Contenu du sommaire : Les mises en économie de l'environnement

Revue Ecologie & politique Mir@bel
Numéro no 52, 2016
Titre du numéro Les mises en économie de l'environnement
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • Dossier : Les mises en économie de l'environnement

    • Mises en économie de l'environnement et hégémonie politique : Remarques introductives - Soraya Boudia, Dominique Pestre p. 13-18 accès libre
    • La mise en économie de l'environnement comme règle : Entre théologie économique, pragmatisme et hégémonie politique - Dominique Pestre p. 19-44 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse comment les dégâts du progrès et l'anthropisation de la nature ont été gérés des années 1960 à nos jours, et en quoi cela peut permettre de comprendre la médiocrité des résultats. En introduction, le texte revient sur l'idée de mise en économie comme règle. Il insiste sur l'extrême diversité des objectifs fixés et des outils utilisés pour protéger l'environnement, sur le fait que les instruments de marché, s'ils occupent l'espace médiatique, ne sont ni les plus usités ni les plus décisifs. Il propose aussi une lecture historique des transformations que ces régulations ont connues, en insistant sur deux moments clés : les années 1968-1972, qui voient la victoire des économistes et de leur manière de définir la nature des solutions ; et le moment 1988-1992 où la question devient celle des engagements volontaires du monde des affaires en lien avec la « société civile ».
      This article analyses how the environmental consequences of progress were managed from the late 1960s to now, and in which way that could help us understand why results are so poor. It starts by commenting the idea of “economization of environment” as a rule. It shows the variety of objectives and tools for environmental management and insists on the fact that “market instruments,” despite their central place in public discourses, never were at the center of environmental action. The article finally proposes an historical lecture of the changes in regulation. It insists on two moments: 1968-1972, when economists and their tools displaced other forms of expertise and became hegemonic; and 1988-1992, when sustainable development became a matter of corporate management and business voluntary engagements.
    • Des instruments pour mettre en économie l'environnement : L'économicisation par approximation et occultation - Soraya Boudia p. 45-61 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article porte sur la place des instruments économiques dans les diverses tentatives de mise en économie et en marché de l'environnement. Il montre que le recours à ces instruments est à la confluence de plusieurs logiques qui se sont forgées à des moments historiques différents. Ces logiques ne se substituent pas les unes aux autres, elles se superposent, cohabitent et s'hybrident. L'article s'intéresse tout particulièrement au travail politique et cognitif des promoteurs des instruments économiques. Ces derniers opèrent à trois niveaux : ils sont conçus comme un détour pour tenter de définir des prix de biens non marchands, en procédant par approximation ; ils participent d'opérations incantatoires, destinées à modeler les significations et les représentations pour faire du marché le seul horizon politique possible ; et ils jouent le rôle d'une technologie d'occultation de la persistance de pratiques de surexploitation, de dépossessions et d'exercice d'une violence ordinaire.
      The article focuses on the role of economic instruments in different attempts to economicize the environment and build environmental markets. It shows that the use of these instruments is at the confluence of several logics that were forged at different historical moments. These logics are superimposed on each other, they coexist and hybridize. The article considers in particular the political and cognitive work of the promoters of the economic instruments. These instruments operate at three levels: they act as a detour to try to define the price of commons by approximation; they pertain to incantatory operations, intended to shape the meanings and representations in order to impose the market as the only possible political horizon; they contribute to conceal the persistent overexploitation, dispossession and exercise of ordinary violence.
    • Des limites de la mise en marché de l'environnement : Des services écosystémiques aux « banques de conservation » - Valérie Boisvert p. 63-79 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis le milieu des années 1980, les politiques de conservation mettent en avant la valorisation économique de la biodiversité pour assurer sa protection. Son érosion est imputée à son défaut d'intégration au marché, en particulier à l'invisibilité de certaines de ses valeurs, qui ne se traduisent pas dans des prix. Au fil des années, les tentatives de confier la gestion de la biodiversité au marché se sont portées sur des objets différents et ont donné lieu à des arrangements institutionnels variés. Les propositions les plus récentes concernent la valorisation des services écosystémiques et des mécanismes de compensation pour la destruction d'habitats d'espèces protégées. Considérés par leurs promoteurs comme des instruments de marché et par leurs détracteurs comme des projets de financiarisation de la nature, ces dispositifs présentent pourtant des attributs marchands limités. La mise en économie de la biodiversité est un processus complexe dont les effets ne relèvent pas tous de la marchandisation.
      From the mid-1980s, conservation policies have promoted the economic valorization of biodiversity as a way to ensure its protection. The erosion of biodiversity is explained by market failure: its values are considered as invisible because they do not translate into prices. The attempts to develop market instruments have focused on different parts of the ecosystems and have given rise to various institutional arrangements over time. The most recent proposals include payments for ecosystem services and mechanisms to mitigate the destruction of habitats for listed species. While their promoters describe these institutional devices as market-based instruments and their opponents see them as parts of a process of financialization of nature, these schemes have limited market features. The economicization of nature is a complex process and its effects cannot all be described in terms of nature commodification.
    • Mesure et aliénation : Créer un monde de services écosystémiques - Morgan Robertson, Mathias Lefèvre p. 81-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le développement de marchés de l'eau, de la biodiversité et du carbone est le signe d'une nouvelle intensification et financiarisation dans la relation entre le capitalisme tardif et la nature. À la suite de Neil Smith, l'article avance que la marchandisation de tels « services écosystémiques » ne correspond pas simplement à une expansion du capital par l'acquisition ou l'industrialisation de nouvelles ressources ; nous assistons à la création d'un nouveau monde social comparable à la transformation à travers laquelle le travail humain individuel est devenu, sous le capitalisme, du travail social. Les auteurs qui, dans le cadre du courant de la political ecology, étudient la marchandisation de la nature, tendent à négliger cette constitution sociale de la valeur de la nature pour se concentrer explicitement ou implicitement sur les théories physiques de la valeur. Une approche critique se doit, au contraire, d'élaborer une théorie critique de la valeur pour comprendre à la fois les impératifs et les silences dans la campagne actuelle pour définir le monde comme une immense collection de services marchands.
      The development of markets in water quality, biodiversity and carbon sequestration signals a new intensification and financialisation in the encounter between nature and late capitalism. Following Neil Smith's observations on this transformation, this article argues that the commodification of such “ecosystem services” is not merely an expansion of capital toward the acquisition or industrialisation of new resources, but the making of a new social world comparable to the transformation by which individual human labours became social labour under capitalism. Political ecologists struggling with the commodification of nature have tended to overlook the social constitution of nature's value in favour of explicit or implicit physical theories of value. A critical approache to nature must retain and elaborate a critical value theory, to understand both the imperatives and the silences in the current campaign to define the world as an immense collection of service commodities.
    • Un nouvel ordre sanitaire international ? : Performance, néolibéralisme et outils du gouvernement médico-économique - Jean-Paul Gaudillière p. 107-124 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse la façon dont la santé publique internationale a, depuis vingt ans, été transformée par le recours croissant à des outils d'évaluation médico-économique. La perspective défendue est que le néolibéralisme de ce que l'on appelle désormais « santé globale » est moins une question de réduction maximale du périmètre d'action des États qu'une transformation de leur rôle en matière de santé dominée par la question de la performance des investissements et la mise en œuvre d'une « culture de l'audit ». Pour discuter cette question, l'article présente une analyse de la trajectoire et des effets de deux nouveaux instruments de gouvernement : les partenariats internationaux public-privé et un mode particulier d'évaluation de l'incidence des maladies et de la performance des interventions sanitaires, le calcul des DALY, promu à partir du début des années 1990 par la Banque mondiale et l'OMS.
      This paper analyzes the present transformation of international public health through the increasing use of instruments combining medical and economical evaluation. The argument is that the relationship between what is now called “global health” and neoliberalism is less a matter of maximal downsizing of state intervention than a redefinition of nation-states' roles in terms of investments' performance and implementation of an “audit culture.” To discuss this perspective the article follows the trajectory of two instruments which play a decisive role in the new government of health: public-private partnerships, and the calculus of DALYs, a new mode of evaluating the impact of diseases and the impact of health interventions, promoted from the early 1990s onward by the World Bank and WHO.
  • Variations

    • Mouvements sociaux et éco-hétérotopies : Une analyse structurale des mouvements sociaux taïwanais entre 2011 et 2014 - Gwennaël Gaffric, Jean-Yves Heurtebise p. 127-142 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis la première décennie du XXIe siècle, Taïwan est régulièrement le théâtre de mouvements sociaux de grande envergure : manifestations contre l'implantation d'un complexe industriel pétrochimique dans une zone humide, contre la construction d'un complexe hôtelier sur la côte est, contre l'établissement d'une quatrième centrale nucléaire, ou encore plus récemment le mouvement dit des « tournesols » contre l'orientation économico-politique du gouvernement de la République de Chine à Taïwan. Les participants à ces mouvements appartiennent souvent aux mêmes groupes et associations, ou, du moins, partagent en commun un grand nombre de revendications et de pratiques. Dans cette contribution, nous tentons de montrer comment, par-delà l'apparence sectorielle de ces mouvements, ceux-ci se retrouvent dans une critique d'une trajectoire développementaliste, s'exerçant aussi bien à l'échelle de Taïwan qu'à celle du monde. Cette étude n'a pas tant pour ambition de proposer une analyse sociologique de ces mouvements et de leurs participants, que d'insister sur le caractère commun des valeurs revendiquées et les nouveaux lieux existentiels qu'ils contribuent à imaginer : les hétérotopies.
      Since the first decade of this century, Taiwan has regularly been the scene of large-scale social movements: protests against the construction of a petrochemical industrial complex in a wetland, against the establishment of a luxury resort complex on the East Coast, against the construction of a fourth nuclear power plant, or more recently the movement known as the “Sunflower protest” against the economic and political orientations of the Taiwanese (Republic of China) government. Very often, participants in these movements belong to the same groups and organizations, or at least share in common a large store of claims and practices. In this paper, we would like to show how, beyond the belonging of these movements to different domains of activity (political, economic, and ecological), they can converge in their critique of the developmental agenda that guides both Taiwan and the world. This study do not aim to provide a sociological analysis of these movements and their participants, but to emphasize the common ground of their claimed values and the new existential places that they contribute to produce: heterotopias.
    • Habitats, écosystèmes, territoires… même combat ! - Henri Décamps, Michel Juffé p. 143-156 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La notion d'écosystème recouvre de multiples dimensions, à la fois théoriques, pratiques et symboliques. Elle peut être rapprochée des notions de territoire, également riche et complexe, et d'habitat, plus ancienne mais non moins riche et sans doute plus englobante (tout être vivant « habite » quelque chose ou quelque part). Ces multiples dimensions et ces rapprochements s'imposent à toute réflexion éthique concernant les êtres vivants. Celle-ci ne peut être qu'anthropologique – plus précisément « anthropocentrée » et non bio ou écocentrée – et conduire à des mesures juridiques et politiques à mettre en œuvre par la communauté humaine dans son ensemble.
      The concept of ecosystem is of multidimensional nature, at the same time theoretical, practical and symbolic. It may be related to the concept of territory, rich and complex as well, and to the concept of habitat, older but as rich and probably more comprehensive (all living beings inhabit something or somewhere). These multiple dimensions and relatedness must be taken into account in any ethical reflection about living beings. Such an ethical reflection can only be anthropological—that is “anthropocentered,” not bio- or eco-centered—and lead to legal and political measures to be implemented by the whole human community.
  • Sources et fondements

  • Notes de lecture