Contenu du sommaire : Travail(s), santé et usages de substances psychoactives

Revue Psychotropes : Revue internationale des toxicomanies et des addictions Mir@bel
Numéro vol. 21, 2015/1
Titre du numéro Travail(s), santé et usages de substances psychoactives
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • Dossier  : Travail(s), santé et usages de substances psychoactives

    • Pratiques addictives en milieu de travail : impasses du concept et nouvelles perspectives - Gladys Lutz p. 13-34 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La problématique formulée sous les termes de « pratiques addictives en milieu de travail » enferme l'analyse du côté de la responsabilité individuelle et de la psychopathologie. Aux côtés des sciences médicales et du droit, nous mobilisons les approches cliniques du travail afin d'ouvrir la recherche et l'intervention à l'analyse du travail réel, à la multiplicité des usages et à leurs effets ambivalents pour la santé et pour le travail. Historiquement, le champ « pratiques addictives (ou addictions) en milieu professionnel » a contribué à lever le déni autour des consommations d'alcool et de drogues et à améliorer la prise en charge des usagers problématiques. Aujourd'hui, l'enjeu est de rendre visible le sens des usages pour le travail ; toutes les situations de tensions, d'usure, physique et psychique, soigneusement masquées sous l'effet de ces adjuvants chimiques de l'action (licites et illicites) de plus en plus repérés mais trop rarement questionnés dans leurs liens aux activités professionnelles.
      Addictive practices in the workplace: reconceptualization and new perspectives
      The scientific problem, formulated in terms of “addictive practices in the workplace”, incorporates the analysis of individual responsibility and psychopathology. Alongside medical and legal initiatives, we mobilize clinical approaches to begin the real work of research and intervention as we study addictive practices and the effects of ambivalence on work and personal health. Historically, studies of “addictive practices (or addiction) in the workplace” has helped to raise awareness of the consumption of alcohol and drugs and to improve the management of problematic users. Today, the challenge is to shed light on the nature of substance use at work, on the intensity of the situation and the physical and mental repercussions that are carefully hidden from view. The results of chemical dependency may lead to legal and illegal action, increasingly implemented but rarely questioned regarding their effect on professional activities.
    • Le sens des mesures. Usages et circulation des chiffres dans la définition du problème public des drogues au travail - Renaud Crespin p. 35-54 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article revient sur le rôle des chiffres et des statistiques dans le processus de définition publique du problème de l'usage de drogues au travail en France. Lors de ce processus, des approches différentes ainsi que des conflits sur la définition de l'addiction ont fortement clivé l'espace des autorités publiques chargées de réguler tant le problème que le recours au dépistage biologique comme une des solutions techniques pour y répondre. Or, malgré les difficultés pour évaluer et spécifier les risques associés à la consommation de drogues au travail, des chiffres et des statistiques ont circulé dans l'espace public. Interroger le sens des usages de ces données chiffrées dans différents espaces (politique, expertise, administratif, médiatique) permet de mettre en évidence leur dimension rhétorique pour accréditer publiquement de l'existence, de la pertinence mais aussi de l'ampleur des risques comme de la nécessité de dépister pour les prévenir. Sans prétendre se faire l'arbitre des élégances statistiques, notre analyse porte sur la façon dont des données chiffrées « floues » ont participé à cadrer le problème public des drogues au travail. Pour cela, nous insistons sur trois points. D'abord, sur la mobilisation d'expertise par des associations européenne et française de toxicologues professionnels pour promouvoir auprès des autorités publiques les techniques de dépistage comme solution au problème public des drogues au travail. Ensuite, sur les effets rhétoriques (vérité, crédibilité, science-based) que produisent ces données chiffrées sur l'action publique dans le domaine des drogues au travail. Enfin, en posant la question des sources et des interprétations auxquelles ces données chiffrées ont donné lieu, nous discutons des limites de la quantification du problème des drogues au travail.
      The significance of measures. Circulation and appropriation of numbers in the framing process of occupational drug use problem. This article looks at the role of numbers and statistics in the framing process of occupational drug use problems in France. During this framing process, defined issues and conflicts over addiction (psychological vs. toxicological) approaches have divided authorities in the public space, who issue advisories and legal or ethical guidelines on the problem and who offer drug testing as a solution to address it. What is most notable is that the lack of expertise to identify and assess specific risks associated with occupational drug use leaves the knowledge field open for various pundits to pronounce statistics on the problem and publicly promote drug testing as a solution. Without claiming to be able to arbitrate between good and bad numbers, we characterize how rhetoric uses “fuzzy” figures to frame the public problem. To do so, we focus on three points. First, we insist on the role of European and French professional toxicology associations that run public awareness campaigns and lobby government to promote drug testing as a solution for the occupational drug use problem. Second, we analyse the effects of the rhetoric that spreads the use of specific figures in the media and political spaces. For numbers to support the existence of occupational risks associated with occupational drug use, we insist they have credibility and scientific robustness before public action is taken. Finally, in asking where these numbers come from, we try to set their limits for representing and measuring the scope of the problem.
    • L'appropriation du paradigme addictologique à la SNCF : entre réceptions négociées et usages détournés - Félix Lemaître p. 55-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Nous nous intéressons dans cet article aux dynamiques d'appropriation professionnelles et individuelles du paradigme addictologique (discours préventif, méthodologie d'action, théories explicatives). Il apparaît que le discours addictologique participe à une individualisation des enjeux. Un nouveau stigmate est produit : la vulnérabilité. Les liens entre usages et travail sont occultés. La prévention est interprétée comme une campagne de rappel à l'ordre moral grâce à des outils scientifiques. Le discours des préventeurs se confronte aux identités professionnelles et aux stratégies de conservation de la face... L'addictologie est intégrée à une science indigène de la sélection où le corps est évalué et l'esprit catégorisé. Mais, en alertant les professionnels, elle participe aussi à l'émergence de résistances aux logiques disciplinaires.
      Addictologic paradigm appropriation at the SNCF: between negotiated receptions and misuse
      The purpose of this working paper is to describe professional and individual dynamics of the addictologic paradigm appropriation (preventive speech, action methodology, and explanatory theories). It appears that addictologic speech individualizes issues and vulnerability is becoming a new stigma. The links between substance use and work are concealed. Prevention is interpreted as recalling the moral order through scientific tools. Addictology has to deal with professional identity and strategies of face conservation. Its concepts are integrated into an indigenous science of selection, which evaluates bodies and categorizes minds. Addictology can alert and mobilize occupational health actors to withstand disciplinary logics.
    • Les formes différenciées d'usages de produits psychoactifs au travail : les cas des bars-restaurants et des chantiers du bâtiment - Marie Rosaire Ngo Nguene p. 77-95 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article rend compte des formes différenciées d'usages d'alcool, de cocaïne et de cannabis des salariés des bars-restaurants et chantiers du bâtiment en s'appuyant sur des matériaux d'enquêtes essentiellement qualitatifs, recueillis dans le cadre d'un travail de thèse en cours1. Les consommations de produits psychoactifs dans ces organisations suivent des logiques collectives et individuelles qu'il convient d'expliquer. Pour cela, nos analyses prendront conjointement en compte les conditions de travail proprement dites (travail de nuit dans le secteur bar-restauration, pénibilité physique dans les chantiers du bâtiment, par exemple) ; les dynamiques sociales et culturelles des usages de substances psychoactives, leurs propriétés physiques et chimiques ; les caractéristiques sociales des salariés, examinés à travers leurs trajectoires personnelles et professionnelles, en prenant en compte les effets d'âge et de génération.
      Differentiated forms of drug use at work: The case of restaurants, bars and building sites
      Based on empirical research, this paper describes and explains the various types of alcohol, cocaine and cannabis use at work by employees of restaurants, bars and building sites. Consumption of drugs in these work environments are related to collective and individual factors, which are explained. Thus, our analyses will investigate organizational conditions (for example, night work in bars and restaurants and physical difficulties of work in building sites), the social and cultural dynamics of psychoactive substances, their physical and chemical proprieties, and, finally, the social characteristics of employees, their personal and professional paths, accounting for their age and their generation.
    • Les usages de drogues dans les marges du travail : le cas de sans-abri lillois - Vianney Schlegel p. 97-111 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Notre travail s'intéresse aux personnes vivant en situation de grande précarité dans les rues de Lille. L'article montre les liens entre leurs consommations de substances psychoactives (SPA) et leurs activités rémunératrices. L'achat de doses d'héroïne constitue une dépense considérable pour des individus qui multiplient les carences sociales (logement, emploi, santé, famille, etc.). C'est en recourant à la mendicité et à diverses combines qu'ils parviennent à financer leur vie quotidienne et leurs consommations de drogues. La vente ou la revente de drogues et de médicaments psychotropes constitue aussi une solution. En contribuant à éclairer les relations d'influences multiples entre usages de drogues et recherche d'argent, cette étude montre que les activités de ces personnes aux « marges du travail » s'insèrent dans une économie globale et que ces diverses activités contribuent à assurer leurs propres consommations de drogues et, plus indirectement, celles d'usagers insérés.
      Drug use in the margins of work: the case of homeless people in Lille
      The article focuses on homeless people living in Lille, a medium-sized metropolis in northern France. We address the issue of their intertwined drug consumption and search for solvency through various licit and illicit activities. Heroin in particular was massively used by the persons we interviewed; although heroin prices have dropped since the 1970's, its purchase still remains an important investment for those whose daily lives are characterized by deprivation (unemployment, lack of housing and healthcare, disaffiliation from family, etc.). As we show, the homeless manage their daily expenses as well as their drug use, mostly through panhandling and hustling. Trafficking drugs can be a solution as well, which is both very risky and profitable. By analysing how drug use and the search for solvency influence each other, this article shows that homeless people at the margins of work engage in various activities and take part in a peculiar economy and that those practices contribute to financing their drug use as well as that of more entrenched users.
  • Histoire

    • Présentation - Michel Hautefeuille p. 115 accès libre
    • Du vin et du haschisch - Charles Baudelaire p. 116-125 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'ivresse est un thème récurrent dans l'œuvre de Charles Baudelaire. L'essai Du vin et du haschisch paraît en 1851. Le poète s'attache à décrire les comportements sociaux des consommateurs. Il y glorifie le vin, qui « rend bon et sociable ». Le haschisch est condamné parce qu'il est « antisocial », « il est fait pour les misérables oisifs ». Contrairement au vin, il n'incite pas à l'action et annihile toute volonté.
      Drunkenness is a recurring theme in the work of Charles Baudelaire. The essay Du vin et du haschisch is published in 1851. The poet describes the social behavior of consumers. He glorifies the wine, which “makes good and sociable.” Hashish is condemned because it is “antisocial”, and “is made for miserable idle.” Unlike wine, it does not incite to action and destroys any will.