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Revue | Annales de géographie |
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Numéro | no 713, 2017/1 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les noms du tram. Quand les dénominations des stations disent le projet de ville - Lucas Destrem p. 5-30 Cet article propose une réflexion critique sur les noms de stations des réseaux de tramway français et les méthodes mises en place pour les choisir. Par une analyse typologique d'un corpus des noms des stations françaises et un focus sur les cas de Brest et Montpellier, et en rappelant la charge symbolique et politique importante du « tramway à la française », on remarque qu'en dépit de la dépendance importante de la toponymie du tramway au tissu urbain, ces noms semblent faire l'objet d'une appropriation stratégique et performative. Par différents procédés d'interprétation et représentation des référents géographiques, la simple fonction de repérage est ainsi surpassée. On établit donc le postulat de noms délibérément sélectionnés comme supports et outils participant de l'énonciation d'un projet rhétorique et politique signifiant, à savoir l'institution de l'agglomération comme métropole compétitive. L'analyse de cas toponymiques emblématiques dessine enfin des perspectives dans l'étude des nouveaux codes de l'action publique, comme la quête du modèle participatif idéal et le rôle croissant de la sphère privée.This paper deals with French tramway station names and methods which determine them, and fits into “critical toponymy” thinking of several geographers since the 2000s. After highlighting the powerful effect of the political symbolism of the tramway in France is, the Authors classify names into model types according to their context of formalisation and the spatial dimension they refer to, and focus on toponymic policies of Brest and Montpellier networks. This helps explain the way names are strategically appropriated in order to be performative, in spite of the fact that at first sight, tram place names deeply depend on the pre-existing urban morphology. Some highly specific processes used to produce translations and representations of geographical referents of these place names are defined in the article. These considerations lead the Authors to consider that tramway station names are not only basic landmarks but also artefacts of a meaningful political message which drives the competitive metropolisation of regional urban areas in France. Analysis of emblematic cases of toponymy and their stakeholders draws potentially interesting conclusions for studies of new codes of public governance, such as the quest for the perfect participative model and the growing role of private actors.
- Mobilité au quotidien et ancrage local dans les espaces périurbains - Sandrine Berroir, Matthieu Delage, Antoine Fleury, Sylvie Fol, Marianne Guérois, Juliette Maulat, Lina Raad, Julie Vallée p. 31-55 Les espaces périurbains sont souvent considérés comme des lieux où les contraintes de la mobilité s'exercent de manière particulièrement forte sur les habitants, imposées par la faible densité de ces territoires et la dispersion des ressources telles que les lieux d'emploi, les services et commerces ou encore les équipements. Cependant, depuis une dizaine d'années, cette image largement dépréciative des mobilités périurbaines est remise en cause : loin d'être caractérisé par une dispersion généralisée, le périurbain apparaît comme structuré par des pôles d'activités et de ressources, qui organisent les pratiques spatiales et sociales des habitants dans des espaces de proximité. À partir de l'analyse qualitative et quantitative d'entretiens menés en 2013 auprès d'une centaine d'habitants de trois secteurs situés au nord de la métropole parisienne (autour d'Écouen-Ézanville, Méru et Senlis), cet article s'attache à décrire les rapports que les habitants du périurbain entretiennent avec leurs territoires en articulant plutôt qu'en opposant les notions de mobilité et d'ancrage. Si les pratiques de mobilité des habitants et leurs espaces de vie sont fortement structurés par leur position sociale, l'ancrage local apparaît comme un élément valorisé par l'ensemble des habitants interrogés, quelle que soit leur appartenance sociale.‘Peri-urban' areas are often considered as places where mobility constraints are particularly difficult for inhabitants, owing to the low density and dispersal of resources such as employment, retail structure or services. However, over the last ten years this negative image of ‘periurban'mobilities has been called into question : far from being characterized by sparse and distant resources, ‘periurban'areas tend to be more and more structured by local territories, and formed by proximity. Using a series of interviews with 100 inhabitants in the North of the Parisian Metropolis (Senlis, Méru, and Écouen-Ézanville), this paper explores the relationship between the inhabitants and their place of living, by linking rather than opposing the notions of mobility and local attachment, which differ according to social position, individual characteristics, spatial contexts and place attachment, valued by all the residents interviewed, whatever their social category.
- De la ressource naturelle à la construction nationale : analyse géopolitique du projet d'exploitation du lithium du salar d'Uyuni, en Bolivie - Audrey Sérandour p. 56-81 La Bolivie détient l'un des plus grands gisements de lithium au monde, et dans un contexte mondial d'augmentation de la demande de ce métal alcalin – servant notamment dans la construction de batteries – elle est l'objet de convoitises. Cependant, le gouvernement bolivien a décidé de ne pas céder aux offres des entreprises étrangères et d'exploiter lui-même ses ressources naturelles. Depuis 2008, une entreprise d'État gère donc le projet d'exploitation des réserves lithinifères du salar d'Uyuni, mais les résultats se font attendre. Pourtant, dans un pays familier des mouvements sociaux, aucune protestation d'ampleur n'a éclaté. Au contraire, il existe un véritable consensus autour du projet. Une enquête de terrain d'un mois en Bolivie nous a permis de comprendre comment les dirigeants boliviens ont fait de cette ressource naturelle un objet de fierté nationale, malgré les difficultés rencontrées. Dans cet article, nous adopterons une analyse géopolitique et multi-scalaire, afin d'appréhender le projet lithium en lien avec le territoire et les acteurs qui l'occupent.Bolivia holds one of the most important deposits of lithium in the world. In a global context of increased demand of this alkaline metal – particularly used in making batterie – the country arouses keen interest. However, the Bolivian government decided not to cave in to the offers of foreign companies and to exploit itself its natural resources. Since 2008, a government corporation manages the lithium exploitation project of Uyuni salar, but the results are slow to appear. Nevertheless, in a country familiar with social movements, no significant protest arose. On the contrary, there is a real consensus around the project. A month of investigation in Bolivia helped us to understand how the Bolivian leaders made this natural resource a source of national pride, in spite of the difficulties met on the ground. In this article, the Authors adopt a geopolitical and multi-scalar analysis, to approach the lithium project through its connection with the territory and its inhabitants.
- La justice spatiale pour re-visiter et comprendre mieux l'Afrique du Sud métropolitaine - Philippe Gervais-Lambony p. 82-106 L'article vise à appliquer au cas des grandes villes sud-africaines, et plus spécifiquement à celles de la Province du Gauteng, une approche en termes de justice spatiale pour l'exemplifier. Ce positionnement enrichit l'approche des inégalités spatiales qu'il ne s'agit pas seulement de mesurer et localiser mais d'analyser en termes de justice et d'injustice. Cette analyse est conduite de manière non normative, c'est-à-dire qu'est prise en compte la diversité des définitions de la justice sociale, à la fois les définitions théoriques et les représentations du juste des acteurs locaux. Ces définitions sont croisées avec un autre champ théorique, celui des théories de l'espace et c'est ce croisement qui est une avancée proposée par rapport aux travaux existants sur la justice spatiale. Pour analyser les conséquences de l'organisation de l'espace en termes de justice et d'injustices sociales, en même temps que les conséquences des injustices sociales sur l'organisation de l'espace, sont revisités successivement les politiques d'apartheid, les politiques post-apartheid et le cas d'un conflit local contemporain dans un quartier périphérique de l'aire métropolitaine d'Ekurhuleni.The paper applies the concept of spatial justice to a case study of urban South Africa, focusing on the Province of Gauteng. It argues that it is a matter of urgency to go beyond simply measuring inequalities and to work also on how they are perceived, and therefore on perceptions and representations of what is just and unjust. It is all the more urgent because, in South Africa as in most of the world's major cities, inequalities are on the rise and the population's cultural diversity is increasing or is more apparent and is perceived differently from the past. This is done here in a non normative way, using diverse definitions of social justice and confronting them with the diverse dimensions of space (both theoretical and representations made by local agents). After examining the spatial system under apartheid in terms of justice and injustice, the paper looks into the post-apartheid situation in general and, lastly, using a local-scale case study concerning the Ekurhuleni Municipality.
- Portrait en groupe de femmes-géographes. La féminisation du champ disciplinaire au milieu du xxe siècle, entre effets de contexte et de structure (1938-1960) - Nicolas Ginsburger p. 107-133 À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la géographie universitaire française est féminisée à hauteur d'un tiers de ses étudiants, mais ses enseignants sont encore tous des hommes. Dix ans plus tard, les premières titulaires sont nommées et l'Union géographique internationale voit accéder à sa vice-présidence l'une des pionnières francophones de la discipline. À la fin des années 1950, on constate à la fois peu de changements du point de vue de la présence féminine dans les facultés, et l'émergence de nombreuses enseignantes et chercheuses, destinées à devenir des personnalités dominantes de la discipline. L'objectif de cet article est de décrire et d'expliquer les mutations à l'œuvre pendant les années 1940 et 1950, ouvrant la voie à une nouvelle génération, née dans les années 1920, entrant dans la carrière aux lendemains de la guerre et connaissant des trajectoires souvent marquées par le succès. Il s'agira notamment d'évaluer certains effets de changements structurels (agrégation de géographie, CNRS), la diversité des situations locales et la réalité de cette amélioration dans l'accès de géographes féminines à la carrière de géographe académique.Just before World War Two, one third of the geography students in France were women, but all university teachers were men. Ten years later, the first women professors were appointed in Lille and Grenoble universities, and one of the French-speaking pioneer female geographers became vice-president of the International Geographical Union. Around 1960, the feminine part of the French academic community was still low, but a greater number of women teachers and researchers became apparent who later were to become dominant. This article aims at describing and explaining certain changes in French academic geography of the 1940s and 1950s, and the way a new generation of women, born in the 1920s, rose up, entering the discipline just after the war and pursuing successful careers. The article also assesses the consequences of the creation of new job opportunities (geography agrégation, National Centre for Scientific Research - CNRS), the diversity of local situations and the general but contrasting improvement of the professional situation for women geographers.
- Comptes rendus - p. 134-136