciples de la religion positiviste - Annie Petit p. 75-100 En fondant la Religion de l'Humanité Comte prétendait retrouver le sens du mot religion : « relier et rallier ». Or le déploiement religieux du positivisme l'a plutôt divisé et dispersé. Après avoir rappelé les caractères principaux voulus par le fondateur, on analyse ici les difficultés de ses successeurs. Sous la direction de Pierre Laffitte qui s'applique à remplir le programme « Enseigner, conseiller, consacrer, juger », le positivisme se développe et il prend même en France certaines allures de philosophie officielle; mais les apôtres se querellent, les scissions se multiplient et le mouvement s'essouffle. Paradoxalement le positivisme se délite, se désagrège lors même qu'il s'universalise.The Disciples of the Positivist Religion
In establishing the Religion of Humanity Comte claimed to have found the meaning of the word religion : « rejoining and rallying ». And yet Positivism's religious expansion rather divided and dispersed it. After having recalled the principal characteristics intended by the founder, we examine here the difficulties of his successors. Under the direction of Pierre Laffitte who applies himself to the program, « Teach, counsel, consecrate, judge », Positivism develops and here in France even takes on a few of the looks of official philosophy. But the apostles quarrel, the rifts multiply, and the movement runs out of steam. Paradoxically, Positivism falls apart, crumbles, even as it becomes pervasive. - L'apologétique de Ferdinand Brunetière et le positivisme : un bricolage idéologique « généreux et accueillant » - Thomas Loué p. 101-126 En taxant le travail apologétique de Ferdinand Brunetière d'« accueillant et généreux», le théologien Edgar Janssens reprenait, en des termes moins dévalorisants, l'idée développée par Charles Maurras selon laquelle les constructions théoriques du directeur de la Revue des Deux Mondes étaient intellectuellement des plus fragiles. Du reste, la grande majorité des philosophes et théologiens qui évaluèrent l'apologétique de Brunetière restèrent dubitatifs devant cette tentative de convoquer la philosophie d'Auguste Comte pour la défense du catholicisme. Pourtant, Brunetière s'insérait dans un mouvement plus vaste de rapprochement de certains courants intellectuels catholiques avec le positivisme dans les années 1890-1900. Des deux aspects essentiels de cette apologétique, l'un épistémologique et l'autre sociologique, c'est le premier qui suscita pour l'essentiel les réserves des intellectuels catholiques. En effet, en pleine crise moderniste, il était difficile, comme le faisait Brunetière, de mettre en avant une théorie relativiste de la connaissance et de baser les conditions de possibilité de la science sur l'Inconnaissable de Spencer. Mais la logique de Brunetière n'était pas celle des théologiens. Sa stratégie d'occupation de l'espace public, les modalités de sa gestion des polémiques ne pouvaient s'éloigner d'un certain nombre de références communes avec ceux-là mêmes qu'il entendait combattre.The Apologetic of Ferdinand Brunetière and Positivism : a « generous and welcoming » ideological patchwork. When the theologian Edgar Janssens called Ferdinand Brunetière's work of apologetics « welcoming and generous », he was referring, in less depreciating words, to Charles Maurras' idea that the theoretical constructions of the editor of the «Revue des deux mondes» were intellectually fragile. Besides, the vast majority of philosophers and theologians who assessed Brunetière's apologetics wondered at his attempt to defend Catholicism by calling on Auguste Comte's philosophy. Yet Brunetière was part of a larger movement bringing some catholic intellectual trends closer to the positivism of the years 1890-1900. Between the two essential aspects of this apologetics, one epistemological and the other sociological, the catholic intellectuals had reservations about the former. In the middle of the modernist crisis, it was indeed difficult to put forward, as did Brunetière, a relativist theory of knowledge and to base the conditions of scientific possibility on Spencer's Unknowable. Brunetière's logic was different from that of the theologians'. His strategy of occupation of the public scene and his methods of dealing with controversies were not too far removed from those references he had in common with the very people he opposed.
- Lien social et religion positiviste chez les penseurs de la Troisième République - Laurent Fedi p. 127-151 Malgré l'évidente réticence du parti anticlérical à adopter une nouvelle religion avec un dogme et des sacrements, la promotion philosophico-politique du lien social sous la Troisième République a conduit à revisiter en théorie, sinon en pratique, quelques thèmes majeurs du positivisme religieux. Le parcours ici proposé va de la politique (Ferry, Léon Bourgeois, Jaurès, la libre-pensée) à la philosophie morale et sociale (Jean-Marie Guyau, Alfred Fouillée, Gustave Belot, Émile Boutroux) et de celle-ci à la sociologie (Durkheim) et à l'analyse de la pensée (Alain). L'usage ambigu, sélectif, des textes et des idées de Comte, mélange d'hommage et d'aversion, reflète la liberté d'interprétation qui parvient à féconder une philosophie au-delà de son cadre d'origine. L'enquête privilégie cet axe de recherche et met au jour les transactions par lesquelles s'est monnayé un héritage que l'on aurait tort de croire aujourd'hui disparu.The Social Bond and Positivist Religion among the Thinkers of the Third Republic
Despite the anticlerical party's evident reticence to adopt a new religion with a dogma and sacraments, the politico-philosophic promotion of the social bond under the Third Republic led to a re-visitation, in theory if not in practice, of a few of the main themes of religious positivism. The development proposed here proceeds from politics (Ferry, Léon, Bourgeois, Jaurès, freethinkers), to moral and social philosophy (Jean-Marie Guyau, Alfred Fouillée, Gustave Belot, Emile Boutroux), and then to sociology (Durkheim) and thought analysis (Alain). The ambiguous and selective usage of Comte's texts and ideas, a blend of homage and aversion, reflects the liberty of interpretation that permits the enrichment of a philosophy beyond its original setting. This inquiry favors this line of research and updates the means of capitalizing upon a heritage that we would be wrong to believe no longer exists.
- Auguste Comte et la religion positiviste : présentation - Michel Bourdeau p. 5-21
Bulletins
- Bulletin d'islamologie et d'études arabes - Claude Gilliot p. 151-203
- Recension des revues - p. 205-234
- Notices bibliographiques - p. 235-240