Contenu du sommaire : Catholiques en République
Revue | Mil neuf cent |
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Numéro | no 34, 2016 |
Titre du numéro | Catholiques en République |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - p. 3-7
Dossier
- Gauche et catholicisme - Jacques Julliard p. 9-15 Les relations entre la gauche républicaine et les catholiques depuis 1789 est l'histoire d'une méfiance réciproque faite de moments de rejet et d'apaisement. L'influence politique fut, jusqu'à la Première Guerre mondiale, le terrain de l'affrontement de ces deux visions du monde qui paraissaient irréconciliables. Mais la loi de Séparation de 1905, puis la Grande Guerre inaugure une longue période de coexistence pacifique et constructive. À l'aube du xxi e siècle, la résurgence du fait religieux, les crispations identitaires et la fragilisation de la démocratie réactivent les antagonismes dont la Manif pour tous fut récemment l'acmé.
- La République et l'Église : Guerre impossible, paix improbable - Éric Thiers p. 17-35 La loi de Séparation de 1905 a établi, dans des conditions difficiles, un modus vivendi entre la République et l'Église, mettant fin à l'opposition, parfois frontale, entre deux modèles idéologiques globaux. Il fallut plusieurs décennies, et deux guerres mondiales, pour que soit trouvé un véritable équilibre. Pourtant, des phénomènes nouveaux sont venus le perturber : l'affaiblissement du modèle républicain, les difficultés de l'Église face au monde contemporain, sa perte d'influence et la montée parallèle de minorités actives, le rapport ambigu de la gauche à la religion, l'irruption de la question de la place de l'islam en France, la multiplication des débats sociétaux qui conduisent le politique à intervenir dans le domaine de l'intime, ouvrant de nouvelles lignes de front avec l'Église. En détournant la célèbre formule de Raymond Aron, on peut conclure que si une guerre est aujourd'hui impossible entre la République et l'Église, tout porte à croire que la paix est improbable.
- Les catholiques et les libertés républicaines - Patrice Rolland p. 37-55 La conception de la liberté est le lieu par excellence de l'affrontement de l'Église avec le monde moderne dont la République est en France le symbole. En 1946 c'est pourtant un catholique qui fait introduire dans la constitution une référence et un hommage aux « libertés républicaines ». La pratique des libertés accordées par la République et le souci de les protéger parfois contre cette même République ont conduit les catholiques, au-delà des condamnations doctrinales, à un comportement actif dans la croissance des libertés sous la IIIe République.
- L'inconscient catholique de l'État républicain : Brèves réflexions sur une histoire française - Julien Barroche p. 57-73 L'Église catholique a non seulement stimulé la densification institutionnelle de l'État en entretenant les termes d'une rivalité mimétique bien connue, mais le catholicisme a aussi apporté une contribution directe et positive à ce processus de solidification dont la portée se révèle sans équivalent ailleurs. À cet égard, la France révolutionnée s'inscrit dans la lignée de l'absolutisme monarchique et, plus encore, dans la continuité de la tradition gallicane, en quoi se résume une bonne part de la spécificité du catholicisme hexagonal. Peut-être la persistance de cette mentalité a-t-elle souterrainement trouvé à se révéler dans le ralliement des catholiques à la République. Toujours est-il que la sécularisation ne saurait avoir eu raison de l'inconscient catholique de l'État républicain ; se logeant dans le rapport que les Français entretiennent avec la politique elle-même, il s'exprime dans ce qui prend parfois les allures d'une véritable religion de l'État.
- Un prêtre au parti ? : Une controverse socialiste en 1909 - Gilles Candar p. 75-90 En France, le socialisme comme courant politique, ancré dans le mouvement républicain depuis le milieu du xix e siècle, se situe à l'avant-garde de l'anticléricalisme et milite pour une ferme laïcité. La loi de séparation des Églises et de l'État représente l'acmé de ce mouvement tout en permettant une recomposition plus complexe des rapports entre catholicisme et socialisme. Faut-il toujours privilégier le modèle républicain et laïque comme fondement du progrès social ou accepter de nouveaux rapports comme en Allemagne ou dans les pays anglo-saxons ? Une controverse en 1909 passionne les militants : est-il possible d'accepter l'adhésion au Parti socialiste d'un prêtre catholique ? Derrière l'affrontement de tendances, notamment entre guesdistes et vaillantistes naguère alliés, émergent de nouvelles configurations du socialisme comme de la laïcité.
- La guerre civile espagnole et les catholiques français : Entre exacerbation de la controverse et confirmation des clivages internes - Yves Palau p. 91-108 La guerre civile espagnole provoque une vive controverse entre les mouvements et les revues catholiques, fermement encadrée par une hiérarchie ecclésiastique majoritairement favorable aux nationalistes. Elle prend le plus souvent une forme exacerbée entre ceux, très majoritaires, qui voient les insurgés espagnols en nouveaux croisés de l'anticommunisme et ceux qui refusent la collusion systématique entre droite et catholicisme. Néanmoins, sur le moyen terme, cette controverse confirme plus qu'elle ne modifie les lignes de clivage préexistantes et accentue, par la pluralité très large des positions qu'elle provoque, l'indifférenciation des idées politiques des catholiques au regard de celles de leurs compatriotes et ainsi leur insertion dans la vie politique républicaine.
- Intellectuels catholiques ? : Réflexions sur une éclipse - Charles Mercier p. 109-124 L'éclipse que connaissent les « intellectuels catholiques » depuis les années 1970 a déjà largement été commentée et étudiée sans que les uns et les autres ne mettent toujours les mêmes contenus derrière l'expression. Nous proposons ici, de manière inductive, de définir les « intellectuels catholiques » comme des universitaires de confession catholique assumant publiquement des liens entre leur activité professionnelle et leur foi. Après une étude des symptômes de leur crise, l'auteur synthétise les pistes interprétatives déjà formulées et en propose de nouvelles, à la lumière de sa fréquentation des archives de René Rémond et de sa réflexion sur le rapport entre l'engagement chrétien et les sciences humaines et sociales.
- Un ralliement inversé ? : Le discours néo-républicain de droite depuis la Manif pour tous - Yann Raison du Cleuziou p. 125-148 Depuis les démonstrations de force de la Manif pour tous, le catholicisme est revenu au centre des débats politiques. La droite politique, les intellectuels qualifiés de « néo-réactionnaires » et une partie des catholiques appellent à une refondation de la République sur les « racines chrétiennes de la France ». Dans leurs discours, trois révérences à l'égard du catholicisme sont repérables. Tout d'abord l'octroi d'un privilège patrimonial au catholicisme dans le rapport que l'État entretient avec les religions ; ensuite la reconnaissance du renfort éthique et civique que l'Église vient apporter à la République ; enfin la mobilisation du catholicisme comme religion majoritaire afin de justifier légitimement le caractère étranger des mœurs musulmanes. Le début du xxi e siècle est marqué par l'émergence d'un nouveau récit politique de l'histoire de France, qui fusionne l'histoire providentielle et le roman national.
- L'impossible religion civile républicaine - Marie Laurence Netter, Jean-Luc Pouthier p. 149-168 La Révolution française a échoué à mettre en place le culte d'un être suprême et une religion civile inspirée du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau. Avertis par cette expérience, les pères de la République ont recherché à la fin du xix e siècle d'autres substituts à la religion traditionnelle comme facteurs d'homogénéité de l'État et de la nation. En même temps, ils ont anticipé le dépérissement du religieux dans la société française. Ce faisant, n'ont-ils pas distendu pour longtemps un lien social dont la fragilité est cruellement ressentie au moment où de nouveaux groupes religieux cherchent leur place dans la société en question ?
- Gauche et catholicisme - Jacques Julliard p. 9-15
Documents
- Deux catholiques dans l'Église et dans la République : Lettres de Raymond Saleilles à l'abbé Louis Birot (1906-1909) - Patrice Rolland p. 169-231 La correspondance de R. Saleilles, professeur de droit civil à Paris, avec le chanoine Birot, vicaire général d'Albi, est tout entière liée à deux crises majeures du catholicisme au début du xx e siècle : la Séparation et la condamnation du modernisme. Représentatifs tous deux de l'entourage catholique libéral de l'abbé Lemire, ils expriment une commune inquiétude devant la fermeture de l'Église devant le monde moderne.
- Deux catholiques dans l'Église et dans la République : Lettres de Raymond Saleilles à l'abbé Louis Birot (1906-1909) - Patrice Rolland p. 169-231
Lectures
- Lectures - p. 233-252