Contenu du sommaire : Le monde selon l'Unesco

Revue Gradhiva : revue d'anthropologie et de muséologie Mir@bel
Numéro no 18, 2013
Titre du numéro Le monde selon l'Unesco
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction. Le monde selon l'Unesco - David Berliner, Chiara Bortolotto p. 4-21 accès libre
  • Comment le patrimoine mondial de l'Unesco devient immatériel - Christoph Brumann, Camille Joseph p. 22-49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La Convention du patrimoine mondial de l'Unesco, qui constitue aujourd'hui le système de conservation du patrimoine le plus influent au niveau international, accorde une place croissante aux aspects immatériels. À côté des sites associés à des idées, des événements (tragiques) et des personnages célèbres, la nouvelle catégorie des paysages culturels permet d'inclure des sites spirituels importants pour les peuples indigènes. En outre, la réévaluation des critères d'authenticité a entraîné la réhabilitation des projets de reconstruction. De la même manière, les biens en série, qui sont de plus en plus populaires, reposent eux aussi sur des « idées » et non sur la matérialité de chaque site. Cependant, cette réorientation n'est que partielle : l'impulsion continue de venir des États-nations, toujours aussi avides d'inscrire des sites sur la liste du patrimoine mondial.
    Cultivating elusiveness: the intangibilisation of UNESCO World Heritage
    The most influential international system for heritage conservation, the UNESCO World Heritage Convention of 1972, is increasingly turning to intangible aspects. In addition to the association of sites with ideas, (tragic) events, and famous personalities, which has grown in importance, the new category of cultural landscapes also accommodates sites of indigenous spirituality. Revised standards of authenticity have led to a reconsideration of reconstructions, and the increasingly popular serial properties too rest on ideas rather than the materiality of individual sites. This policy shift has only limited consistency, however, and the nation-states' hunger for ever more World Heritage inscriptions appears to be the driving force.
  • L'Unesco comme arène de traduction. La fabrique globale du patrimoine immatériel - Chiara Bortolotto p. 50-73 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article explore la fabrique globale du patrimoine immatériel en suivant la circulation de cette notion des échelles nationales aux arènes internationales de gouvernance, et vice versa. L'article présente d'abord le transfert de la catégorie patrimoniale japonaise du mukei bunkazai au niveau international, répondant en miroir à l'institution, grâce à l'Exposition universelle de 1873, de la notion européenne de beaux-arts au Japon. Puis sont abordées les adaptations du standard international du patrimoine culturel immatériel aux régimes patrimoniaux italiens et français. En retraçant les controverses, frictions et ajustements que suscitent ces traductions, nous voyons comment, malgré les efforts de normalisation prévus par une convention internationale, celle-ci n'échappe pas à la diversité culturelle inhérente à sa fabrication et à ses déclinaisons nationales.
    Unesco as a translation arena: the global production of the intangible heritage
    This study, based on the ethnographic observation of UNESCO and the Italian and French institutions responsible for implementing the International Convention for the Safeguarding of the Intangible Cultural Heritage, explores the global production of the intangible heritage by following the way the idea circulates from a national scale to the international arenas of governance, and vice-versa. The article starts by presenting the manner in which the Japanese cultural heritage category, mukei bunkazai, was transferred to the international level, mirroring the introduction in Japan of the European notion of the fine arts in through the Universal Exhibition of 1873. It then discusses the adaptations of the international cultural heritage standard to the Italian and French property regimes. In retracing the controversies, frictions and adjustments raised by these translations, we show how, despite the efforts of standardization provided for by in an international convention, the latter cannot break free of the cultural diversity inherent in their production and national versions.
  • L'Unesco et le culturellement correct - Bjarke Nielsen, Frédéric Eugène Illouz p. 74-97 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    On a beaucoup débattu sur la politique de la culture, mais la façon dont s'articulent bureaucratiquement les représentations spécifiques de cette dernière n'a guère retenu l'attention. Cet article, issu d'un travail ethnographique de terrain, présente un double point de vue sur la bureaucratie. D'une part, il étudie les conséquences de celle-ci au sein de l'Unesco, qui met en avant une perspective inclusive de la culture pour « nous les peuples des Nations unies », avec toutefois des limites à la tolérance dans cette idéologie. D'autre part, il se penche sur l'adaptation à la bureaucratie d'un point de vue social et pragmatique ainsi que sur les mots clés de l'Unesco dotés d'autorité institutionnelle dans la pratique quotidienne.
    Unesco and the “right” kind of culture: the bureaucratic articulation of institutionalized keywords. There has been much debate on the politics of culture, but the bureaucratic articulation of specific representations of culture has not received much attention. Drawing on ethnographic fieldwork, this article presents a double take on bureaucracy. On the one hand, we focus on the outcome of UNESCO's bureaucracy: UNESCO promotes an all-inclusive culture perspective for “We the Peoples of the United Nations”, but there are limits to tolerance in this culture ideology. On the other hand, we focus on the social and pragmatic adaptation to the bureaucratic field and towards UNESCO's keywords, as they are embedded with institutional authority in everyday practice.
  • Le secret exposé. Révélation et reconnaissance d'un patrimoine immatériel au Sénégal - Ferdinand De jong, Camille Joseph p. 98-123 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    En 2005, la cérémonie du kankurang et les rites d'initiation mandingues sont proclamés chefs-d'œuvre du patrimoine oral et immatériel par l'Unesco. Il s'agit ici d'analyser la façon dont la patrimonialisation de la cérémonie a progressivement conduit à sa marchandisation. Cet article, qui rejette l'idée d'une culture « originale », s'inscrit dans les réflexions actuelles sur la marchandisation du patrimoine selon lesquelles culture et marchandise ne s'opposent pas mais sont au contraire mutuellement constitutives l'une de l'autre. Selon ce point de vue, on considère que l'objectification du patrimoine, loin de freiner le changement culturel, y participe pleinement. En se focalisant sur la façon dont la cérémonie est objectifiée par le regard des spectateurs, l'article montre que les participants à la cérémonie eux-mêmes ont adopté un autre régime visuel afin d'obtenir la reconnaissance de leur art. Cette étude de cas espère remettre en question des lectures trop pessimistes de la marchandisation qui présupposent que toute transformation culturelle ne peut aboutir qu'à la perte.
    The secret exposed: revelation and recognition of intangible heritage in Senegal
    In 2005 UNESCO declared The Kankurang Masquerade and the Mandinko Initiation Ritual World Heritage. In this article, we examine how the patrimonialisation of this masquerade has resulted in its increased commodification. Rejecting the idea of an “original” culture, this article seeks to contribute to current debates on the commodification of heritage which do not oppose culture to commodity but sees them as mutually constitutive. In this context the objectification of heritage is not presented as detrimental to cultural change, but seen as constitutive of it. Focussing on the objectification of the masquerade through the gaze, the article demonstrates that the masqueraders themselves have adopted another scopic regime to seek recognition for their art. With this case study we hope to challenge overly pessimistic readings of objectification that seem to be premised on the idea that the cultural transformation only leads to loss.
  • Les hyper-lieux du patrimoine mondial - David Berliner, Manon Istasse p. 124-145 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    En comparant les centres historiques de Luang Prabang au Laos et de Fès au Maroc, il s'agit de dégager, par-delà leurs particularités, les similarités entre ces deux sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité. Dès lors que l'Unesco est entrée en jeu, ces scènes patrimoniales se sont complexifiées. Tourisme, relecture de l'histoire, repeuplement, gentrification, spéculations économiques, sentiment de dépossession vécu par les habitants, mais aussi rivalités politiques : la patrimonialisation internationale engendre de nouveaux conflits et enjeux pour les résidents de ces hyper-lieux.
    The World Heritage hyper-sites
    By comparing the historic center of Luang Prabang in Laos with that of Fès in Morocco, we are seeking to elucidate, beyond their own particular specificities, the similarities between these two sites on the World Heritage list. As soon as UNESCO came into play, the landscape of these two heritage sites became increasingly complex. Not only tourism, a rereading of history, repopulation, gentrification, financial speculation, the feeling of dispossession experienced by the inhabitants, but also political rivalries: making the World Heritage list gives rise to new conflicts and new challenges for the residents of these hyper-sites.
  • Comment parvenir à un consensus. De la Commission sur la culture et le développement à la Convention de 2003 - Frédéric Eugène Illouz, Lourdes Arizpe p. 146-165 accès libre
  • Études et essais

    • Le musée comme lieu d'administration de la preuve. Genèse et destin de deux collections du xixe siècle - Sophie A. De Beaune p. 166-199 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Augustus Lane Fox Pitt-Rivers (1827-1900) et Édouard Piette (1827-1906) firent tous deux don de leur collection à un musée en assortissant leur donation de conditions strictes comparables, en particulier quant à la présentation des objets. Ceci parce que, dans les deux cas, ils considéraient leurs collections comme des outils de démonstration de leurs théories scientifiques. À partir de l'analyse des formes des objets de sa collection ethnographique, Pitt-Rivers a proposé une véritable philosophie du progrès, les formes et les opérations mentales dont elles résultent obéissant aux mêmes lois de l'évolution que celles des organismes vivants. Géologue puis préhistorien, Piette avait pour ambition majeure d'établir une synthèse chronologique de la préhistoire à partir de la juxtaposition des assemblages industriels. Cet article examine ces théories, la façon dont leur mise en scène muséographique fut conçue et ce qu'il en reste aujourd'hui.
      Museums as a place to produce evidence: the origin and destiny of two 19th century collections
      Augustus Lane Fox Pitt-Rivers (1827-1900) and Édouard Piette (1827-1906) both donated their collections to a museum, submitting their donations to the same strict conditions, in particular concerning the presentation of the objects. They did so because, in both cases, they considered their collections as demonstration tools for their scientific theories. Based on an analysis of the shapes of the objects in his ethnographic collection, Pitt-Rivers proposed a real philosophy of progress: the mental calculations and the shapes that resulted follow the same laws of evolution as those of living organisms. The main goal of geologist and pre-historian Édouard Piette was to establish a chronological synthesis of prehistory based on the juxtaposition of industrial assemblies. We examine these theories, the way the museum displays were conceived and what remains today.
    • Archéologie et ventriloquie. Jeux de chaises et de choses au bord d'une tranchée archéologique - Emmanuel Grimaud p. 200-233 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Une fouille archéologique est le terrain d'expériences multiples de pensée, « à l'extrême limite de l'identifiable, au presque degré zéro de l'indice, à la frontière du rien » (Cohen 2011 : 83). On tentera de mieux qualifier ces expériences de représentation à partir de quelques situations ethnographiques observées au cours d'une fouille indo-américaine en Inde. Au bord des tranchées, on s'adonne à des expériences ventriloques visant à faire parler des objets muets, à des expériences immersives (dans un monde révolu en trois dimensions), à des jeux de rôle (consistant à se mettre à la place de personnages ayant existé) ou à des expériences optiques sur des objets non identifiés et des figures fictives. Plus les situations limites aux frontières du savoir se multiplient, plus de nouvelles expériences, différentes des précédentes, doivent être tentées. Et plus les fouilles s'ouvrent au public et admettent de nouveaux intervenants, plus le sol devient une surface de projection singulière, une arène d'expression où les énigmes et les points de vue sont mis en partage dans des jeux interactifs dont cet article examine les modalités.
      Archaeology and ventriloquism: making objects speak in an archaeological dig
      An archeological dig is the terrain for many thought experiments, “at the extreme limit of the identifiable, at almost degree zero from the evidence, on the border of nothing” (Cohen 2011: 83). We will try to better describe these experiments in representation based on some ethnographic situations observed during the course of an Indo-American dig in India. Around the borders of the trenches, we conducted some experiments in ventriloquism aimed at making inanimate objects speak, experiments in immersion (in a bygone age in three dimensions), role play (consisting of the putting into place of real individuals) and optical experiments on non-identified objects and fictitious characters. The greater the number of situations at the limits of our understanding, the more new experiments, different from the preceding ones, were carried out. And the more the digs were opened to the public and accepting of new participants, the more the terrain became a unique surface of projection, an arena of expression where the enigmas and points of view were shared through interactive games, whose modes we examine here.
  • Notes de lecture

  • Chronique scientifique