Contenu du sommaire : Fides ex auditu. Théologie et audition dans le christianisme médiéval en Occident

Revue Revue de l'histoire des religions Mir@bel
Numéro tome 233, no 4, 2016
Titre du numéro Fides ex auditu. Théologie et audition dans le christianisme médiéval en Occident
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • ‪Fides ex auditu. Théologie et audition dans le christianisme médiéval en Occident‪ : ‪Avant-propos‪ - Cédric Giraud, Marie Formarier p. 483-486 accès libre
  • ‪La persuasion par le plaisir auditif‪ - Pascale Bourgain p. 487-503 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À partir de la tradition patristique et d'exemples tirés de la littérature médiolatine du Moyen Âge central, l'article entend montrer la manière dont des procédés sonores sont chargés de transmettre la pensée religieuse. La production du sens est induite par l'urgence d'un sentiment ou d'une foi qu'il convient d'exprimer pour la faire partager. Sont donc concernés les sens de l'esprit – et dans le cas de la parole, bien que les artefacts dus à cet effort soient appelés des couleurs, par assimilation au sens de la vue, il s'agit du sens de l'ouïe, chargé de mettre en marche la machine émotive, le sentiment qui entraînera l'assentiment.

    ‪Based on the patristic tradition and on examples taken from the Latin literature of the Central Middle Ages, the article aims to show how sound processes are held responsible for transmitting religious thought. The production of meaning is induced by the urgency of a feeling or a faith that must be expressed in order to be shared. The inner senses are involved – and in the case of speech, although artefacts produced by this effort are called colors, by assimilation to the sense of sight, it is the sense of hearing that is responsible for turning on the emotional machine and leading to the feeling that will result in assent.‪
  • ‪Une écoute individuelle en contexte collectif. Étude de la deuxième personne dans quelques sermons d'Augustin‪ - Mickaël Ribreau p. 505-531 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Dans ses sermons, Augustin utilise souvent la seconde personne du singulier, sans que l'on puisse toujours déterminer s'il s'adresse à un individu précis. Augustin passe fréquemment de la seconde personne du pluriel à la seconde personne du singulier, et inversement, sans rupture, c'est-à-dire sans changement de locuteur présenté comme tel. Plus que d'un « tu générique » ou d'un « tu diatribique », il s'agirait ici d'une « seconde personne du singulier collective » : Augustin s'adresse à l'ensemble de son auditoire constitué d'individus, interpellés personnellement par l'évêque. Le procédé rhétorique étudié possède un arrière-plan théologique et spirituel important, car le sermon engage ce qu'il y a de plus intime chez l'homme, sa relation à Dieu, que nul ne peut connaître sinon lui-même.

    ‪In his sermons, Augustine often uses the second person singular, though it is difficult to determine if it is for a specific individual. Augustine frequently shifts from the second person plural to the second person singular, and vice versa, without breaking, that is to say, without a change of speaker presented as such. More than a « generic you » or a « diatribic you », it would here seem to be a « second person singular collective » : Augustin speaks to his entire audience as individuals, each addressed personally by the bishop. The rhetorical process studied here has an important theological and spiritual background, because the sermon engages with that which is most intimate within man, i.e. his relationship with God, which no one can know except himself.‪
  • ‪Combattre « la vaine volupté de l'oreille » dans la rhétorique cistercienne‪ - Marie Formarier p. 533-555 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article propose une analyse stylistique et musicale des outils rhétoriques mis en œuvre par deux auteurs cisterciens souhaitant dénoncer le plaisir excessif procuré par l'écoute musicale dans certaines circonstances. Le premier texte étudié est le chapitre XXIII du livre II du Miroir de Charité d'Aelred de Rievaulx. Son examen minutieux montre l'influence indéniable de la rhétorique antique du blâme, afin de dénoncer une pratique nouvelle : la polyphonie vocale. Ensuite, l'attention se porte sur différents récits exemplaires écrits par Conrad d'Eberbach en 1190 dans le Grand Exorde. L'ensemble de ce corpus a pour objectif de remettre en cause des pratiques musicales contraires à la dévotion cistercienne, mais aussi d'affirmer, concrètement, la légitimité de la rhétorique dans le cloître.
    This paper offers a stylistic and musical analysis of the rhetorical tools employed by two Cistercian authors who wish to denounce the excessive pleasure caused by listening to music in certain circumstances. The first text is Chapter 23 of Book II of the ‪ ‪Mirror of Charity,‪ ‪ written by Aelred of Rievaulx. Careful analysis shows the undeniable influence of the ancient rhetoric of blame, applied to a new practice: vocal polyphony. I then focus on different stories written by Conrad of Eberbach in 1190 in his ‪ ‪Grand Exorde‪ ‪. This corpus aims, in different ways, to criticize musical practices contrary to Cistercian devotion and also to defend, in practice, the legitimacy of rhetoric in the cloister.‪
  • ‪Voir et entendre la foi de David. Le roi musicien dans les psautiers et les livres d'heures (XIII e-XIV e siècles)‪ - Martine Clouzot p. 557-595 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Très répandue dans les psautiers et les livres d'heures (XIIIe et XIVe siècles), la figure de David auditeur, musicien et locuteur, est contemporaine de la formation de l'université et de la prédication séculière et mendiante. Elle fait partie des formes de communication visuelles et verbales utilisées par les clercs pour l'édification morale des élites cultivées. En illustration des psaumes, les enlumineurs l'ont associée à des instruments, des gestes et d'autres figures – le jongleur et l'insipiens (le fou) – rendant perceptibles son audition divine, son harmonie et sa foi. Se fondant sur la culture du Verbe de la société médiévale et sur les innovations scientifiques de l'époque, sur le son, le mouvement, les sens, ils ont fait de cette Præfigura Christi une image exemplaire et performative.
    The figure of King David as listener, musician and speaker, which appears very frequently in psalters and books of hours (13‪ ‪th‪ ‪-14‪ ‪th‪ ‪ c.), is contemporaneous with the foundation of the university and with secular and mendicant preaching. This is a part of the visual and verbal communication used by scholars for the moral edification of the educated elites. As illustrations of the psalms, the illuminators have associated this figure with musical instruments, gestures and others figures – the juggler and the ‪ ‪insipiens‪ ‪ (madman) –, and have made perceptible his divine hearing, his harmony and faith. Based on the culture of the Word of God specific to medieval society and on scientific innovations of the time involving sound, movement and the senses, they have created an exemplary and performative image of this ‪ ‪Præfigura Christi‪ ‪.‪
  • ‪Gestes ascétiques : le corps et sa voix. Le cas de la mystique Mechthild de Magdebourg (XIII e siècle)‪ - Babette Hellemans p. 597-615 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Das Flieβende Licht der Gottheit écrit par la mystique Mechthild de Magdebourg frappe d'abord par l'immédiateté de la parole et le fait que l'unité de l'œuvre est caractérisée par la variété des formes littéraires. Cet effet paradoxal a souvent été interprété comme caractéristique d'un manque de culture et d'éducation chez l'auteur féminin. Cet article se propose de retracer la polyphonie des voix employées par Mechthild jusqu'au point où la distinction entre un sens littéral et un langage imagé de la sensualité spirituelle fait revenir la notion corporelle de la voix. Le résultat est une épistémologie théologique complexe et unique, dont la portée dépasse la notion orale de la confession.
    Das Flie‪ β ‪ende Licht der Gottheit‪ ‪, written by the mystic Mechthild of Magdeburg, strikes the reader by the immediacy of its words and by the fact that the unity of the work is characterized by a variety of literary forms. The effect of this paradox has often been interpreted as characteristic of its female author's lack of education and culture. This article seeks to trace the polyphony of voices used by Mechthild up to the point where the distinction between the literal meaning and the language filled with images of spiritual sensuality reintroduces the corporeal notion of voice. The result is a complex and unique theological epistemology that goes beyond the spoken concept of the confession.‪