Contenu du sommaire : Arrêter la substitution
Revue | Psychotropes : Revue internationale des toxicomanies et des addictions |
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Numéro | vol. 19, 2013/2 |
Titre du numéro | Arrêter la substitution |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Arrêter la substitution - Michel Hautefeuille p. 5-8
Dossier
- Arrêter la méthadone, pour quoi faire ? - Jean Dugarin, Gaël Dupuy, Patrice Nominé p. 9-22 Entre études cliniques trop rares et analyses cliniques subjectives, difficile de se forger des repères quant à la stratégie d'un arrêt de la méthadone. La seule position raisonnable est peut-être de prendre en compte ces deux types d'approche avec circonspection, et de se forger une philosophie de soin lors de la rencontre avec la singularité de chaque patient. Dans une première partie, est évoqué l'ensemble des conclusions auxquelles sont parvenues ces études scientifiques, avant de faire place à des considérations cliniques issues d'une quarantaine d'années de prescription, en tenant compte de la spectaculaire évolution des contextes qui les ont en partie déterminées.Stop methadone, what for?
Between too rare clinical trials and too subjective clinical studies, it is difficult to find our marks for elaborating a strategy for stopping methadone. The only reasonable position is to consider these two approaches with caution, and to forge a philosophy of care accounting for the uniqueness of each patient. In the first part of this article, the conclusions of scientific studies are discussed, and in the second part, the clinical considerations are developed based on forty years of experience, while recognising the changing context. - Représentation des traitements de substitution aux opiacés et de leur arrêt. Regards croisés patients/médecins - Morgane Guillou Landreat, Charles Rozaire, Caroline Vigneau Victorri, Marie Grall-Bronnec p. 23-44 Les traitements de substitution de la dépendance aux opiacés sont commercialisés depuis la fin des années 1960 aux États-Unis et depuis 1996 en France. Les objectifs de ces traitements se sont élargis : au-delà de l'arrêt des consommations d'héroïne, ils sont recentrés sur l'amélioration du fonctionnement psychosocial du patient et de sa qualité de vie. Ils sont désormais envisagés comme des prescriptions au long cours, ce qui modifie les « carrières » des patients et leur profil clinique sous traitement. Mais après une réadaptation psychosociale et une amélioration des conduites addictives, souvent obtenues après plusieurs années, est-il possible d'envisager l'arrêt de ce traitement ? Les durées optimales de prescription et les modalités d'arrêt des traitements de substitution dans le cadre de la dépendance aux opiacés sont très débattues et dépendent en partie des représentations des patients et des prescripteurs vis-à-vis du traitement. Face à ces questionnements, nous avons mené un travail explorant les représentations des traitements de substitution et de leur arrêt du point de vue du patient et du médecin. L'objectif est tout d'abord de croiser les représentations des patients et des médecins vis-à-vis des TSO, et secondairement d'identifier la place du désir d'arrêt du traitement de substitution chez les patients. Ce travail se constitue en trois volets : un premier volet exploratoire sur les représentations des patients vis-à-vis de leur MSO, un second concernant les représentations des médecins vis-à-vis des MSO et enfin un troisième volet abordant la question de l'arrêt des MSO chez les patients. La buprénorphine et la méthadone sont des traitements médicamenteux dont la place aux yeux des patients et des prescripteurs est effectivement bien particulière. La majorité des patients interrogés considèrent qu'il ne s'agit pas de traitements comme les autres, et l'arrêt de la buprénorphine est un motif de demande de soins en addictologie au même titre que les SPA non médicamenteuses. De plus, la majorité des médecins interrogés, expérimentés ou non dans le domaine ont des avis très disparates et n'identifient pas clairement la buprénorphine comme un médicament. Cette perception complexe et ambivalente chez les patients et les prescripteurs dépend de plusieurs facteurs : les interactions entre les caractéristiques interindividuelles des patients, l'histoire de leurs troubles, les caractéristiques des médecins et leurs modalités de pratiques professionnelles et enfin la relation thérapeutique instaurée.Representation of opiate substitution treatment and their stop. Viewpoints of patients/doctors
Buprenorphine and methadone are efficient opiate related disorders treatment, which have been prescribed in France since 1996. However, duration of treatment and treatment withdrawal management are not well known. Very few studies examine how patients and physicians feel about buprenorphine and methadone, as well as treatment withdrawal. We led a study, first, asking opiate dependent patients what they felt about their treatment. Second, we asked physicians about their feelings on buprenorphine prescription. Third, we collated the views of patients on buprenorphine withdrawal. Our work shows that patients' and physicians' feelings about buprenorphine and/or methadone are very important in treatment management. Opiate dependence treatment is not considered as other medical treatment by patients and physicians. We assume that these feelings depend on many factors: patients' sickness history, the way physicians work and, especially, the therapeutic relationship. - Recours aux traitements de substitution dans les sorties des addictions - Laurence Simmat-Durand, Maelle Planche, Marie Jauffret-Roustide, Claude Lejeune, Laurent Michel, Sarra Mougel, Natacha Vellut p. 45-66 Cet article explore la place des traitements de substitution (TSO) dans les trajectoires de personnes sorties d'au moins une consommation, à partir des résultats d'une enquête par questionnaire abordant plusieurs aspects de la vie des personnes. Au total, 341 personnes ont été rencontrées via des structures de soins en addictologie et des groupes d'autosupport. Nous nous focalisons sur celles (N=203) ayant consommé quotidiennement de la BHD ou de la méthadone au cours de leur vie. Quatre groupes peuvent être distingués sur la base des modalités de sorties de la consommation : les abstinents, les « encore sous TSO », ceux qui sont passés à un autre produit et les « non-sortis ». L'analyse des caractéristiques des personnes concernées, de leur sentiment d'être sorties et de la définition qu'elles en donnent, met en évidence des conceptions ambivalentes du rôle des TSO dans les sorties des addictions.Place of opiate substitution treatments in the trajectories of recovering people
The place of opiate substitution treatments in the trajectories of recovering people are explored in this article, using the results of a survey questioning different aspects of their lives. A total of 341 persons were met in addiction treatment centers and self-help groups. We focused on those (n=203) who were prescribed a daily treatment of methadone or high-dose buprenorphine in their lives. Four groups were identified according to their pathways of recovery: those who were abstinent, those still in treatment, those who shifted to another product (illicit drug or alcohol) and those who were still dependent. The analysis of their characteristics, feelings about their recoveries and their personal definitions of what recovery is, shows ambivalent conceptions of the role of OST in the recovering process. - Arrêt des traitements de substitution : point de vue clinique - Muriel Grégoire p. 67-81 La question de l'arrêt des Traitements de Substitution aux Opiacés (TSO) est régulièrement posée lors de la prise en charge des patients sous substitution. Il est important de sortir des positions idéologiques ou dogmatiques nombreuses sur le sujet. Il faut pouvoir travailler en concertation avec les usagers en adaptant la clinique à chacun, en fonction de son vécu et de ses demandes, mais aussi de notre savoir. À partir de notre expérience au centre médical Marmottan, nous verrons quand et comment un traitement de substitution est mis en place, les raisons le plus souvent invoquées par les patients pour arrêter les TSO, la demande du patient, la question des comorbidités et enfin, comment arrêter ce type de traitement.Stopping substitution treatment, a clinical point of view
The question of stopping a substitution treatment is regularly asked in the management of patients on substitution. It is important to get out of the many ideological or dogmatic positions on the subject. We have to be able to work in consultation with the users by adapting our clinic to each subject, according to his experience and his demands, but also our knowledge. From our experience in the centre médical Marmottan, we will see how and when a substitution's treatment is implemented, the reasons most often cited by patients to stop the treatment, the patient's request, the issue of comorbidities, and finally, how to stop this type of treatment. - Étude rétrospective à deux ans des hospitalisations pour arrêt de la méthadone au Centre Médical Marmottan : Succès, échec et sens dans le parcours du patient dépendant - Héloïse Pham-Orsetti p. 83-96 Si l'efficacité des traitements de substitution n'est plus à démontrer en termes d'impact sociosanitaire, de nombreux patients sous traitement de substitution expriment le désir d'arrêter la substitution, évoquant souvent une lassitude de la dépendance, des impératifs familiaux ou professionnels. Au Centre Médical Marmottan, de nombreux patients viennent ainsi demander une hospitalisation pour sevrage de méthadone ou de buprénorphine. Nous avons réalisé une étude rétrospective portant sur les caractéristiques et le devenir des 21 patients hospitalisés pour arrêt de la méthadone au cours de l'année 2011 au Centre Médical Marmottan. En 2013, parmi ces 21 patients, 9 avaient repris un traitement par méthadone, 8 étaient perdus de vue, 4 étaient toujours suivis au centre et n'avaient pas repris de traitement par méthadone. Parmi ces 4 patients, 2 étaient dépendants à l'alcool. Si la demande initiale est souvent celle de sevrage définitif de la méthadone, les résultats de notre étude montrent que la réalité est plus complexe, et que l'hospitalisation n'est souvent qu'une étape dans le parcours du patient dépendant. Répondant aux demandes de patients souhaitant arrêter la substitution, l'hospitalisation – moment de rupture avec le produit, mais aussi avec l'environnement – participe ainsi d'une clinique de l'addiction qui, au-delà du sevrage et de l'abstinence, accompagne le patient dans son questionnement sur la dépendance et le rôle qu'elle joue dans son lien aux autres et à lui-même.Hospitalisations for methadone cessation at Centre Médical Marmottan: a retrospective study
Substitution treatments have proven to be efficient in terms of social and sanitary impact. Nevertheless, many patients express a desire to stop substitution, often citing weariness of dependence and familial or professional reasons. Many come to Centre Medical Marmottan asking for hospitalisation for methadone or buprenorphine cessation. We conducted a retrospective study describing the characteristics and outcomes of 21 patients hospitalised in 2011 at Centre Medical Marmottan. Among these 21 patients, in 2013, nine were still under methadone treatment, eight were lost to follow-up, four had no methadone treatment and were still followed at Centre Medical Marmottan. Among these four patients, two were presenting a dependency on alcohol. If patients' initial request is often to be hospitalised for definitive methadone cessation, these results show that the reality is more complex, and that hospitalisation is often a stage in the journey of dependent patients. Answering to patients' demands for substitution cessation, hospitalisation is thus part of a vision of addiction which, beyond withdrawal and abstinence, accompanies patients in their interrogations on dependence, and on the role it plays in their relations to others and to themselves. - Le temps des vacances : un temps impossible pour les toxicomanes ? - Mario Blaise, Emmanuelle Picot p. 97-105 Il faut non seulement réussir dans la vie sociale et professionnelle, mais il est maintenant devenu tout aussi impératif de réussir ses vacances. Comment les personnes dépendantes aux opiacés réagissent-elles à cette injonction ? À partir de plusieurs situations cliniques de patients qui travaillent, se posent les questions de leurs difficultés à prévoir et organiser ces moments de vacances. Le premier réflexe est souvent de profiter de cette période pour arrêter ou diminuer le traitement de substitution. Ces périodes sont souvent vécues comme « vides » et peuvent devenir des temps de rechute. Pour les patients sous traitements de substitution, malgré une certaine souplesse des équipes soignantes, la perspective d'organiser un voyage bute très vite sur les contraintes et obligations législatives auxquelles sont soumis ces traitements. Dans le champ du social, parler de vacances semble incongru. Comment peuvent-elles être un projet social ? Élaborer un possible séjour de vacances, hors ou dans une prise en charge institutionnelle, pour ce public aux ressources individuelles souvent faibles ou isolé familialement, reste encore complexe.Holiday time: an impossible time for drug addicts?
We must succeed in social and professional life, but it has now become equally important to succeed in our vacations. How should addicted people respond to this injunction? In several clinical situations where patients work, questions arise about their difficulties in planning and organising holidays. The first instinct is often to take advantage of this period to stop or decrease the substitution treatment. These periods are often experienced as “empty” and can be the cause of a relapse. For patients in substitution treatment, despite some flexibility of the care teams, the prospect of organising a trip conflicts with constraints and legislative obligations of treatments. In the social field, talking about holidays seems incongruous. How can they be a social project? Developing possible holiday for this public remains complex.
- Arrêter la méthadone, pour quoi faire ? - Jean Dugarin, Gaël Dupuy, Patrice Nominé p. 9-22