Contenu du sommaire : La gauche est morte, vive la gauche !
Revue | Mouvements |
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Numéro | no 89, janvier 2017 |
Titre du numéro | La gauche est morte, vive la gauche ! |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : La gauche est morte, vive la gauche !
- Éditorial - Catherine Achin, Barnabé Binctin, Renaud Epstein, Irène Jami, Philippe Marlière, Sylvia Zappi p. 7-10
- « Dépassement » ou effacement du parti socialiste (2012-2017) ? - Rémi Lefebvre p. 11-21 Avec l'élection d'un ancien premier secrétaire du parti à l'Elysée et d'une majorité socialiste à l'Assemblée, l'année 2012 a marqué l'apogée du parti socialiste, qui dirigeait alors la quasi-totalité des régions, 60 % des départements et les deux tiers des villes. À l'approche de la fin du quinquennat, le PS semble menacé de mort. Incapable d'infléchir la ligne sociale-libérale choisie par François Hollande, le parti a dû assumer les choix de l'exécutif, dont les effets ont été dévastateurs sur le plan interne comme d'un point de vue électoral. Dépolitisé et désidéologisé, le PS a vu son appareil, largement construit autour des collectivités, se décomposer avec la perte de nombreuses villes, agglomérations et régions. Rémi Lefebvre retrace ici cinq années d'effacement du parti socialiste, au cours desquelles il est passé d'une position dominante à une situation de déshérence, sinon encore de disparition.
- L'évidement idéologique du Parti socialiste - Rafaël Cos p. 22-31 Le sombre bilan du quinquennat de François Hollande ne peut être imputé au seul contexte économique international. Il résulte aussi des recompositions idéologiques du Parti Socialiste depuis la fin de l'ère mitterrandienne et du désinvestissement du travail programmatique par ses responsables. L'absence de corpus doctrinal original, la dépendance croissante aux schémas de l'adversaire et l'intrication croissante des élites partisanes avec le champ du pouvoir économique constituent autant de facteurs qui ont abouti à vider le mot « socialisme » de tout contenu identifiable.
- Pourquoi la gauche de gouvernement a-t-elle oublié le travail ? - Dominique Méda p. 32-42 Un retour sur les cinq années de la présidence de François Hollande met en évidence la distance entre les promesses de campagne et la politique économique de l'offre réellement menée. En ce qui concerne plus particulièrement le travail, la loi sur la sécurisation de l'emploi et la loi El Khomri ont résolument tourné le dos à la justice sociale en faveur d'une politique « sociale-libérale ». Pour Dominique Méda, ce tournant, qui n'est pas sans rappeler celui de 1982-1983, est le résultat non seulement de la concurrence entre des responsables politiques mais aussi entre des coalitions de réseaux et d'idées et le poids dans ces derniers, des organisations patronales, des think tanks et... des économistes.
- L'échec de Hollande sur l'écologie est aussi celui d'EELV - Patrick Farbiaz p. 43-52 Énergie, agriculture, climat, infrastructures, etc. : en matière d'écologie, les renoncements et les reculs auront été nombreux sous le quinquennat de François Hollande. Si ce bilan est sombre, il appartient également à Europe Ecologie Les Verts (EELV) qui y a participé pendant les deux premières années, avant de s'isoler sur la scène nationale et de subir plusieurs revers électoraux. Patrick Farbiaz dresse un tableau sans concession de la crise de l'écologie politique, dont les racines sont toutefois plus anciennes. Désormais au pied du mur, l'écologie politique se trouve enjointe à repenser son orientation stratégique, son ancrage social et son positionnement au sein de la gauche post-croissance.
- La gauche et la diversité : une occasion manquée, de nouveau - Vincent Tiberj p. 53-61 La gauche continue de voir la diversité avec des œillères qui l'empêche de répondre aux enjeux d'une société française multiculturelle. L'intégration, au sens classique du terme, est faite. L'opinion, si souvent invoquée, plus ouverte que les politiques, en a pris acte. Les récents attentats terroristes n'ont pas inversé la tendance. Vincent Tiberj explique que ce sont nos politiques publiques qu'il faut changer, en sortant enfin d'un modèle républicain daté et inégalitaire.
- Républicanisme critique et religion - Cécile Laborde p. 62-68 Depuis quelques années, on peut noter une dérive communautariste du républicanisme français, y compris dans les rangs de la gauche. Selon cette interprétation, la nation est définie de manière substantialiste, comme adhésion à une conception particulière du bien et de la vie bonne – un mode de vie français, caractérisé par des modes de sociabilité publique et privée. Contre cette dérive identitaire, il convient de défendre un républicanisme de la non-domination. Dans ce cadre, l'important est non que les citoyens s'émancipent de leur croyance religieuse, mais qu'ils ne soient pas dominés par des pouvoirs arbitraires – religieux, patriarcaux, économiques, administratifs, etc. La république de la non-domination serait ainsi un antidote à la laïcité identitaire qui ne cesse de gagner du terrain.
- Paysage féministe après la bataille - Catherine Achin, Viviane Albenga, Armelle Andro, Irène Jami, Samira Ouardi, Juliette Rennes, Sylvia Zappi p. 69-77 Cet article collectif revient sur le bilan du quinquennat Hollande en matière d'égalité des sexes et des sexualités. Il s'applique à rappeler, certes, les débuts ambitieux et des avancées législatives incontestables, mais pointe aussi les renoncements et les contournements. La prise en charge de questions soi-disant « culturelles » ne saurait compenser les choix de politique économique et sécuritaire. Le raidissement du gouvernement socialiste sur l'égalité « républicaine » masque l'emprise du sexisme et du racisme sur les champs politique et médiatique et nie la pluralité des mouvements féministes contemporains.
- À gauche de la gauche : des partis entre désencastrement social et vide stratégique - Paul Boulland, Vanessa Jérome, Julian Mischi, Ugo Palheta p. 78-89
- La fin de la démocratie des Modernes ? - Yves Sintomer p. 90-98 La démocratie libérale, qui semblait avoir définitivement triomphé de ses adversaires à la fin du XXe siècle, traverse une crise globale. Dans les nouvelles démocraties surgies depuis 1989 comme dans les vieilles démocraties d'Europe ou d'Amérique du Nord, les scénarios de la post-démocratie et de l'autoritarisme deviennent chaque jour plus crédibles. Dans ce contexte, une démocratisation radicale de la démocratie s'impose, estime Yves Sintomer, pour faire contrepoids au capitalisme financier mondialisé, pour répondre aux défis écologiques et pour poser la question de la justice sociale à une échelle transnationale.
- La social-démocratie en Europe : crise terminale ou nouveau « champ de bataille » ? - Fabien Escalona p. 99-111 Dans les années 1990, dans une période de croissance économique, l'abandon d'une « social-démocratie keynésienne » et son remplacement par une « social-démocratie de marché » a permis aux partis sociaux-démocrates de ralentir leur déclin et de connaître d'importants succès électoraux. Depuis 2008, dans le contexte d'une crise économique sans précédent et en l'absence de croissance, l'accommodement aux règles du capitalisme financier est devenu synonyme de renoncement total aux dogmes néolibéraux. La social-démocratie est à un tournant historique car cette situation inédite pourrait rapidement mettre en jeu son existence comme force modérée et majoritaire à gauche. Mais aucune dirigeante de premier plan (à l'exception, timidement, du PS portugais et, difficilement, de Jeremy Corbyn), ne semble vouloir pour le moment remettre en cause cette ligne d'accompagnement acritique du capitalisme.
- Podemos : l'irruption d'un nouveau parti politique en Espagne - Héloïse Nez p. 112-121 Podemos est un phénomène à la fois récent et en pleine expansion : ce parti qui a émergé il y a trois ans en Espagne, dans la foulée du mouvement des Indignés, est aujourd'hui l'un des principaux acteurs de la scène politique nationale. Il est également devenu un référent de la gauche anti-austérité en Europe. Cet article revient sur les origines de Podemos pour comprendre l'émergence d'un nouveau parti politique sur le continent européen. Il souligne la spécificité du contexte de crise à l'échelle nationale, interroge les relations avec le mouvement des Indignés et s'intéresse aux trajectoires et références des fondateurs du parti.
- Entre cigale et fourmi : regards sur la politique économique de la gauche au Brésil : Entretien avec Pierre Salama - Jean-Paul Gaudillière, Irène Jami p. 122-130 Au milieu des années 2000, l'Amérique latine pouvait apparaître comme le laboratoire d'une gauche qui – de l'Équateur au Brésil, en passant par la Bolivie – s'engageait dans un processus original d'exercice du pouvoir, se revendiquant à la fois de la lutte contre la pauvreté, de la mobilisation de l'État en faveur de nouvelles formes de croissance économique, voire de l'empowerment des populations indigènes. Mouvements s'en était fait l'écho. Dix ans plus tard, la scène a radicalement changé. Tous les gouvernements de gauche sont en situation d'échec. Pierre Salama, spécialiste des questions de développement et fin connaisseur des économies latino-américaines, revient ici sur les choix qui – de la priorité à l'exploitation des matières premières à l'accommodement avec la montée des inégalités, sans parler de l'instrumentalisation de la corruption – sont, au-delà des effets de la crise financière surgie en 2008, à l'arrière-plan de ce retournement.
- Face à Trump, quel avenir pour la gauche aux États-Unis ? - Jim Cohen, Julien Talpin p. 131-141 La gauche américaine a connu un moment historique de visibilité en 2016 grâce à la campagne de Bernie Sanders dans les élections primaires. Suite à l'élection de Donald Trump elle oscille aujourd'hui entre découragement et mobilisation. Comment résister à la vague réactionnaire, inverser la droitisation du pays et constituer des majorités politiques vectrices de justice sociale ? Ces questions stratégiques auxquelles est désormais confrontée la gauche américaine ne sont pas sans rapport avec celles qui sont posées aux gauches européennes.
- Jeremy Corbyn et le Parti travailliste : une drôle de paix - Pierre Walthéry p. 142-148 La nette réélection de Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste a calmé les tensions internes entre la direction et le groupe parlementaire qui lui est majoritairement hostile. Une « drôle de paix » s'est instaurée entre les deux camps. Mais il est peu probable que ce soit là la fin des hostilités. Corbyn peine à imposer son leadership et sa politique à l'ensemble de son parti en dépit d'un large soutien militant. Il doit subir l'opposition totale de la « droite blairiste » qui pense qu'il est illégitime à ce poste, ainsi que d'une majorité hétéroclite qui doute de sa capacité à rassembler le parti et à le mener à la victoire. Ce face-à-face handicape pour le moment le travail d'opposition au gouvernement conservateur qui mène une politique d'austérité radicale et s'apprête à faire sortir le Royaume-Uni de l'Union européenne.
- Une barricade de mots pour défendre la ZAD - p. 149-154 « La ZAD n'est pas une « zone de non droit » : c'est un monde d'auto-organisation, de création de communs hors de la marchandise, d'échange de savoirs et d'agriculture paysanne, de féminisme et de solidarité avec les migrants, un monde où se déploient de nouvelles façons d'habiter le territoire et de se soucier du vivant. C'est un puissant terreau qui fertilise les imaginaires politiques, un lieu auquel nous s ommes puissamment attachés, une richesse que nous sommes résolus à défendre ».C'est par ces mots que différentes personnalités, issues du monde des livres, des lettres et des savoirs, ont lancé un projet d'abécédaire1 sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, à l'automne 2016. Après la tentative avortée d'évacuation par le gouvernement Ayrault en octobre 2012, la ZAD est devenue un symbole d'occupation contre les Grands Projets Inutiles et Imposés que représente le projet d'aéroport du Grand Ouest. Les textes ici sélectionnés parmi la cinquantaine qui ont été produits pour l'occasion donnent à voir différentes dimensions de la lutte qui s'y joue, avec succès, depuis tant d'années.
- L'antiracisme politique et la gauche : une alliance possible ? Le point de vue de l'association Alcir - Malika , Karen , Bertrand p. 155-163 Alcir, l'Association de Lutte contre l'Islamophobie et les Racismes de Paris 20, organisait le 21 septembre 2016 son meeting « Pour un Printemps de la liberté, de l'égalité, de la fraternité », en riposte contre le « Printemps républicain », courant laïciste et islamophobe composé essentiellement de personnalités du PS. Lancé le 14 juillet, l'appel « Agir contre l'islamophobie et les racismes » interpellait toute la gauche sur les conditions d'une alliance. Alors que les discours islamophobes des politiques s'intensifient en cette année électorale, aucun parti ne semble s'en inquiéter, tandis que le mouvement antiraciste politique est divisé sur cette question : une alliance est-elle possible avec la gauche ? Et si oui, à quelles conditions ? Trois membres d'Alcir tentent de poser les termes du débat.
Itinéraire
- « Le travail, cet impensé de la gauche » : Entretien avec Danièle Linhart - Irène Jami, Catherine Achin p. 165-177 Danièle Linhart est sociologue, directrice de recherche émérite au CNRS (équipe Genre, Travail et Mobilités du CRESPPA). Elle mène depuis la fin des années 1970 des recherches sur le travail et l'emploi, s'intéressant notamment aux modalités et aux effets de la modernisation des entreprises et des stratégies managériales, et plus largement au rapport des individus au travail et à la place du travail dans la société. Nous avons souhaité la rencontrer pour évoquer son parcours et son point de vue sur l'évolution du travail, en l'interrogeant en particulier sur le rôle des forces politiques de gauche (partis et syndicats) dans ce processus.
- « Le travail, cet impensé de la gauche » : Entretien avec Danièle Linhart - Irène Jami, Catherine Achin p. 165-177