Contenu du sommaire : Les langues autochtones dans la cité

Revue Droit et cultures Mir@bel
Numéro no 72, septembre 2016
Titre du numéro Les langues autochtones dans la cité
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation - Daphné L. Romy-Masliah, Michael Hornsby p. 11-16 accès libre
  • Partie I : Autochtones, indigènes et minorités en droit

    • Les concepts d'autochtone (indigenous) et de minorité (minority) - Charles de Lespinay p. 19-42 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Si l'on peut constater que l'autochtone est « le membre d'une population installée sur un territoire donné avant tous les autres, qui a établi des relations particulières, anciennes et toujours actuelles avec ce territoire et son environnement, et qui a des coutumes et une culture qui lui sont propres », il est surtout considéré comme membre d'une population dominée à qui il faudrait rendre justice pour le mal qu'elle a subi. En tant que « dominé », l'autochtone s'apparente au membre d'une minorité, elle aussi dominée, et la différence entre les deux concepts n'est pas toujours évidente, entre l'autochtone minoritaire et le minoritaire non autochtone dont les cultures et les biens sont mis à mal par un pouvoir dominant qui est plus récent dans la trame historique. On verra que les termes utilisés pour traduire en droit ces concepts ont leur importance car ils sont parfois impossibles à transposer d'une langue à une autre. En ce qui concerne la France, ancien État conquérant, il s'agit de ne pas reconnaître de torts à l'égard des populations assujetties ni de droits à leur profit. Au contraire, et fort « généreusement », il s'agit de faire entrer ces populations dans la civilisation moderne, en les intégrant dans la culture majoritaire de l'État et en les obligeant à en parler la langue, seule autorisée sur le territoire. Il est en effet interdit de porter atteinte à l'unicité du peuple français et tout texte international reconnaissant des droits collectifs ou individuels à des autochtones et des minorités est considéré comme contraire à la Constitution de la République française, cependant « patrie des droits de l'homme ». À travers le parcours rapide de quelques textes internationaux, la singularité française se révèle mais n'est pas si éloignée que cela des positions restrictives de beaucoup de droits nationaux, du fait des enjeux politiques importants soulevés par ces deux concepts volontairement mal définis en droit et qui peuvent faire craindre une remise en cause des souverainetés nationales et de l'unité des États.
      The Concepts of Indigenous and Minority If the definition of the indigenous as «the member of a population settled on a given territory before the others and which has established specific ancient yet still valid relationships with this territory and its environment, with traditions and a culture of its own », he is above all considered as the member of a dominated population still in need of justice for the damage it underwent. As a «dominated» population, the indigenous share a lot with members of a minority equally dominated and the difference between both concepts – that of a minoritized indigenous population and a non-indigenous minority whose cultures and goods were damaged by a dominating power which is historically more recent, is not always obvious. We shall verify that the terms used to translate into law these concepts are considerable when they are not impossible to translate from one language into the other.   In the case of France, former colonial state, the question lies in how not to admit wrongs inflicted to subjected populations nor to provide them with any specific rights they could enjoy. On the contrary, these populations are very «generously» invited to enter the modern civilization as integral part of the State's majority culture and forced to adopt its language, the only one authorized throughout its territory.  Indeed, it is forbidden to violate the unicity of the French People and any international text which recognizes collective or individual rights to indigenous or minority populations is considered contrary to the Constitution of the French Republic, aka «homeland of human rights». However, after a brief review of some international texts, the French singularity reveals a similarity with the restrictive positions of many national laws, given the important political stakes underpinning these two voluntarily ill-defined concepts from a legal point of view and which might threaten to constitute a path towards the reconsideration of national sovereignties and the States' unity.
    • Autochtonie(s) et sociétés contemporaines. La diversité culturelle, entre division et cohésion sociale1 - Nadia Belaidi, Frank Alvarez-Pereyre, Jean-Dominique Wahiche, Hélène Artaud p. 43-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Si l'approche historique permet de comprendre que, derrière le substantif autochtone qui désigne communément « celui qui habite en son lieu d'origine », des réalités bien différentes ont existé au cours des temps, de nos jours, la notion n'est que partiellement utilisable dans la mesure où la situation des autochtones d'Amérique et d'Océanie est très différente de celle des autochtones en Afrique et en Asie. L'ethnologie et la sociologie, ou encore la science politique nous éclairent à ce sujet. L'apparition et l'évolution du terme autochtone en droit peuvent aussi être un indicateur du regard qu'a le pouvoir dominant sur des populations considérées comme marginales et de la place qui leur est accordée dans une société. Il peut en découler un droit potentiel à des institutions propres, à une éducation suivant les traditions du groupe qui accorde à l'autochtone le droit à la différence. Être reconnu comme autochtone donne alors accès à des traitements particuliers et même à de nouvelles sources de financements. Si à un niveau local, ce processus favorise des formes d'appropriations nouvelles de la mémoire collective et de la tradition, à un niveau plus global il stimule l'émergence de catégories et segmentations sociales associées à des droits spécifiques, souvent exclusifs, voire peu compatibles avec l'idée d'État. Pourtant, loin de se réduire à cette seule intention, une telle diversité culturelle peut aussi être un apport considérable à l'organisation de la Cité. Les cosmovisions et l'organisation sociale qu'elles suggèrent sont un support qui conduit à envisager un lien social qui pourrait être (ré)activé en repensant le lien Nature/Culture.
      If historical approach which enables us to understand that behind the substantive indigenous which commonly refers to «the people who live on their place of origin», very different realities have existed throughout the time, nowadays, this notion is only partially valid since the situation of Indigenous people in America and Oceania is quite different from those in Africa or Asia. Ethnography and sociology and even political science cast a different light on this topic. The apparition and evolution of the term «indigenous» in law can also be an indication of the way the dominating power has looked upon populations considered as marginal and the place which is attributed to them in a given society. This could result in a potential right to specific institutions, to an education following the tradition of the group which provides the indigenous with a right to be different. The formal recognition of the indigenous statute thus gives access to a specific treatment and even to new sources of funding. If such a process, at a local level, can encourage new forms of appropriation of the collective memory and tradition, at a more global level, it stimulates the emergence of categories and social partitions associated with specific and more often than not exclusive rights which may have little to do with the notion of a State. However, far from reducing itself to the latter, such a cultural diversity can also constitute a major input to the organisation of the social and political life. The Cosmo visions and the social organisation which they suggest sustain the perspective of a social link which could be (re)activated while rethinking the Nature/Culture relationship.
  • Partie II : Autochtonie et modernité dans la ville

    • Anishinaabemowin Oodenang. Préservation et revitalisation d'une langue citadine autochtone - Brock Pitawanakwat p. 79-108 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le présent article explore les motivations, méthodes et la concertation d'un peuple autochtone, celui des Anishinaabeg (également connus sous les dénominations d'Ojibway, Saulteaux, ou Chippewa), dans leur effort de préserver et revitaliser leur langue ancestrale dans des zones urbaine du Canada. Pourquoi ces citadins ont-ils choisi cette démarche de conservation et de revitalisation de l'Anishinaabemowin (la langue Anishinaabeg) dans un contexte qui exerce une énorme pression d'assimilation sur les non anglophones ? À quelles méthodes les Anishinaabeg des villes ont-ils recours pour continuer à parler leur langue ? À travers son expérience et ses entretiens avec d'autres activistes de la langue Anishinaabeg, l'auteur se livre à une enquête sur les motivations des Anishinaabeg en milieu urbain et sur les efforts pédagogiques pour redonner un souffle à l'Anishinaabemowin par le biais de réseaux des activistes de la langue Anishinaabeg, enseignants et étudiants. Enfin, cet article se prend à imaginer le futur de la langue Anishinaabeg préservée et revitalisée à partir de l'expérience des Kanaka Maoli (autochtones Hawaiiens), du recensement international fondé par la Déclaration de l'ONU sur les Peuples Autochtones et sur les « Appels à l'Action » en faveur de la revitalisation des langues autochtones en milieu urbain.
      This article explores the motivations, methods, and coordination of one Indigenous peuple, the Anishinaabeg (also known as Ojibway, Saulteaux, or Chippewa), as they strive to maintain and revitalize their ancestral language in Canadian urban areas. Why are urban residents choosing to maintain and revitalize Anishinaabemowin (the Anishinaabe language) in an environment that places enormous assimilative pressure on non-anglophones? What methods are urban Anishinaabeg using to continue speaking their language? The author's experience and interviews with other Anishinaabeg language activists inform an investigation of urban Anishinaabe motivations and pedagogies for revitalizing Anishinaabemowin through networks of Anishinaabe language activists, learners, and teachers. Finally, this article imagines the future of Anishinaabe language maintenance and revitalization by drawing on the successes of the Kanaka Maoli (Indigenous Hawaiians), the international consensus established by the United Nations Declaration on the Rights of Indigenous Peuples, and Canada's own Truth and Reconciliation Commission's “Calls to Action” for a vision of urban Indigenous language revitalization.
    • Les relations hiérarchiques entre femmes dans le sud des Andes* - Margarita Huayhua p. 109-126 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans la Cordillère des Andes, un grand nombre de personnes parlent des langues autochtones telles que le quechua (95% de la population rurale des hautes terres du Sud du Pérou). Dans ce contexte, lorsque le gouvernement et les responsables d'ONG parlent quechua, on considère que leur communication en sera facilitée avec les locuteurs dont le quechua est la première langue. Je me suis fondée sur les interactions entre les fonctionnaires du gouvernement et les villageoises d'une communauté du sud du Pérou pour affirmer que même lorsque ces fonctionnaires ou employés d'ONG parlent le quechua en langue seconde, la manière dont ils s'expriment dans cette langue renforce le sentiment de hiérarchie entre eux et les femmes dont le quechua est la première langue. En d'autres termes, les locuteurs bilingues, – femmes et hommes – perpétuent des formes de domination qui enferment les personnes dont la langue première est le quechua non seulement lorsqu'ils parlent espagnol mais également lorsqu'ils s'expriment en quechua. Ces formes de domination reproduisent le stéréotype des locuteurs de quechua en tant que personnes au comportement déviant dépourvues d'éthique sociale ainsi que des pré-requis pour mener une vie « moderne » ou « civilisée ». Ces formes de domination peuvent être perçues dans certains cas ou ne pas passer le seuil de l'entendement des participants, qu'ils soient monolingues ou bilingues. En bref, pour les employés du gouvernement ou des ONG, le fait de parler quechua en langue seconde ne réduit en rien la reproduction de stéréotypes de hiérarchie dans le contexte rural, car il est un produit de l'interaction en dépit des meilleures intentions (conscientes) de toutes les personnes concernées et des droits constitutionnels relatifs aux langues autochtones. Je tire des exemples d'interactions sociales dans les transports publics (un service dit combi), d'une étude en clinique et dans le cadre de foyers parlant quechua.
      In the Andes large numbers of people speak indigenous languages such as Quechua, spoken by approximately 95% of the rural population of the southern Peruvian highlands. In this context, when government and NGO officials speak Quechua it is assumed that their communication with first-language speakers of Quechua will improve. Drawing on interactions between government employees and village women in a community in southern Peru, I suggest that even when government and NGO employees speak Quechua as a second language, the way they use their language reinforces hierarchies between them and women who speak Quechua as a first language. In other words, bilingual speakers–women and men–perpetuate forms of domination that typecast Quechua-speaking people not only in Spanish, but also in Quechua. These forms of domination reproduce the stereotype of Quechua speakers as deviant, as people who lack social judgment, and who do not have the social requisites to live a «modern» or «civilized» life. These forms of domination can be conveyed above or below the threshold of awareness of the participants, regardless of whether they are bilingual or monolingual. To put it briefly, for government or NGO employees to speak Quechua as a second language does not in itself reduce the production of hierarchy in rural settings, because it is produced interactionally apart from the best (conscious) intentions of all concerned and the Constitutional rights to aboriginal languages. I draw examples from social interaction in public transportation (a combi service), a clinical setting, and Quechua-speaking households.
    • Visibilité et revitalisation des langues autochtones latino-américaines : production d'un paysage linguistique - Miryam Yataco, Lorena Córdova Hernández p. 127-154 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La majorité des langues autochtones dans le monde se trouve en situation de danger manifeste. En Amérique latine, la présence tant publique que privée de celles-ci dans la vie de tous les jours de ses locuteurs commence à se raréfier. Il ne fait aucun doute qu'il existe de nombreuses manifestations visuelles et artistiques qui prouvent un certain niveau de résistance et de revitalisation sociolinguistique de groupes sociaux variés – que ce soit dans le contexte de migrations urbaines ou dans leurs lieux d'origine, dont les modifications en matière de pratiques socioculturelles tendent à être semi-urbaines – à partir de l'usage public de ces langues. De plus, dans certains pays, on constate une utilisation plus constante de l'usage officiel des langues autochtones dans les espaces publics en application des politiques et de la planification linguistique. Le présent article se veut une réflexion sur l'émergence et la production d'un paysage linguistique dans quelques langues autochtones latino-américaines dont l'usage dans les espaces publics motive sa visibilité et/ou sa revitalisation. Notre objectif principal est de démontrer comment l'utilisation écrite des langues autochtones dans l'espace publique ou dans des espaces institutionnels constitue en partie une nouvelle stratégie d'alphabétisation, d'appropriation socio-territoriale et de normalisation fonctionnelle dans les contextes péruvien et mexicain où leur usage a été stigmatisé et minorisé en faveur de langues à plus haut prestige social.
      The majority of indigenous languages throughout the world are in a situation of serious endangerement. In Latin America, their presence, whether public or private in the daily life of its speakers tend to become rare. There is no doubt however that there exist a large number of visual and artistic manifestations which prove a certain degree of resistance of sociolinguistic revitalizations of various social group – whether in the context of urban migrations or on their places of origin, in which case the modifications in sociocultural practices tend to become semi-urban- based on the public use of such languages. Furthermore, in some countries, we can acknowledge a more constant use in official functions of indigenous languages in the public spaces in conformity with the language policies and planning. This paper focuses on a reflexion regarding the emergence and the production of a linguistic landscape and signposting in some Latin American indigenous languages, the use of which sustains its visibility and/or revitalization. Our main purpose is to demonstrate how the written use of indigenous languages in the public space or in institutional spaces constitutes partly a new strategy of literacy, of socio-territorial ownership and of functional normalization within Peruvian and Mexican environments where they used to be stigmatized and minorized in favor of language with a higher social prestige.
    • Langues africaines dans un contexte urbain : la situation du continent et le cas du Sénégal et de la Tanzanie - Viola Krebs, Namory Diakhaté, Kemi Tibaijuka p. 155-171 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La langue est un moyen de communication, mais aussi l'un des éléments essentiels de l'identité individuelle, collective et nationale des locuteurs qui la parlent. Si plusieurs langues sont présentes sur un même territoire, leurs locuteurs vont les utiliser de manière dynamique en fonction des interlocuteurs à qui ils s'adressent. Puis, lorsqu'il y a des luttes de pouvoir, ces dernières passent souvent par l'affirmation ou au contraire la marginalisation de langues par les forces en place. La meilleure manière de promouvoir une langue ou au contraire de l'éliminer se fait au niveau officiel, par exemple si une langue est obligatoire pour l'enseignement, des échanges administratifs ou encore la recherche d'un emploi. Lorsque des changements importants modifient le statut d'une langue ou sa présence sur un territoire particulier, la place qu'elle occupe dans la société elle aussi évolue. Ces changements sont le plus perceptibles et rapides au moment de changements sociopolitiques importants, suite à la déclaration d'indépendance d'un pays ou encore au moment d'importants flux migratoires. À cela s'ajoute le fait qu'avec la mondialisation et l'introduction des technologies de l'information et de la communication (TIC), des changements importants et rapides sont en cours par rapport au choix et à l'utilisation des langues. L'Afrique est un cas particulièrement intéressant quant à ces dynamiques sociolinguistiques et linguistiques, car elle est le berceau d'un tiers des langues parlées sur notre planète, mais très peu d'entre elles sont reconnues comme langues officielles par les pouvoirs en place. Comment expliquer cela ? Quelles sont les langues reconnues officiellement et pourquoi ? Qu'en est-il de ce qu'on appelle aujourd'hui l'Afrique francophone, anglophone, lusophone et arabophone ? Pour répondre à ces questions, nous allons brièvement passer en revue la situation linguistique de l'Afrique, avec quelques exemples, puis nous intéresser plus particulièrement à la situation des zones périurbaines et urbaines du Sénégal et de Tanzanie. Quelles sont les langues parlées dans ces zones et par qui ? Est-il possible d'observer des changements récents quant à l'utilisation des langues africaines ? Telles sont les questions auxquelles nous tâcherons de répondre.
      Language is a means of communication but it also constitutes an essential element for the individual, collective and national identity of the people who speak it. If multiple languages are present on the same territory, their speakers will use them in a dynamic fashion, depending on whom they are communicating with. Whenever there are power struggles, these are often connected to the promotion or on the contrary the marginalization of languages by the powers in place. The best way to promote a language is by recognizing it at the official level, for example as a compulsory language for teaching, administrative exchanges or for job requirements. However, once significant changes alter the status of a language or its presence in a particular territory, its place in society also evolves. These changes are most noticeable and rapid as a result of major socio-political changes, for example following the declaration of independence of a country or the influx of large numbers of migrants. Furthermore, with globalization and the introduction of information and communications technologies (ICTs), major and rapid changes are underway in relation to the choice and the use of languages. Africa is a particularly interesting case with regards to sociolinguistics and linguistic dynamics, because it is home to one third of all languages spoken on our planet, yet very few of them are recognized as official languages by the governments in place. How to explain this? What languages are officially recognized and why? What about the so-called French-speaking, English-speaking, Portuguese-speaking and Arabic-speaking Africa? To answer these questions, we will briefly review the linguistic situation of Africa, with a few examples, and then particularly focus on the periurban and urban areas of Senegal and Tanzania. What are the languages spoken in these areas and by whom? Is it possible to observe recent changes in the use of African languages? These are the questions we will try to answer.
  • Partie III : Minorités et autochtonie en Europe

    • Protection des minorités ou promotion du plurilinguisme ? - Claudine Brohy, Doris Schüpbach p. 181-226 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Toutes les villes du monde sont multilingues, étant donné que le plurilinguisme individuel et sociétal est plutôt la norme que l'exception. Par contre, les villes qui jouissent d'un statut multilingue officiel sont plutôt rares. Dans cette contribution, nous allons nous concentrer sur deux villes bilingues suisses, Biel/Bienne and Fribourg/ Freiburg. Nous nous concentrons en particulier sur le contexte institutionnel, c'est-à-dire le bilinguisme et la politique locale, l'administration publique et l'enseignement, en soulevant les questions suivantes : Comment le bilinguisme s'est-il développé ? Quel est son statut dans la législation et comment est-il mis en œuvre ? Quel est le recoupement entre le discours officiel et le discours privé sur le bilinguisme ? Dans quelle mesure le paysage linguistique reflète-t-il la répartition démographique, le discours et la législation ? Nos données proviennent de l'analyse de documents officiels et privés, de l'affichage municipal et commercial, ainsi que de l'analyse ethnographique. La recherche comparative montre que si l'on peut dégager quelques conclusions générales, chaque municipalité bilingue représente une niche linguistique unique qui est façonnée par l'histoire, la culture et les individus.
      All cities of the world are multilingual, individual and social multilingualism being the norm rather the exception. However, cities with an officially multilingual status are scarce. In this contribution, we concentrate on two bilingual cities (French and German) in Switzerland, Biel/Bienne and Fribourg/Freiburg. We focus on the institutional level, i.e. on bilingualism in local politics, public administration, and education, and address the following questions: How did official bilingualism develop? How is it legislated and implemented? How far do official and private discourses of bilingualism map? To what extent does the linguistic landscape mirror demography, discourse and legislation? Methods combine the analysis of official and private documents, of municipal and commercial signage, and ethnographic analysis. The comparative perspective shows that although some general conclusions can be drawn, each bilingual city represents a unique linguistic niche shaped by history, culture and individuals.
    • Du shtetl à la ville : à la recherche d'un yiddish (presque) perdu - Michael Hornsby accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le yiddish était parlé dans la Pologne d'avant-guerre par près de 3 millions de locuteurs et, non contente d'être la langue quotidienne vernaculaire de la majorité des juifs polonais, était une langue florissante tant sur le plan littéraire et théâtral que dans le cinéma et la politique. Aujourd'hui, quelques locuteurs natifs du dialecte polonais du yiddish subsistent en Pologne mais on les trouve plus sûrement dans les centres de la culture juive dans le monde tels que Londres ou New York. Le statut du yiddish en tant que langue menacée dans le monde est attesté  et de minutieuses tentatives d'en établir les caractéristiques preuves à l'appui ont déjà été entreprises (en particulier par Jacobs 2005). Cependant, la variété polonaise du yiddish, en dépit de sa supériorité numérique d'avant-guerre, fait face à un danger encore accru par la tentative de revitalisation de cette langue qui s'appuie sur la notion de « standardisation linguistique ». Aussi illogique que cela puisse paraître, c'est la forme nordique de cette langue (le yiddish lituanien et letton) qui a servi de base au yiddish standardisé par l'Institut YIVO pour la recherche juive de New York (et ce, malgré un nombre inférieur de locuteurs) et qui est à présent utilisée comme langue standard dans les manuels et les cours d'été dans le monde. Il en résulte que les descendants des survivants de l'holocauste qui souhaitent rester exposés à leur patrimoine polonais par le biais du yiddish doivent le faire à travers des caractéristiques phonologiques et lexicales non polonaises, ce qui vient contrecarrer leurs tentatives de se rapprocher de cette langue.
      Yiddish was spoken in pre-war Poland by just under 3 million people and thrived as a literary, theatrical, cinematic and political language in addition to being the daily vernacular of the majority of Polish Jewry. Today, a few native speakers of the Polish dialect of Yiddish remain in Poland but are more likely to be found in centres of Jewish culture around the world, such as London or New York. The status of Yiddish as an endangered language worldwide is well establishedi and thorough attempts to document its characteristics have already been carried out (e.g. Jacobs 2005). However, the Polish dialect of Yiddish, despite its pre-war numerical superiority, faces even greater endangerment in the face of a drive to revitalize the language based on the notion of ‘standard' language. Illogically, the Northern form of Yiddish (Latvian and Lithuanian Yiddish) was used for the basis of standard Yiddish by the YIVO Institute for Jewish Research, New York (despite having fewer speakers) and this is the form used in textbooks and summer schools around the world to teach the language. As a result, descendants of holocaust survivors who wish to connect with their Polish inheritance via the Yiddish language are exposed to non-Polish Yiddish phonological and lexical features, which can alienate them in their attempts to reconnect to the language.
  • Lectures : notes et comptes rendus