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Revue | Revue de l'histoire des religions |
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Numéro | tome 233, n°2, 2016 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La représentation juive de l'empire romain comme pendant et frère jumeau d'Israël : Avant-propos - Katell Berthelot p. 163-164
- The Rabbis Write Back! L'enjeu de la « parenté » entre Israël et Rome-Ésaü-Édom - Katell Berthelot p. 165-192 Au vu des parentés mythiques attestées dans la Bible d'une part, et dans le monde hellénistique de l'autre, l'identification de Rome avec Ésaü ou Édom ne reflète pas l'invention d'une parenté, mais plutôt la création d'une typologie, pour le moins paradoxale puisqu'elle implique une proximité et un lien intime entre Israël et Rome. Pour certains historiens, cette typologie ne ferait sens que dans le contexte de la christianisation de l'empire. L'examen des sources montre cependant que l'idée de la gémellité et de la rivalité entre Israël et l'empire romain tire plutôt son origine des défaites juives contre Rome et de la perception, par les rabbins, d'une prétention de Rome à usurper la place concrète et symbolique d'Israël dans le monde.Compared with the mythical kinships found in the Bible as well as in the Hellenistic world, the identification of Rome with Esau or Edom does not reflect the invention of a kinship between Romans and Jews, but rather the creation of a typology. The latter is all the more paradoxical as it implies a proximity and even an intimacy between Israel and Rome. According to some historians, this typology makes sense only with the christianization of the empire. However, a close examination of the sources shows that the idea of Israel and Rome as twins and rivals originates in the Jewish defeats against Rome and in the perception by the rabbis of Rome as usurping the concrete and symbolic place of Israel in the world.
- The Image of Edom in Midrash Bereshit Rabbah - Matthias Morgenstern p. 193-222 Dans la littérature rabbinique, Ésaü (Édom), le frère de Jacob, est le personnage choisi pour incarner le rôle de Rome, l'empire mauvais. Dans ce contexte, cet article traite de l'image d'Édom dans le Midrash Bereshit Rabbah, une compilation d'interprétations rabbiniques et de commentaires haggadiques sur le livre biblique de la Genèse, rédigée par les Sages (rabbins) à la fin du IVe siècle ou au début du Ve siècle pour réfléchir sur les événements de leur époque. L'article montrera que, tout en utilisant des traditions plus anciennes, les rabbins rédacteurs de ce texte ont réalisé une composition cohérente, qui peut être expliquée par la perspective de leur temps, c'est-à-dire la christianisation de l'empire suite à la conversion de Constantin.
In Rabbinic literature, Esau (hence Edom), Jacob's brother, is the character systematically chosen to incarnate the role of Rome, the “wicked empire,” both in the pagan (pre-Constantinian) and Christian periods. With this in mind, this article deals with the imagery of Edom in the classical Jewish Midrash Bereshit Rabbah, a compilation of Rabbinic interpretations and aggadic commentaries on the Biblical book of Genesis edited by Rabbinic sages during the late 4th or early 5th century C.E. in order to reflect upon the contemporary events of their time. It will be argued that the Rabbis who formed this text in its final stage merged older traditions and brought them into one coherent composition which may best be explained by the perspective of their time, after the Christianization of the Roman Empire. - Les images bibliques de Rome dans les textes juifs et chrétiens. Les Kittim, Babylone, Tyr et Ésaü-Édom - Hervé Inglebert p. 223-254 Du IIe siècle avant notre ère au IVe siècle de notre ère, les Juifs ont décrit et compris Rome à travers les images bibliques des Kittim, de Babylone, de Tyr et d'Ésaü – Édom. Ce dernier thème devint prépondérant chez les Juifs rabbiniques, alors que les chrétiens des Ier-Ve siècles privilégièrent le parallèle avec Babylone. Cependant, le thème d'Ésaü – Édom est attesté chez deux auteurs chrétiens en contact avec des Juifs rabbiniques. On trouve les Romains comme fils d'Ésaü en 337 chez Aphraate, qui vivait en Mésopotamie sassanide. Et Jérôme, installé à Bethléem à la fin du IVe siècle, signale, pour la rejeter, la théorie juive de l'identification des Romains à Édom dans ses commentaires exégétiques. Les sources chrétiennes peuvent ainsi aider à préciser les datations des textes rabbiniques.Between the 2nd century BCE and the 4th century CE, Jews have described and understood Rome through the following biblical categories: the Kittim, Babylon, Tyre and Esau – Edom. The theme of Esau – Edom became predominant in rabbinic literature, whereas from the 1st to the 5th century, Christians tended to favour the parallel with Babylon. However, the theme of Esau – Edom does appear in the works of two Christian authors who were in touch with rabbinic Jews. The Romans are described as sons of Esau by Aphrahat, who lived in Sassanian Mesopotamia, as early as 337. Later on, Jerome, who lived in Bethleem at the end of the 4th century, mentions (and rejects) the Jewish identification of the Romans with Edom in some of his exegetical commentaries. Christian sources may therefore help to date the rabbinic tradition concerning the identification of Rome with Esau – Edom more precisely.
- The Use of Rabbinic Traditions about Rome in the Babylonian Talmud - Ron Naiweld p. 255-285 Cet article avance l'idée que le Talmud de Babylone utilise des traditions anciennes sur Rome afin d'établir un « système-monde » dans lequel Rome et Israël entretiennent une relation conflictuelle, complémentaire et éternelle. L'analyse des sources talmudiques montre que les rabbins babyloniens héritèrent l'image complexe de Rome avec le reste des traditions rabbiniques au cours du iii e et du iv e siècle de notre ère puis qu'ils retravaillèrent l'image palestinienne de Rome afin d'établir un parallélisme entre ce dernier et Israël. Ils soutinrent ainsi le pouvoir symbolique de l'empire romain, tout en vivant en dehors de celui-ci. Rome devint pour eux une image miroir d'Israël, qui, à son tour, devint un empire « spirituel », protégé par le roi des rois – Dieu.The article claims that the Talmud of Babylonia uses ancient traditions about Rome in order to create a fantasized world-system in which Rome and Israel function as two complementary and eternal rivals. The analysis of several Talmudic sources shows that the Babylonian rabbis inherited the complicated image of Rome together with the rest of the rabbinic traditions that arrived in Babylonia from Palestine during the 3rd and 4th century CE. It further shows that the Babylonian rabbis reworked the Palestinian rabbinic image of Rome and transformed it into the structural parallel of Israel. Thus, they sustained the symbolic power of the Roman empire, even though they lived outside of it. Rome became for them a mirror image of Israel, which, in turn, became a “spiritual” Empire, protected by the highest King – God.