Contenu du sommaire : Langue et Kabbale.
Revue | Revue de l'histoire des religions |
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Numéro | tome 213, n°4, 1996 |
Titre du numéro | Langue et Kabbale. |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Langue et Kabbale [Présentation]. Le langage mystique : de la Cosmogonie à l'épistémologie - Moshe Idel p. 379-384
- Pensée, Voix et Parole dans le Zohar - Charles Mopsik p. 385-414 Le"Zohar" (XIIIe siècle, Castille), l'un des plus importants ouvrages de la Kabbale médiévale, a développé une approche du langage centrée sur la notion néo-platonicienne de procession. En combinant trois notions, la pensée, la voix et la parole, le "Zohar" cherche à dépeindre le processus d'émanation du monde divin perçu comme une expression langagière de l'ineffable. A travers une série de textes tirés de cet ouvrage et au moyen des éléments d'explication fournis par Moïse de Léon, un kabbaliste castillan du XIIIe siècle à qui l'on a attribué la composition du "Zohar", cet article propose une analyse de l'ensemble des passages traitant du processus de transformation graduelle qui, partant du silence primordial, aboutit à la parole articulée.Thougth, Voice and Speech in the "Zohar" The "Zohar" (XIIIth century, Castile) is the masterpiece of medieval Kabbalah. It developed an approach to language centered around the Neoplatonician notion of procession. By combining three notions, thought, voice and speech, the "Zohar" looks to describe the emanational process of the divine world, perceived as a linguistic expression of the Unspeakable. With the help of a lot of texts from this book and through some interpretations delivered by R. Moses of Leon, a Castilian kabbalist of the XIIIth century, to whom the "Zohar" has been attributed by modern scholarship, this study analyzes throughout the Zoharic corpus the process of gradual metamorphosis that, starting from primordial silence, ends in an articulate speech.
- A la recherche de la langue originelle : le témoignage du nourrisson - Moshe Idel p. 415-442 Cet article traite de l'émergence de la conception médiévale qui voit dans l'hébreu la langue primordiale et parfaite. Elle vit le jour dans le cadre de la polémique dirigée contre les Musulmans qui proclamaient la supériorité de la langue arabe. Les uns et les autres se référaient à Hérodote qui raconte une expérience menée sur de jeunes enfants pour retrouver la langue originelle. Contrairement à la plupart des kabbalistes, Abulafia ne pensait pas que ces enfants aient parlé hébreu. La majeure partie des discussions consacrées à cette expérience émane d'auteurs italiens ou ayant écrit en Italie. Les auteurs juifs s'intéressaient davantage à la supériorité de l'hébreu, alors que les penseurs chrétiens étaient plus préoccupés par le concept de langue parfaite.In search of the Original Language : the Infant Ordeal This study discusses the emergence of the mediaeval view of Hebrew as the first and perfect language. The most articulated versions of this theory emerged in the context of a polemic with the Muslim claim of superiority of the Arabic language. One of the "loci probantes" for this claim is a story stemming from Herodot on an experiment done with an infant in order to discover the original language. While most of the Kabbalists believed that the infant spoke Hebrew, Abraham Abulafia rejected this view. Most of the discussions on this experiment come from Italian authors or from authors who have written in Italy. The Jewish authors were more interested in the superiority of Hebrew, while the Christian thinkers were more concerned with the concept of the perfect language.
- Métaphysique des idées et mystique des lettres : Leibniz, Böhme et la Kabbale prophétique - Susanne Edel p. 443-466 Leibniz, le grand précurseur de la philosophie des Lumières, veut fonder l'autonomie des sciences en démontrant la source commune de la philosophie et de la théologie et leur harmonie absolue. Le rationalisme et la mystique, la connaissance rationnelle et l'illumination sont réconciliés dans la théorie de la langue primordiale. Cette théorie est à la base de la langue universelle leibnizienne (fondée sur les axiomes de la pensée), laquelle remplace l'inaccessible langue adamique de la Bible. La Kabbale prophétique d'Abraham Abulafia (et ses interprétations chrétiennes) et la théosophie chrétienne de Jakob Böhme (qui a puisé également dans la mystique juive) constituent l'accès historique à la théorie leibnizienne.Metaphysics of ideas and letter-mysticism : Leibniz, Böhme and the prophetic Kabbalah Leibniz, the great precursor of the Age of Enlightenment, purposes to establish the autonomy of the sciences by demonstrating the common source of philosophy and theology and their perfect harmony. The rationalism and the mysticism, the rational cognition and the inner light concur in the theory of a primordial language. This theory is the basis of Leibniz's universal language (constructed by the axioms of thought), which takes the place of the irretrievable Adamic language of the Bible. The prophetic Kabbalah of Abraham Abulafia and its Christian interpretations just as the Christian theosophy of Jakob Böhme (who also was influenced by Jewish mysticism) shape the historical access to the Leibnizian theory.
- Leibniz et Christian Knorr von Rosenroth : une amitié méconnue - Allison P. Coudert p. 467-484 Le propos de cette étude est d'explorer l'amitié méconnue de Gottfried Wilhelm Leibniz et Christian Knorr von Rosenroth, l'un des plus importants kabbalistes chrétiens du XVIIe siècle. En 1688, Leibniz passa un mois chez von Rosenroth, alors que ce dernier travaillait à la préparation des textes qui devaient par la suite être publiés dans la "Kabbala Denudata" (1677, 1684). Leibniz vouait une grande estime à cet érudit, comme en témoigne sa correspondance. La présente étude traite des fondements de l'amitié entre les deux hommes et montre la façon dont les idées kabbalistiques de von Rosenroth ont influencé Leibniz dans sa conception des monades, son argumentation en faveur du libre arbitre, sa thèodicée et enfin dans sa théorie de la causalité comme volonté.Leibniz and Christian Knorr von Rosenroth : a little known friendship This article explores the little known friendship between Gottfried Wilhelm Leibniz and Christian Knorr von Rosenroth (1636-1689). Von Rosenroth was one of the foremost Christian Kabbalists of the seventeenth century. He edited the "Kabbala Denudata", the largest collection of kabbalistic texts published in Latin before the nineteenth century. Leibniz visited von Rosenroth in 1688, and stayed with him for more than a month. He refers to von Rosenroth with great admiration in subsequent letters and praises him for his immense knowledge. The article discusses the basis for their friendship and argues that von Rosenroth's kabbalistic ideas influenced Leibniz's concept of monads, his defense of free will, his theodicy and his theory of causality.
- Le statut de l'hébreu selon les intellectuels juifs italiens du XIXe siècle - Alessandro Guetta p. 485-500 Entre les années 30 et 70 du siècle dernier, quelques intellectuels juifs italiens d'inspiration religieuse animèrent un débat sur la nature et le rôle de la langue hébraïque, qui portait essentiellement sur deux questions : a) le caractère «spécial» de l'hébreu, une position que la nouvelle linguistique historique et comparatiste rendait intenable ; b) la classification entre langues aryennes » et langues « sémitiques », qui dépassait les limites de la discussion scientifique pour devenir explicitement idéologique. La formulation qui clôt ce débat, tout en se voulant en harmonie avec la linguistique moderne, s'inspire explicitement de la tradition kabbalistique : elle prouve la résistance et l'adaptabilité historique de certains schémas conceptuels.The status of Hebrew according to the Jewish intellectuals in 19th century Italy Between the 1830's and the 1870 's several Jewish intellectuals in Italy conducted a debate about the nature and the role of the Hebrew language. These thinkers, who were adhering to a system of religious values, were particularly concerned with two central issues : the first one involved the status of Hebrew, for centuries considered a « special language ». This notion had lost validity in light of the newly emerging comparative and historical linguistic theories. The second subject addressed the widespread tendency towards classification of languages as either « Aryan » or « Semitic ». Such an approach tended to depart from scientific inquiry and to shift towards the realm of ideology. The last formulation of this debate, though taking in account modern linguistics, clearly drew inspiration from the Kabbalistic tradition. It demonstrates the historical durability and adaptability of certain conceptual schemes.
- La conception du langage chez Hamann et Rosenzweig - Rivka Horwitz p. 501-534 Cet article compare la conception du langage chez Hamann critique des Lumières et chez Rosenzweig critique de l'idéalisme. Les deux penseurs nient que la raison soit la source première de la connaissance et attribuent ce rôle au langage dans sa dimension historique ainsi qu'aux sens. Hamann et Rosenzweig ont développé une théorie du langage biblique où le mythe est présenté comme préexistant à la pensée. Vient ensuite une présentation d'une conception similaire du langage chez Benjamin et Scholem. Enfin, une dernière partie montre que la critique des Lumières par Hamann, Scholem et Rosenzweig comporte des implications politiques : en effet la figure du « Juif clivé » chère aux Lumières s'avéra être une impasse qui laissa les Juifs d'Europe sans défense.Hamann and Rosenzweig on Language In the first section similarities and differences between Hamann's and Rosenzweig's understanding of language are shown, Hamann as a critic of the Enlightenment and Rosenzweig as a critic of idealism. Both reject reason as a primary source of knowledge in favor of language and senses. The second section « Myth and the Bible » shows how Hamann and Rosenzweig developed a theory of biblical language, accepting myth as being prior to biblical thinking. A third section includes Benjamin's and Scholem's similar concepts of language. A final section discusses the political implications of Hamann's , Scholem's and Rosenzweig's criticisms of the Enlightenment : the « divided Jew » proposed by the Enlightenment proved to be a dead end road, leaving the European Jews defenseless.