Contenu du sommaire : La préposition (suite)

Revue Travaux de linguistique Mir@bel
Numéro no 44, 2002
Titre du numéro La préposition (suite)
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • I. TRAVAUX - C. Sémantique et pragmatique de la préposition

    • Schémas et motifs en sémantique prépositionnelle : vers une description renouvelée des prépositions dites « spatiales » - Pierre Cadiot p. 9-24 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cette contribution, nous discutons la notion de « préposition spatiale » si souvent mise en avant dans les études de sémantique cognitive. C'est par principe que (comme l'a montré par exemple V. Brøndal) les prépositions ne sont pas spécialisées dans tel ou tel domaine de l'expérience. Leur signification de base (que nous baptisons « motif ») est d'être un principe d'accès, mobilisant des catégories de l'expérience subjective, qui s'expliquent par un enrichissement de l'organisation du champ phénoménologique de la perception et de l'action.
      In this study, we try to challenge the notion of « spatial preposition ». As was shown notably by V. Brøndal, prepositions are not specialized in any objective domain of reference, but have a core meaning that can be described as a way to access experience from a subjective point of view. At some basic level (this core meanings hould be considered as a reinforcement of the subjective activity, which accompanies the experience rather than representing it.
    • Le rapport entre Selon et Suivant - Suzanne Feigenbaum p. 25-34 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La préposition selon joue un rôle dans l'énonciation, marquant la polyphonie et le point de vue. En dehors de l'énonciation, elle indique la conformité et l'alternance. Le rapport entre les deux groupes est dégagé à l'aide du concept de la dépendance. D'une part, on a la dépendance logique, exprimant une nécessité gouvernée par une loi. D'autre part, on est confronté à la dépendance existentielle, motivée par un modèle autoritaire ou généralisé. Suivant le cas, la dépendance est plus ou moins forte. Nous basant sur un corpus de textes, nous traiterons des usages diversifiés de selon et de ses synonymes. Il s'avère que suivant et selon forment un espace sémantique similaire.
      The preposition selon plays a role in discourse, expressing the different voices of enunciation and the points of view. Outside the domain of discourse, selon indicates conformity and alternation. The relation between the two groups can be established with the help of the notion of dependence. On the one hand, dependence can be logical being a necessity governed by a law. On the other hand, dependence can be existential : as such, it may be stronger or weaker, according to the degrees of authority that motivate it. This article deals with the various uses of selon and its synonyms based on a text corpus. It appears that selon and suivant belong to a similar semantic space.
    • Systématique de la triade spaciale à, en, dans - Eva Katz p. 35-49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'emploi spatial des prépositions est considéré généralement comme leur signifié premier, à partir duquel se construisent leurs autres sens. Cette thèse est très discutée, mais cet emploi spatial n'en est pas moins ce qui est le plus immédiatement perçu par les locuteurs. D'autre part, les trois prépositions à, en, dans sont dans leurs interprétations locative et télique les plus utilisées. On montrera qu'elles forment un système ternaire, une triade. On indiquera, à partir de là, qu'elles sont organisées binairement, et obéissent alors à l'apophtegme guillaumien : On va par paire dans le champ de la préposition (Leçon, 6.10.51). En d'autres termes, elles observent des distributions de complémentarité. On montrera que cette distribution suit un régime scalaire s'appliquant aux GN spatiaux avec lesquels elles sont construites, allant du moins spécifique (en) au plus spécifique (dans). Ce système binaire basculera vers des propriétés singulières pour chacune de ces trois prépositions, dont on montrera qu'elles constituent des microsystèmes ; ce sera la dernière partie de notre étude.
      The spatial use of prepositions is generally considered as their first signifié, on the basis of which their other meanings are constructed. This thesis is controversial, but the spatial use is nonetheless the one that is most immediately perceived by the speakers. On the other hand, the three prepositions, à, en, dans, in their locative and telic interpretations are the most frequently used. It will be shown that they form a ternary system, a triad. On this basis, it will be pointed out that they are organised in a binary manner and obey the guillaumian apophthegm : « On va par paire dans le champ de la préposition » (Lesson, 6.10.51). In other words, they are in complementary distribution. It will be shown that this distribution follows a scalar order applying to the spatial NPs with which they are constructed, starting from the least specific (en) and ending with the most specific (dans). This binary system will reveal the singular properties of each one of these three prepositions which form, as will be shown, microsystems – this will be the last section of this study.
    • Prépositions et rection verbale - Denis Paillard p. 51-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article discute du statut des compléments prépositionnels. L'auteur défend la thèse que, dans le cas des compléments prépositionnels du verbe, il n'y a pas désémantisation de la préposition, et propose une combinatoire qui dépasse la dichotomie « compléments argumentaux » / « circonstants » en distinguant différents degrés d'intrication entre le verbe et le complément prépositionnel. Partant d'une étude du verbe tirer associé à la préposition sur, l'auteur met en évidence des configurations régulières permettant de calculer le statut du complément prépositionnel dans la proposition.
      This paper deals with the status of prepositional complements. The author argues that in the case of the prepositional complements of the verb, there is no desemanticization of the preposition, and puts forward a set of combinatorial rules beyond the argumental / ‘circumstantial' complements dichotomy, distinguishing different degrees of linkage between the verb and the prepositional complement. Starting from an analysis of the verb tirer com bined with the preposition sur, the author develops a reasoning that allows one to calculate the status of the prepositional complement on the basis of regular configurations.
    • Comme préposition ? : Observations sur le statut catégoriel des prépositions et des conjonctions - Michel Pierrard p. 69-78 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comme est généralement répertorié en tant qu'adverbe, pronom ou conjonction. Certains linguistes ont même distingué une « valeur prépositionnelle » mais celle-ci n'est pas officiellement avalisée par les grammaires et les dictionnaires de référence. La présente étude examine les propriétés des cinq emplois suivants prétendument prépositionnels de comme : [1] Marie aime Paul comme un frère. [2] Paul a considéré ta réponse comme une insulte. [3] Il a engagé Paul comme caissier dans son magasin. [4] Tu prendras quoi/ du chocolat comme dessert ? [5] On entendait comme un grondement lointain. Nous comparerons d'abord le fonctionnement de comme dans ces emplois au rôle que joue la préposition dans la constitution du syntagme prépositionnel. Ensuite, nous évaluerons leurs rôles respectifs en tant que ligateur dans la complémentation verbale.
      Comme is commonly classified as an adverb, a pronoun or a conjunction. Some linguists have even noticed a « prepositional value » but it has never been officially endorsed by reference grammars and dictionaries. This paper discusses the characteristics of the following five allegedly prepositional uses of comme : [1] Marie aime Paul comme un frère. [2] Paul a considéré ta réponse comme une insulte. [3] Il a engagé Paul comme caissier dans son magasin. [4] Tu prendras quoi/ du chocolat comme dessert ? [5] On entendait comme un grondement lointain. First, we will make a comparison between the function of comme in those uses and the role played by the preposition in the structure of the prepositional phrase. Secondly, we will evaluate their respective tasks as connectors in verb complementation.
    • Genre : le nuancier de sa grammaticalisation - Laurence Rosier p. 79-88 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cet article, nous étudions les emplois où le mot genre s'apparente à une préposition (par exemple un bois genre acajou) mais également des structures où il se construit avec des prépositions : les enclosures d'une part (et l'alternance des déterminants qu'elles présentent un genre de, le genre de, ce genre de) et les locutions prépositionnelles (dans le genre, du genre mais ? de genre). En saisissant les différentes occurrences du terme, nous proposons l'hypothèse suivante : lorsqu'il se grammaticalise ou qu'il participe à des structures grammaticalisées, genre met en avant un sens approximatif plutôt qu'identificatoire (dans l'exemple cité, la paraphrase est alors : un bois qui ressemble à de l'acajou plutôt que relevant du genre nommé acajou).
      In this article, we study the occurrences of genre used as a preposition (un bois genre acajou) but also constructions with genre and prepositions : the hedges (un genre de, le genre de, ce genre de) and the complex prepositions (dans le genre, du genre but ? de genre). On the basis of the different occurrences of the term, we suggest the following hypothesis : when it grammaticalises itself or when it takes part in grammaticalised structures, genre puts forward an approximative rather than explicative meaning (in the quoted example, the paraphrase is then un bois qui ressemble à de l'acajou rather than relevant du genre nommé acajou).
    • Préposition et conjonction ? Le cas de Avec - Charlotte Schapira p. 89-100 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La présente étude est consacrée à l'analyse d'un type particulier d'emplois de la préposition avec – le comitatif – et, à l'intérieur de cette catégorie, les cas spécifiques où la préposition relie, à travers le verbe, deux noms animés, voire humains, et référentiellement autonomes. Il s'agit de la construction : SN1 (+ humain) – V – avec SN2 ( + humain) L'analyse proposée permet de distinguer, dans cette structure, plusieurs classes de compléments prépositionnels. Le trait sémantique (+ humain) s'avère un critère susceptible d'éclairer les divers comportements de la préposition et de révéler la valeur de copule qu'avec acquiert dans certains de ces emplois.
      The present study is devoted to the analysis of a particular type of use of the French preposition avec – that expressing association – and, within this category, the specific cases where the verb of the clause links, by means of the preposition, two nouns, both animate, human, and referring to distinct entities : SN1 (+ human) – V – avec SN2 (+ human) Several classes of complements introduced by avec are distinguished and described. The semantic feature (+ human) turns out to be a valid criterion for the classification of the meanings of the preposition in this particular linguistic environment ; it also shows that, under certain conditions, avec can also function as a conjunction.
    • À propos des emplois régis d'Avec - Catherine Schnedecker p. 101-113 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les emplois régis d'avec ne sont pas ceux qui ont retenu le plus l'attention des études consacrées à cette préposition, du fait qu'elle y paraît incolore, tout juste « bonne » à véhiculer la relation de sens instituée par le verbe qui l'appelle. Sur la base d'approches expérimentales d'une part et d'une étude systématique des verbes symétriques avec lesquels avec a beaucoup d'affinités d'autre part, nous défendons l'idée qu'avec joue un rôle sémantique plein, complémentaire à celui de ses verbes-recteurs, qui est de spécifier la structure de l'ensemble et le type de relation entre ses élements que ces verbes-recteurs présupposent.
      The governed uses of avec examined in this paper are not those that have received more attention in studies dedicated to this preposition, because in this uses it seems to be « colorless », hardly “ made ” to convey the meaning established by the governing verb. On the basis of experimental approaches on the one hand and a systematic study of the symmetric verbs with which avec has many affinities on the other hand, we defend the idea that avec plays a full, semantic role complementary to the governing verbs specifying the structure of the set and the type of relation between the elements which are required by these verbs.
  • II. HORS THÈME

    • Forces centripète et centrifuge. Autour du complément circonstanciel dans dans la grammaire « traditionnelle » de la première moitié du XXe siècle - Peter Lauwers p. 115-142 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cette contribution nous esquissons le sort du complément circonstanciel dans la grammaire française de la première moitié du XXe siècle en identifiant les facteurs qui ont déterminé son analyse. En empruntant une image à la physique, on peut dire que l'histoire de la notion de complément circonstanciel ressemble à un jeu de forces où interviennent des forces centripètes et centrifuges. En effet, le circonstanciel a tantôt été rapproché des fonctions « centrales » (par rapport au verbe-prédicat), tantôt éloigné du verbe-prédicat, au point d'être situé à la périphérie de la proposition, pour ne pas dire « hors proposition ». Le critère syntaxique [± essentiel] qui sous-tend le mouvement centripète (le cc est essentiel, tout comme le complément d'objet), et, qui, de nos jours, culmine dans l'application du modèle valenciel, a cependant été entravé par le poids du contenu (sémantique et informatif/stylistique) dans l'analyse traditionnelle, un facteur qui avait favorisé un mouvement centripète antérieur. Vers la même époque, la grammaire traditionnelle est en passe de reconnaître les compléments (ou adverbes) de phrase, ce qui annonce le mouvement centrifuge qui a mené à la fragmentarisation de la classe des circonstants en fonction du critère de la portée. Si ce changement ne mène pas d'emblée à l'éclatement de la classe, c'est en partie parce que les adverbes (en emploi circonstanciel) et les compléments circonstanciels (= la fonction syntaxique) étaient souvent dissociés. Ce constat étrange s'explique par une conception purement nominale du complément, qui a partie liée avec la distinction sémantico-logique entre détermination et identité et qui s'inscrit dans une tradition grammaticale dominée par ce que nous avons appelé une approche catégorielle et ascendante (bottom-up) des fonctions syntaxiques.
      In this contribution, I sketch the destiny of the complément circonstanciel (adverbial constituents) by identifying the factors that have determined its analysis in French grammar during the first half of the 20th century. Borrowing an image from physics, one can say that the history of the notion of complément circonstanciel resembles a combined action of centripetal and centrifugal forces. The adverbials have, on the one hand, been linked with the central syntactic functions (in relation to the verbal predicate), and on the other hand, they have been separated from the predicate and situated at the periphery of the clause, if not « outside the clause ». The syntactic criterion [± essential] which forms the basis of the centripetal movement (adverbials are essential just like objects) has nowadays culminated in the application of the valency model. This criterion has, however, been counteracted by the weight of (semantic and informative/stylistic) content in the traditional analysis, a factor which had supported a former centripetal movement. At the same time, traditional grammar was close to recognizing clause-modifying adverbial constituents (or clausal adverbs). This announces the centrifugal movement which has led to the fragmentation of the unitary class of compléments circonstanciels on the basis of the criterion of scope. If this change of perspective did not lead immediately to splitting of the class, this is partly due to the fact that adverbs (in ‘circumstantial' use) and adverbial constituents (= the syntactic function) are frequently dissociated. This can be explained by a traditional purely nominal conception of the complément. This conception is linked to the semantic/logical distinction between détermination and identité and can be related to the larger frame of French traditional grammar, which adheres to what I have called a categorial bottom-up approach of syntactic function.
    • La polysémie de l'adverbe encore - Maj-Britt Mosegaard Hansen p. 143-166 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'adverbe encore a un éventail sémantique particulièrement large en français moderne, allant de deux emplois aspectuels – l'un continuatif et l'autre itératif – jusqu'à plusieurs emplois comme connecteur discursif concessif. Entre ces deux pôles, on trouve divers autres emplois, tels un emploi quantifiant, un emploi d'adverbe de degré, etc. Dans cet article, j'émettrai l'hypothèse que encore est un marqueur polysémique, et j'essayerai de relier ses nombreux emplois à première vue très différents dans un réseau sémantique motivé dont le point d'origine est le sens continuatif. Ce faisant, je me servirai surtout de notions théoriques empruntées à Traugott (1990) et à Givón (1995).
      The adverb encore (‘still, yet') has a rather large number of different uses in modern French, ranging from two aspectual uses – continuative and iterative – to a number of uses as a concessive discourse connective, with several other uses (quantifier, degree adverb,...) in between. In this paper, I will argue that encore should be seen as polysemous, and I will attempt to tie these superficially very different uses together in a motivated semantic network of extension from an original, continuative, meaning. Theoretical notions borrowed from Traugott (1990) and Givón (1995) will figure prominently in the analysis.