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Revue | Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques — RSPT |
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Numéro | Tome 96, no 4, 2012 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- La contemplation des philosophes selon Thomas d'Aquin - Adriano Oliva p. 585-662 Après avoir vérifié l'existence d'une « contemplation des philosophes » dans l'œuvre de Thomas, l'article se propose d'en étudier la nature et de la comparer avec celle de la « contemplation des saints », ici-bas et dans la patrie. La notion de contemplation est analysée comme acte de l'intellect spéculatif en tant qu'il est choisi au préalable par la volonté : il s'agit de la contemplation qui « devient une affaire de vie » (contemplatio accipit rationem uite), pour le chrétien comme pour « le païen et l'infidèle ». Le rôle de l'amour dans la contemplation est structurellement identique chez les philosophes et chez les saints, bien que dans le premier cas il s'agisse d'un amour naturel et dans le second d'un amour surnaturel, la charité. L'étude attentive conduite sur les textes manifeste que, selon Thomas, l'homme, pour aimer Dieu plus que soi-même et par-dessus tout, n'a pas un besoin absolu de la grâce sanctifiante, qui est nécessaire seulement pour lui faciliter l'exercice de cette capacité naturelle (Ia-IIae, q. 109, a. 3). En revanche, l'amitié entre le sage païen et Dieu ne peut se réaliser que par le don de la grâce sanctifiante. La contemplation des philosophes sert à Thomas pour expliquer l'articulation entre la philosophie et la théologie, et la notion du désir naturel de voir l'essence divine joue un rôle capital dans l'élucidation de cette articulation : l'article analyse de manière détaillée les textes de Thomas sur ce sujet, sans négliger la littérature ancienne et récente.The Contemplation of the Philosophers according to Thomas Aquinas
After verifying the existence of a “contemplation of the philosophers” in the work of Thomas, the article proposes to study it and compare it to the “contemplation of the saints”, in this life and in patria. The notion of contemplation is analyzed as an act of the speculative intellect as chosen beforehand by the will. Such contemplation “becomes a matter of life” (contemplatio accipit rationem uite), for the Christian as well as for “the pagan and the infidel”. For philosophers and saints alike, the role of love in contemplation is structurally identical, though for the former it is a matter of natural love, whereas for the latter it is a matter of supernatural love, charity. Attentive study of the texts shows that, according to Thomas, to love God more than oneself and above all else, man does not have an absolute need for sanctifying grace, which is necessary only for facilitating the exercise of this natural capacity (Ia-IIae, q. 109, a. 3). On the other hand, friendship between the wise pagan and God can only be realized by the gift of sanctifying grace. Thomas makes use of the philosophers' contemplation to explain the relation between philosophy and theology. In the elucidation of this relation, the notion of natural desire for seeing the divine essence plays a crucial role. The article engages in a detailed analysis of Thomas' texts on the subject, without neglecting classical and recent literature. - Découverte et colonisation françaises de la philosophie médiévale (1730-1850) - Catherine König-Pralong p. 663-701 André-François Boureau-Deslandes (1737), Joseph-Marie Degérando (1804, 1822-1823) et Victor Cousin (dès 1828) ont produit les trois premières reconstructions de la philosophie médiévale dans le contexte de l'historiographie française sécularisée. Au temps des Lumières, l'entreprise de Boureau-Deslandes se caractérise par une approche critique et par une orientation anticléricale. La diachronie réalise chez lui la dimension ethnologique de l'étude de l'« esprit humain ». À cet exotisme qui dépeint la scolastique médiévale sous les traits d'une sauvagerie barbare succède l'exotisme euphorique de Joseph-Marie Degérando. La première scolastique médiévale, dès le XVIIe siècle, y représente un état léthargique de la « civilisation », que le « mélange des peuples » régénère dès le XIe siècle. Enfin, avec Victor Cousin, le Moyen Âge devient « moderne » et français. Le régime de l'exotisme fait place à celui de la colonisation du passé. Deux objets historiographiques sont particulièrement importants dans ce lent processus qui voit la philosophie médiévale entrer dans l'histoire française de la philosophie : les « Arabes » et Abélard. Les Arabes sont l'autre de la scolastique latine ou « européenne ». À l'opposé, Abélard est le cœur d'un Moyen Âge « français » que l'historiographie philosophique invente dès le début du XIXe siècle, avec l'avènement des cultures et des identités nationales. Cette histoire est aussi celle d'une institutionnalisation progressive. Si Deslandes s'adressait à la société cultivée de son temps, Cousin réalise un programme de politique culturelle pour l'université française. Cette migration de contextes socio-institutionnels s'accompagne d'importantes reconfigurations des procédures historiographiques.French discovery and colonisation of medieval philosophy (1730-1850)André-François Boureau-Deslandes (1737), Joseph-Marie Degérando (1804, 1822-1823) and Victor Cousin (1828 onward) have produced the three first reconstructions of medieval philosophy within the context of French secularized historiography. During the Enlightenment, Boureau-Deslandes' endeavour distinguished itself through its critical approach and anti-clerical bent. Diachronism provides the ethnological dimension to the study of the “human spirit”. The exoticism that cloaks medieval scholastics in wild barbarian garb is followed by Joseph-Marie Degérando's euphoric exoticism. The first form of medieval scholasticism, dating back to the VIIth c., portrays “civilisation”'s lethargic state revived by the mingling of peoples in the XIth c. Finally, with Victor Cousin, the Middle Ages become French and “modern”. The exotic trend gives way to the colonisation of the past. Two historiographical elements are of crucial importance within the slow induction of medieval philosophy into French history of philosophy : The Arabs and Abelard. The Arabs are the “other” to Latin or European scholasticism. Abelard is quite the opposite : he is the very heart of the French Middle Ages invented by philosophical historiography at the beginning of the XIXth c. as national cultures and identities rose to prominence. This also traces the history of progressive institutionalisation. If Deslandes concerned himself with the high-brow society of his time, Cousin formulated a political and cultural programme for the French University. Significant reconfigurations of historiographical procedures accompany this migration of socio-institutional contexts.
- La cabale au service du christianisme au XIXe siècle : Le chevalier Drach et le Père Perrone - Jérôme Rousse-Lacordaire p. 703-749 Converti du judaïsme au catholicisme en 1823, Drach s'expliqua de sa conversion dans plusieurs ouvrages où il recourait volontiers à la cabale pour étayer son apologétique catholique traditionaliste. D'autres, pour partie à sa suite, firent de même, comme E. Boré, J.-S. Devoucoux, J.-E. de Mirville ou Jean de Pauly. Ce fut surtout l'influent théologien jésuite G. Perrone, du Collège romain, qui, à partir de 1835 et surtout en 1870, s'appuya sur les développements cabalistiques de Drach pour les mettre au service de sa démonstration de la messianité et de la divinité du Christ, en intégrant la cabale dans un ensemble d'autorités assez diverses. Après lui, le recours apologétique à la cabale disparut largement, notamment du fait du développement de l'antijudaïsme catholique, de la récupération de la cabale par l'occultisme, de la marginalisation du traditionalisme catholique et des nouvelles orientations de la théologie et de l'apologétique.Kabbalah serving Catholicism in the XIXth century
Converted from Judaism to Catholicism in 1823, Drach explains his conversion in several works in which he draws upon the Kabbalah to develop his traditionalistic catholic apologetic. Others, such as E. Boré, J.-S. Devoucoux, J.-E. de Mirville and Jean de Pauly, followed his example, but it was especially the influential Jesuit theologian G. Perrone who, already in 1835 but particularly in 1870, appealed to Drach's kabbalistic developments in order to demonstrate Christ's messiahship and divinity by setting the Kabbalah alongside wide-ranging authorities. After him, the apologetic appeal to the Kabbalah disappeared mainly because of the rise of antijudaistic Catholicism, the hijacking of the Kabbalah by occult sciences, the marginalisation of catholic traditionalism and the new directions theology and apologetics were taking.
- La contemplation des philosophes selon Thomas d'Aquin - Adriano Oliva p. 585-662
Bulletin
- Bulletin d'histoire des doctrines médiévales - Marta Borgo, Iacopo Costa, Ruedi Imbach, Marc Millais, Adriano Oliva p. 751-793