Contenu du sommaire : L'esthétique, tout simplement
Revue | Archives de philosophie |
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Numéro | tome 80, no 2, avril 2017 |
Titre du numéro | L'esthétique, tout simplement |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - p. 227-228
L'esthétique, tout simplement
- L'esthétique, tout simplement - Danièle Cohn p. 229-230
- L'antinomie de l'autonomie : Benjamin Adorno et les enjeux d'une esthétique critique - Jacques-Olivier Bégot p. 231-245 Partant d'une reconstruction détaillée du débat au sujet de l'œuvre d'art qui, dans la seconde moitié des années 1930, oppose Adorno et Benjamin, l'article montre que la profondeur du désaccord entre leurs positions respectives, notamment à propos de l'aura et de la reproductibilité technique, n'exclut pas certains recoupements. En particulier, Benjamin et Adorno se montrent attachés à une conception originale de la forme qui les situe à égale distance du formalisme et d'un matérialisme « vulgaire » : pour l'un comme pour l'autre, la forme est à la fois le lieu de l'invention proprement artistique et l'instance où la société fait irruption au sein des œuvres.Based on a detailed reconstruction of the debate about the artwork carried out between Adorno and Benjamin in the mid-1930s, this article shows that no matter how deep their disagreement may have been (especially concerning the aura or mechanical reproduction), both theorists share common presuppositions and come to similar conclusions on certain issues. In particular, Benjamin and Adorno both end up being committed to a conception of form that is at odds with formalism as well as “vulgar” materialism: according to them, form is not only the site of artistic invention properly speaking, but also the locus where society makes itself manifest in the artworks.
- Une esthétique des arts techniques : Einfühlung et symbolisme architectural chez Theodor Lipps - Mildred Galland-Szymkowiak p. 247-267 Comment penser la manière dont un édifice symbolise, sans réduire ce symbolisme à l'adjonction extérieure d'une signification qui a été déterminée hors du contact même avec l'objet ? La dimension technique d'un produit du design peut-elle être comprise comme partie prenante de l'expérience esthétique que nous en avons ? L'article montre comment, dans l'esthétique psychologique des arts techniques développée par Theodor Lipps (1851-1914), ce problème est réarticulé autour de la notion d'Einfühlung. Celle-ci est spécifiée en fonction de la résonance affective, dans le sujet, des trois aspects perçus de l'objet technique (matériel, formel et d'usage).How can we think the way a building symbolizes, without reducing it to a meaning not immediately tied to our experience of this object? Is it possible to reflect on the technical aspect of a design product as a part of the aesthetic experience of this product? In this paper I aim to study how Theodor Lipps (1851-1914) reelaborates this problem in his psychological aesthetics of technical arts, using the notion of Einfühlung (empathy). He determines the content of this notion more precisely according to the echoing feeling that binds the three dimensions of technical objects (matter, form, and use) to the subject.
- Musique/peinture, la tentation de l'analogie : Le cas Morton Feldman - Pauline Nadrigny p. 269-293 L'analogie peinture/musique est toujours séduisante et s'alimente d'exemples nombreux dans l'histoire des arts du xxe siècle. Cet angle d'approche peut cependant gommer des spécificités artistiques en s'en tenant à une simple ressemblance. Nous examinons ici la portée du pictural dans le parcours du compositeur Morton Feldman, notamment à travers sa relation au travail de Mark Rothko. L'enjeu de ce texte est ainsi, par l'étude d'une relation exemplaire, de déterminer ce que peut signifier et comment peut s'organiser une correspondance entre les arts, dans un contexte où l'acte de composer change de sens.The analogy between painting and music can be seductive. It is based on multiple examples in the history of twentieth-century arts. However, this viewpoint can erase artistic specificities, while only focusing on their mere likeness. This paper explores the impact of painting on composer Morton Feldman's career, especially through his famous relationship with the works of Mark Rothko. The aim of this paper is to understand on what terms a correspondence between arts is meaningful, and its challenge for the evolution of musical composition.
- Le fait esthétique - Giuseppe Di Liberti p. 295-310 Souvent utilisée dans les débats récents en sciences humaines, la notion de « fait esthétique » est difficile à définir. Cette difficulté est due d'une part à la nature complexe des faits du point de vue ontologique, d'autre part à l'hétérogénéité du domaine de l'esthétique. Une définition du fait esthétique pourrait pourtant favoriser des échanges interdisciplinaires, contribuer à une ontologie des faits et préciser la valeur cognitive de l'expérience esthétique. Cet article défend l'hypothèse que les faits esthétiques soient caractérisés par la persistance – dans l'expérience – de contenus non-propositionnels de la perception qui mobilisent nos émotions et nos contenus culturels.The “aesthetic fact” is a notion often used in humanities debates these last years, despite the difficulties in defining it. These difficulties are due to, on the one hand, the complex nature of the so-called “facts” from an ontological point of view and, on the other hand, the heterogeneity of the domain of Aesthetics. A definition of “aesthetic fact” could nevertheless promote interdisciplinary exchanges, contribute to an ontology of facts, and clarify the cognitive value of the aesthetic experience. As an overall hypothesis, this paper claims that aesthetic facts are characterized by the persistence, in the aesthetic experience, of non-propositional contents of perception which activate our emotions and our cultural contents.
- Violence et pitié : Du pouvoir que nous donnons aux images - Danièle Cohn p. 311-326 Le « tournant iconique » accorde aux images un pouvoir qui va à l'encontre de leur artefactualité. Les œuvres singulières ne sont pas des « images », même si nous les voyons le plus souvent aujourd'hui « comme des images ». La justesse de l'esthétique se tient dans sa capacité à regarder les œuvres d'art, ici en l'occurrence un tableau contemporain, et à chercher à saisir quel savoir sensible il rend visible. Ce savoir sensible nourrit un sensus communis, récuse le compassionnel et restitue à la pitié sa fonction dans une éducation esthétique.The “iconic turn” grants images a power that goes against the grain of their artefactuality. Singular artworks are not “images”, even though we most often see them today “as images”. Aesthetics is fitting insofar as it has a capacity to look at artworks – here a contemporary painting – and to seek to grasp what kind of sense knowledge it makes visible. This sense knowledge undergirds a form of sensus communis, rejects compassion as a value and restores pity to its function within an aesthetic education.
- Terreur et beauté chez Hegel - Félix Duque, Marina Domínguez, Remy Rizzo p. 327-350 L'esthétique hégélienne pourrait d'abord apparaître comme un travail de la raison entravant l'accès au fond indomptable propre à la réalité sensible qualifiée à bon droit de « terrible ». Cependant, à bien y regarder, nous pensons qu'il est possible de prendre le contre-pied de cette interprétation, en posant la question suivante : une telle entreprise de la raison, au niveau de l'esthétique hégélienne, est-elle seulement réalisable ?The Hegelian aesthetics could at first appear as a work of reason hindering access to the indomitable background of the sensible reality, what may properly be defined as “terrible”. However, if we look at it, we think it is possible to take the opposite view of this interpretation by asking the following question: is such an undertaking of reason, in the Hegelian aesthetics, only feasible?
- Entre négativité et vanité : La critique hégélienne de l'ironie romantique - Jamila M. H. Mascat p. 351-368 Philosophe de la négation par excellence, Hegel prend soin tout au long de son entreprise spéculative de distinguer différents types de négatif, éclairant et différenciant les multiples modes par lesquels la négativité se déploie. Tant dans la Phénoménologie de l'esprit que dans les Cours d'esthétique et dans son « Compte rendu des Écrits posthumes et correspondance de Solger » (1828), à propos de l'ironie romantique, Hegel engage de fait une prise de position politiquement significative concernant le concept même de négation, mettant en garde contre tout repli apolitique dans le narcissisme comme dans le nihilisme.Although Hegel, in the Phenomenology of Spirit, celebrated the “tremendous power of the negative” and the constitutive function performed by negativity as the fundamental motion of being, thinking, and acting, he nonetheless developed a harsh critique of Romantic irony's negative Stimmung. This article focuses Hegel's characterization of irony as vanity through his Aesthetics and his “Review of Solger's Posthumous Writings and Correspondence” (1828) and argues that Hegel's critical understanding of vanity, in fact, conveys a significant political stance regarding the very concept of negation, one that warns against the apolitical retreat into both narcissism and nihilism.
- Hegel et le passage du polythéisme au monothéisme - Jean-Louis Vieillard-Baron p. 369-384 Le passage du polythéisme au christianisme n'est pas pour Hegel une guerre des dieux mais un passage véritablement dialectique. Le polythéisme n'a en effet rien d'une fantaisie ou d'une esthétique arbitraire. Il est au contraire produit par le monothéisme présent en lui.For Hegel, the transition from polytheism to Christianity is not a war between gods but a genuinely dialectical movement. Indeed, polytheism is neither a whimsical fantasy nor an arbitrary aesthetic. On the contrary, it is produced by the monotheism which is present within.
- Hommage à François Marty - Jean Ferrari p. 385-391
- Comptes rendus - p. 393-397
- Bibliographie - p. 399-400