Contenu du sommaire : Police et jeunes issus de l'immigration, sous la direction de Juliette Minces

Les bavures policières ne résulteraient pas tant de comportements plus ou moins pathologiques que de l'organisation et du fonctionnement mêmes de la police. Jean-Claude Monet développe ici cette hypothèse, analysant comment la police exerce sa mission principale : assurer la sécurité publique dans la ville. La police urbaine dispose d'une liberté d'action à peu près totale, aucune instance que ce soit les directions centrales ou générales de la police, les préfets, les maires ou le procureur de la République ne définissant avec une précision suffisante la nature des tâches de sécurité qui lui sont assignées. Conséquence de ces lacunes : la police "de terrain M dispose au quotidien d'un pouvoir discrétionnaire, que ce soit vis-à-vis de sa hiérarchie ou du public. L'indispensable autorité du policier risque à chaque instant de se transformer en inacceptable oppression... En contrepoint, un jeune policier décrit "de l'intérieur" les conséquences des dysfonctionnements analysés par Jean-Claude Monet. Manque de moyens, absence de promotion, poids de la machine administrative et de la hiérarchie, finissent par émousser l'enthousiasme des plus motivés.

Deux sociologues étudient les rapports entre la police et la gendarmerie, d'une part , une population de mineurs délinquants engagés dans un processus judiciaire pénal, d'autre part. Plus précisément, ils cherchent à vérifier si les jeunes d'origine étrangère sont traités différemment des autres jeunes.

A partir de quand y a-t-il bavure ? Comment la définir ? Quelles en sont les causes ? Probablement des relations mal définies par la loi entre la police et les citoyens, le développement des contrôles d'identité systématiques et trop souvent au faciès, le régime dérogatoire au droit commun auquel sont soumis les étrangers... Quelle est la fréquence des bavures ? Pourquoi beaucoup d'entre elles ne sont-elles pas sanctionnées ? Comment les éviter ? En encadré et pour mieux situer le sujet, Hommes & Migrations a intercalé le rappel de quelques incidents récents.

Nous avons rencontré Mouloud et David dans la brasserie d'une cité de la région parisienne. Là se retrouvent les jeunes du quartier. Mouloud jouait avec ses copains à des appareils à sous. A la fin d'une partie, nous l'avons abordé , simplement parce qu'il s'était tourné vers nous, inconnus de lui. Rien ne le prédisposait, plutôt qu'un autre, à devenir notre interlocuteur. Ni sa mise, ni ses traits physiques. Cheveux châtains coupés courts, pantalons blancs, sweat-shirt pêche, il n'a aucunement l'apparence du loubard de banlieue, ou d'un jeune "d'origine étrangère Nous lui avons expliqué l'objet de notre présence : rencontrer des jeunes issus de l'immigration pour parler avec eux de leurs relations avec la police. Il s'est immédiatement proposé de nous raconter ses expériences, ayant, affirmait-il, beaucoup de choses à dire. De nationalité française mais issu d'une famille kabyle qui a maintenu des liens avec l'Algérie (il y va tous les deux ans en vacances), il a dix-huit ans et est l'aîné de quatre enfants. Au chômage, il ne précise pas de quoi il vit. " C'est plutôt ma mère qui me donne des sous que l'inverse \ Sa mère, qui les a élevés seule à la suite d'un divorce, a gardé la nationalité algérienne. Mouloud est très volubile, même s'il craint, au début, de ne pas savoir assez bien s'exprimer. Au bout d'un certain temps, nous serons rejoints par son ami Daniel français-français", blond aux yeux bleus, dix-sept ans, employé de mairie, qui tient à participer à l'entretien. Moins véhément que Mouloud , il confirmera sans le savoir les dires de son copain, avec autant de colère lorsqu'il parle de la cité et de la police ; car il s'avère, d'après ces deux entretiens impromptus, qu'on ne peut dissocier l'un de l'autre. J. M. et A. V.