Contenu du sommaire : La mort et l'émotion. Attitudes antiques
Revue | Revue de l'histoire des religions |
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Numéro | tome 225, n°2, 2008 |
Titre du numéro | La mort et l'émotion. Attitudes antiques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La mort et l'émotion. Attitudes antiques - Philippe Borgeaud p. 155-162
- Tristesse rituelle et lamentations funéraires en Egypte ancienne - Youri Volokhine p. 163-197 Dans la culture de l'Égypte ancienne, les rites de deuil sont associés à un ensemble de manifestations émotionnelles exécutées en public. Ces émotions ritualisées impliquent non seulement l'ensemble des participants aux rites funéraires, mais encore plus particulièrement le groupe des « pleureuses ». Différentes manifestations d'affliction sont à observer : postures et paroles de tristesse, ou démonstrations bruyantes (pleurs et cris) et organisées. Plusieurs exemples concernant les cérémonies privées et aussi les rites de deuil collectif sont examinés ici. Le modèle de la résolution symbolique et rituelle de l'expérience du deuil fourni par le mythe osirien, ainsi que la déploration rituelle d'Osiris, est également discuté.In ancient Egyptian culture, mourning rites are associated with public expressions of emotions. These ritualized emotional manifestations concern the participants of the funerary rites as a whole, but even more specifically the feminine group of “weepers”. Among this group, some distinctive expressions of affliction can be observed: attitudes of sadness supported by particular words, or noisy and clearly organized demonstrative weeps and screams. In the present article, a choice of examples chosen among private ceremonies are examined and put in contrast with collective mourning rites. The symbolic and ritual model proposed in this context by the Osirian myth, as well as the ritual lament of this god, shall also be taken into account.
- Cri ou silence : deuil des dieux et des héros dans la littérature mésopotamienne - Anne-Caroline Rendu p. 199-221 La mort d'un être cher suscite une des douleurs les plus vives et une des émotions les plus intenses que peut subir un individu, qu'il soit héros, déesse ou simple mortel. Cet article présente les descriptions littéraires mésopotamiennes de réactions pouvant être qualifiées d'individuelles ou spontanées devant le cadavre de l'être aimé ou à l'annonce de sa mort. Trois dossiers seront ainsi abordés : la mort de Dumuzi/Tammuz amant d'Inana/Ištar et pleuré par sa sœur Gestinanna, la mort d'Enkidu ami de Gilgameš et enfin l'affliction de la déesse Nintu/Mami au cours du Déluge babylonien lorsqu'elle assiste, impuissante, à la destruction de l'humanité qu'elle a créée.The death of someone close can induce one of the most intense emotions that an individual can experience. Hero, god and goddess in Mesopotamian literature are not free from these individual reactions. This article studies literary descriptions of these emotions spontaneously felt before the corpse of a friend, a parent or a lover, or on hearing of their death. Three instances are discussed: the death of Dumuzi/Tammuz, lover of Inana/Ištar and mourned by his sister Gestinanna; the death of Enkidu, friend of Gilgameš; and finally, the grief of the goddess Nintu/Mami, who watches helplessly as the human race she created is destroyed by the Flood.
- Quand le divin Achille se met à penser : colère, désespoir et pitié dans l'Iliade - Claire-Françoise de Roguin p. 223-241 La colère d'Achille qui, selon le proème de l'Iliade, cause d'innombrables maux pour les Achéens, résulte de l'affront qu'Agamemnon fait à Achille en lui prenant Briséis. Mais après la mort de Patrocle, Achille éprouve un courroux plus grand encore, cette fois envers Hector et les Troyens. Dans cet article, on s'intéresse moins à la colère d'Achille qu'au processus par lequel celui-ci renonce à sa colère. Ce processus repose sur un travail de réflexion, auquel se livre Achille à différents endroits du poème, et dont une partie déterminante se produit au moment où il accomplit les funérailles de Patrocle. Profondément affligé, conscient de l'imminence de sa mort, il se montre sensible aux souffrances de Priam, venu lui racheter le corps d'Hector.Achilles' anger, which according to the proem of the Iliad causes countless sufferings for the Achaeans, begins when Agamemnon slights Achilles in seizing upon Briseis. But after Patroclus' death, Achilles is still more angry, this time against Hector and the Trojans. In this paper, emphasis is laid less on Achilles' anger than on the process through which Achilles gives up his anger. This is a process of thought, to which Achilles devotes himself at different points of the narrative. An important part of it occurs during Patroclus' funeral. Deeply grieved, aware of his impending death, Achilles is then capable of understanding the sufferings of Priam, who comes to him to buy back Hector's corpse.
- Peut-on légiférer sur les émotions ? Platon et l'interdiction des chants funèbres - David Bouvier p. 243-272 Deux fois dans les Lois, Platon légifère sur les funérailles et, dans les deux cas, il interdit la récitation des chants funèbres. Pour toute une tradition, cette interdiction ne ferait que prolonger une censure du thrène initiée par les premiers législateurs grecs. Mais un examen plus attentif montre que les lois qui ont accompagné le développement de la cité démocratique n'ont pas interdit le thrène mais seulement limité sa pratique. Il faut alors reconnaître l'originalité des réformes de Platon qui, de façon cohérente avec ses développements sur la musique et l'au-delà, invente une forme de funérailles en rupture totale avec les cérémonies de l'Athènes démocratique et où l'oraison funèbre (epitaphios) n'a pas plus de place que le thrène.Twice in the Laws, Plato legislates on funeral ceremonies and, in both cases, he prohibits the recitation of dirges or funeral laments. For a whole tradition, this prohibition is nothing but a continuation of the dirges' censure initiated by the first Greek legislators, such as Solon. But a more attentive examination shows that the laws which accompanied the development of the democratic city only limit the practice of the dirge without abolishing it. It is then necessary to recognize the originality of Plato's reforms who, in a coherent way with his developments on music and after-life, invents a form of funerals in total rupture with the ceremonies of the democratic Athens and where the funeral oration, epitaphios, has no more place than the dirge (thrênos).
- Oknos : l'angoisse des châtiments infernaux - Doralice Fabiano p. 273-295 L'article se propose d'analyser la figure d'Oknos en la considérant comme l'expression d'une émotion profonde et particulière qui surgit face à la mort. Après l'analyse des sources anciennes (littéraires, iconographiques et linguistiques), on ramènera ce personnage au domaine de la peur qui bloque, très importante dans le contexte de l'initiation mystérique. À notre avis, il faut interpréter le travail sans fin d'Oknos comme la représentation de l'échec de l'épreuve initiatique et du blocage qui en résulte.In this paper I examine the character of Oknos, in order to make clear that he expresses a deep and precise emotion that rises in face of the death. After the analysis of ancient sources (from literature, iconography and linguistic), I try to show that Oknos belongs to the field of “blocking” fear, that is strictly related with mysteric initiation. In our opinion Oknos' never-ending work should be interpreted as the failure of the initiation and the representation of the resulting impediment of the action.
- Le deuil à Rome : mise en scène d'une émotion - Francesca Prescendi p. 297-313 Le deuil dans la littérature romaine est considéré comme une forme particulière de tristesse. Il s'agit d'une émotion, qui pourtant est rarement décrite dans son aspect privé et intime. Quand on parle de deuil, c'est plutôt l'aspect rituel qui est mis en avant. Cette émotion en effet est ritualisée et mise en scène publiquement lors des funérailles. La fonction de ce rite est de canaliser la douleur pour la contrôler afin qu'elle ne sombre pas dans le paroxysme. Si la ritualisation du deuil a un effet cathartique, elle est en même temps aussi le moteur d'autres émotions qui surgissent au moment des funérailles. Le rite est un élément qui permet de passer d'une dimension affective et intime à un fait social et public, il est un point de départ et d'arrivée des émotions.Mourning in the Ancient Roman literature is considered a peculiar sort of sadness, but it is rarely depicted as a private emotion. Speaking of mourning mostly implies a reference to its ritual side. This emotion is ritualised and staged during the funerals. The function of this rite is to canalize the sorrow as to keep it in control, avoiding paroxysm. The ritualism has hence a cathartic sense, but at the same time it gives way to other emotions rising during the funerals. The ritual allows proceeding from a domestic and intimate dimension to a social and public event: it is a departure and a final goal for the emotions.