Contenu du sommaire : Lieux de culte, lieux saints dans le judaïsme, le christianisme et l'islam

Revue Revue de l'histoire des religions Mir@bel
Numéro tome 222, n°4, 2005
Titre du numéro Lieux de culte, lieux saints dans le judaïsme, le christianisme et l'islam
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Lieux de culte, lieux saints dans le judaïsme, le christianisme et l'islam

    • Lieux de culte, lieux saints dans le judaïsme, le christianisme et l'islam : Présentation - Dominique Iogna-Prat, Gilles Veinstein p. 387-391 accès libre
    • Fonctions et formes de la synagogue : refus et tentation de la sacralisation - Dominique Jarrassé p. 393-409 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La synagogue est une fonction et non un type architectural défini par une tradition ; aussi s'est-elle trouvée tiraillée entre deux modèles, le Temple de Salomon et l'église, qui ont tendu à lui imposer un caractère sacré, qu'elle n'avait pas originellement. Lieu d'assemblée d'une plasticité étonnante, la synagogue a emprunté les formes les plus variées aux cultures au sein desquelles elle s'est implantée. Avec l'émancipation, elle devient un « temple israélite » et le cadre d'une réforme qui se sert des formes inspirées des autres cultes pour imposer de nouveaux comportements aux fidèles, séparant surtout les espaces de culte et d'assistance, et magnifier sa fonction cultuelle. Il faut attendre l'adoption des esthétiques modernistes pour que la synagogue, intégrée dans un centre communautaire, retrouve sa simplicité initiale.
      The synagogue's nature is functional. It is not an architectural design determined by tradition. It has therefore been torn between two models: Solomon's temple and the church, both leading on to a character sacred that did not exist originally. Places of gathering, surprisingly plastic, synagogues borrowed a multitude of forms from the cultures within which they had been implanted. When emancipation took place, the synagogue became an “Israelite temple” and the frame for a reform using forms inspired by other worships to impose new behaviours to the faithfuls, mostly setting apart spaces devoted to worship and those devoted to welfare, and magnifying its cultual function. It is only with the adoption of modernist aesthetics that the synagogue, integrated in a community center does recover its initial simplicity.
    • Les lieux de culte chrétiens et le sacré dans l'Antiquité tardive - Claire Sotinel p. 411-434 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'auteur examine dans quelle mesure les lieux de culte chrétiens, conçus d'abord surtout comme des maisons de prières, sont devenus des lieux sacrés à la fin de l'Antiquité tardive. La recherche récente sur les lieux saints de Palestine a montré comment les lieux de mémoire du christianisme ont été investis d'une valeur sacrée. Le développement du culte des reliques a permis de dissocier la sacralité d'une localisation géographique spécifique. Bien que l'opposition exprimée par certains théologiens n'ait pas interrompu cette évolution, la sacralité des lieux de culte n'est pas encore une réalité acquise dans les Églises d'Occident à la fin de l'Antiquité tardive.
      The author examines how the places of Christian worship, first conceived as houses of prayer, increasingly came to be considered as sacred places at the end of Late Antiquity. Recent research on holy places in Palestine has shown how sites of Christian memory have been sacralized. The development of the cult of relics led to a dissociation between sacrality and geographical location, allowing for the transformation of any place of worship into a holy place. The opposition of some Christian theologians did not stop this evolution, but it was not achieved by the end of Late Antiquity.
    • Le paradoxe de la Ka'ba - Michel Chodkiewicz p. 435-461 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Selon le Coran (2 : 115), « où que vous vous tourniez, là est la Face de Dieu ». La prière du croyant doit pourtant s'orienter vers un point d'espace déterminé par des coordonnées géographiques précises : 21° 27' de latitude nord, 39° 43' de longitude est. Et quand il accomplit le pèlerinage, il s'achemine obligatoirement vers ce même point. C'est dans l'œuvre d'Ibn Arabî – et plus particulièrement dans le récit de son arrivée à La Mecque en 1202 – qu'on cherchera une interprétation de ce paradoxe qui fait de la Ka'ba le « lieu du Sans-lieu ».
      According to Koran (2: 115), “wherever you look, there is the face of God”. However the faithful's prayer must be directed towards a particular spatial point determined by precise geographical co-ordinates: latitude 21° 27' north, longitude 39° 43' east. And when he performs the pilgrimage he must proceed towards this very point. One has to refer to Ibn Arabi's work, and more specifically to the relation of his arrival in Mecca in 1202 to look for an interpretation of this paradox making the Ka'ba the “Place of the Without-Place”.
    • Le lieu de culte dans l'Occident médiéval entre sainteté et sacralité (ixe-xiiie siècles) - Dominique Iogna-Prat p. 463-480 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Aux origines de l'Église, le lieu de l'assemblée n'a pas de valeur en lui-même et le rituel de consécration de cet espace reste longtemps minimal, se limitant à une première messe. Ce n'est qu'à l'époque grégorienne, dans le cadre de la grande controverse eucharistique, que l'église acquiert le statut de lieu propre parce que le sacrifice y est accompli réellement. Le rituel de la consécration d'église est alors en passe de devenir le plus fastueux de la liturgie latine. Surtout, les traités destinés à parler de l'Église prennent la forme architecturée de Sommes, comme si la seule façon d'aborder la question de la société chrétienne supposait d'entrer dans le monument à la fois instaurateur du lien communautaire et révélateur des fonctions constitutives de l'Église.
      In the early church the place where the faithful assembled had no value in itself, and the ritual to consecrate these spaces was minimal, consisting simply of an initial Mass. It was not until the Gregorian era, in the context of the great Eucharistic controversy, that the church gained the status of a “proper” place because the sacrifice of Christ really took place there. The ritual of the consecration of the church was soon on its way to becoming the most elaborate of all the Latin liturgy. Above all, the treatises that were meant to speak of the Church took on the architectural form of the Summae. It was as if the only way to address the question of Christian society, in both discourse and representation, presupposed entering an edifice which at one and the same time fashioned community bonds and revealed the constitutive functions of the Church.
    • La mosquée et le sanctuaire Sainteté des lieux en Islam - Oleg Grabar p. 481-489 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La présente contribution propose, à titre préliminaire, de considérer l'idée du sacré dans le monde de l'Islam à partir de l'architecture et de distinguer trois catégories de monuments religieux : 1) les grands sanctuaires panislamiques (comme La Mecque, Médine et Jérusalem) dont le caractère sacré est plus ou moins constant ; 2) la mosquée, aux valeurs sacrées variables selon le moment ; 3) les lieux saints (mashahid), qui, quelles qu'en soient les formes, reflètent les besoins des fidèles dans leurs espaces aussi bien que dans les pratiques que l'on y décèle.
      As a preliminary, we propose to consider the concept of holiness in the Islamic world starting with architecture, and distinguishing three categories of religious buildings: 1) Large pan islamic sanctuaries (such as Mecca, Medina, and Jerusalem), the sacred character of which remains more or less steady; 2) Mosques the sanctity of which varies according to time; 3) Holy places (mashahid) whatever shape they may assume, answering the needs of the faithfuls in the space offered as well as in the practices available.
    • Le temple disputé : les Réformes et l'espace liturgique au xvie siècle - Olivier Christin p. 491-508 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les représentations opposées du temple que se font catholiques et protestants au xvie siècle s'incarnent très vite dans des aménagements de l'espace liturgique modifiant la place de la chaire et de l'autel, l'importance du mobilier et des arts figuratifs, la présence des tombes à l'intérieur des édifices cultuels. Pour décrire les conflits qui opposent les confessions autour de ces aménagements, on s'arrêtera sur trois problèmes : les églises mixtes, abritant deux cultes différents ; l'élimination du décor médiéval dans les églises converties en temples ; la représentation idéalisée du temple dans les catéchismes illustrés. Sources visuelles ou archéologiques permettent alors de retrouver certains enjeux, que les seuls ouvrages de controverse et les traités doctrinaux ne suffisent pas à dévoiler.
      The opposed perception Catholics and Protestants had of the temple in the 16th century soon became apparent in the organisation of liturgical space, as alterations were made in the place of the pulpit and the altar, in the importance of furnishings and figurative arts and in the presence of tombs within the place of worship. To describe the conflicts over such questions that set one confession against the other, three problematic issues will be evoked: mixed churches, where two different faiths were practised; the elimination of medieval decorations in churches that were turned into temples; and the idealised representation of temples in illustrated catechisms. Visual and archaeological sources thus enable us to gauge the importance of certain issues to which manuals of controversy and doctrinal treatises refer little.
    • Le rôle des tombes sacrées dans la conquête ottomane - Gilles Veinstein p. 509-528 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article part d'une constatation : plusieurs récits plus ou moins historiques ou légendaires mentionnent parmi les événements accompagnant une nouvelle conquête ottomane, la découverte ou la réhabilitation de la tombe d'un saint personnage de l'islam, préalablement dissimulée ou négligée. Symétriquement, d'autres traditions évoquent l'inhumation d'un précurseur dont la tombe en terre infidèle est le gage d'une conquête musulmane future. Nous nous interrogeons sur les origines et la signification d'un phénomène aussi récurrent. Nous sommes conduit à une vision plus complexe que les seules provisions de la Cherî'a de ce qu'impliquaient pour les Ottomans la légitimité d'une conquête et l'islamisation d'un nouveau territoire.
      This article takes root in an observation: several narratives, more or less historical or legendary, mention among events surrounding a new Ottoman conquest, the discovery or the rehabilitation of the grave, hidden or neglected up to then, of a holy Islamic personality. Symmetrically, other traditions evoke the burying of a forerunner whose grave in infidel grounds represents a token for a future Muslim conquest. Considering the origins and the signification of such a recurrent phenomenon, we are led to believe that the legitimacy of a conquest and the islamization of a new territory are more complex than what is implied in the Sherî'a.
    • Un sanctuaire soufi en Inde : le dargâh de Nizamuddin à Delhi - Marc Gaborieau p. 529-555 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Voici la présentation d'un sanctuaire soufi typique de l'Inde, Nizamuddin, bâti autour de la tombe de Nizâmu'd-Dîn Auliyâ (m. 1325) de la confrérie Chishtiyya. Vient d'abord la description de ce centre de pèlerinage. Puis sont analysées les deux sortes de rites exécutés par les fidèles : prières et offrandes pour obtenir les faveurs d'Allah par l'intercession du saint ; récitations rythmées (dhikr) et chants mystiques (qawwâlî) qui conduisent à des extases interprétées comme des contacts directs avec Dieu. L'article se clôt sur une étude ethnographique du monde hiérarchique et conflictuel du personnel attaché au sanctuaire : desservants de haut statut et musiciens de basse caste… sans oublier leurs femmes invisibles.
      Here is a presentation of an exemplary Sufi shrine in India, Nizamuddin (Delhi), built around the tomb of Nizâmu'd-Dîn Auliyâ (d. 1325) of the Chishtiyya order. This pilgrimage centre is first described. Then the two kinds of rituals performed by the devotees are analysed: prayers and offerings to get favours from Allah through the intercession of the saint; rhythmical recitations (dhikr) and mystical songs (qawwâlî) which induce ecstasies interpreted as direct contacts with God. Finally comes an ethnographical study of the hierarchical and conflict-ridden world of the shrine's personnel: high status servants of the tomb and low caste musicians… not to forget their invisible wives.
    • « Lieux juifs » : solitude du Mont, rumeurs du monde - Régine Azria p. 557-572 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le génie bâtisseur que les juifs se sont redécouverts à la faveur de l'établissement d'un État juif ne s'est pas investi dans des projets religieux mais dans des édifices à vocation profane : la plupart des synagogues d'Israël sont discrètes et se fondent dans le tissu urbain. Elles s'inscrivent dans la tradition d'une longue expérience de familiarité avec les choses du sacré qui n'a pas grand-chose à voir avec l'expérience du face-à-face solitaire avec le divin d'un Moïse ou d'un Abraham, ni même avec l'expérience vécue par les juifs lors des pèlerinages d'antan au Temple de Jérusalem. Mais les juifs diasporiques se reconnaissent aujourd'hui dans d'autres lieux emblématiques, tels que les musées et les lieux de mémoire.
      The building spirit that Jews have rediscovered thanks to the foundation of a Jewish state, did not materialize in religious but in profane buildings: most Israeli synagogues are inconspicuous and merge into the urban texture. They are inscribed in a long traditional experience of familiarity with things sacred, and have not much to do with Moses' or Abraham's solitary face to face with deity, nor even with what Jews experienced during past years pilgrimages to Jerusalem Temple. But today diaspora Jews find their bearings in other emblematic places such as museums and remembrance places.