Contenu du sommaire : Voyage au bout de la vie

Pendant longtemps, la politique française d'immigration s'est attachée au recrutement, à la réglementation du séjour et à la gestion sociale des travailleurs étrangers. La stabilisation de l'immigration familiale a introduit, à partir de 1974, une nouvelle donne dans le mode de traitement de l'immigration par la politique publique, tandis que les «secondes générations» ont progressivement déplacé le débat sur l'intégration des jeunes. Une classe d'âge a été oubliée : celle des personnes âgées, initialement considérées comme ayant vocation au retour et progressivement délégitimées une fois qu'elles avaient quitté le marché du travail. Un bilan de la manière dont la politique migratoire française a envisagé la question du vieillissement des immigrés et un inventaire des données de la recherche dont on dispose aujourd'hui sur ce thème.

Dans les services de gériatrie où les vieux restent plusieurs mois, voire plusieurs années, le rôle du médecin est surtout de les aider à vivre en institution malgré leur état de dépendance. A partir du moment où on leur a assuré une vie relativement heureuse et confortable, malgré toutes les difficultés que cela représente, l'accompagnement dans la mort, lorsqu'elle survient, se fait tout naturellement. L'accompagnement du mourant est inséparable de l'accompagnement du vivant.

Pour le directeur de l'hôpital Charles Foix-Jean Rostand d'Ivry-sur-Seine, le système hospitalier français, qui est laïc, ne doit prendre en compte que les seules différences compatibles avec sa mission de service public.

Accompagner la fin de la vie et les derniers moments d'un vieillard suppose toujours une prise en charge globale de ses besoins à la fois physiques, psychologiques, sociaux et spirituels dans un respect de son identité unique. La prise en compte de l'autre dans son individualité nationale, culturelle et religieuse représente donc depuis plus de dix ans un a priori du soin et au-delà une véritable exigence éthique pour toute l'équipe pluridisciplinaire de l'hôpital Paul Brousse. Ce souci, nous en avons retrouvé les traces tangibles à travers quelques observations privilégiées qui ont été réunies à l'occasion du colloque par Jean-Louis Lavail et Pascale Renard, assistants sociaux ; Elisabeth Degorre, infirmière et Ignacio Artaza, médecin.

Les réflexions et les questions d'une assistante sociale travaillant dans le XXe arrondissement de Paris, dans un service spécialisé en gérontologie qui quotidiennement a affaire, entre autres, à des migrants âgés.

L'expérience d'un médecin généraliste dans le XXe arrondissement de Paris — quartier à forte population d'origine maghrébine — et d'un gériatre responsable d'un centre médico-social juif.

Être immigré au pays de la vieillesse, tel est le sort d'une partie de plus en plus importante des vieillards de notre société. Aussi au Forum Jean Vignalou on tente de leur rendre le droit à la parole, qui permet de retrouver le sentiment d'exister, non pas seulement en tant que malade, mais aussi comme personne à part entière.

En Afrique noire, principalement dans les zones rurales, la vieillesse n'est pas vécue comme une déchéance, le vieillissement se pense avant tout en termes d'acquisition et de progrès, car les sociétés traditionnelles, orales, ont besoin de leurs vieux, symboles de leur continuité en tant que mémoire du groupe. Aussi, la création d'hospices où l'on accumule des vieillards est encore refusée comme «malsaine» ou «scandaleuse», et jamais le vieux n'est abandonné au dénuement et à la solitude. Mais en ville, et sans doute aussi dans l'émigration en Europe, le vieillard perd de son utilité sociale. On l'écoute de moins en moins, on récuse sa sagesse et déjà on lui reproche d'être improductif, on lui fait comprendre qu'il est de trop. Un voyage au pays de la vieillesse africaine qui permet de comprendre jusqu'à quel point la façon de traiter nos anciens peut heurter les familles immigrées.

Si le vieillissement — pour rare qu'il soit en Kabylie — conduit à la marginalisation pour les deux sexes, il ne réserve pas le même sort aux hommes et aux femmes. Devenues infécondes, ces dernières peuvent accéder au rôle positif d'accoucheuse, de guérisseuse : ce sont les «matrones». Mais le plus souvent ces femmes âgées, isolées, qui seraient expertes en magie maléfique, sont redoutées de tous : ce sont les «sorcières».

Il faut mesurer aujourd'hui l'inconfort social, historique, économique et psychoculturel de la situation de ces Maghrébins rattrapés en France par la vieillesse, souvent ignorés dans cette nouvelle identité contradictoire avec leur statut d'immigré, souvent oubliés dans les politiques et prévisions générales en France comme au Maghreb.

Spécialiste des mouvements sociaux dans le tiers monde, et notamment dans les pays du Maghreb, Claude Liauzu est professeur d'histoire à l'université de Paris VII (Jussieu). Il est responsable du Groupe d'études et d'échanges avec le Monde arabe et musulman. Son dernier livre est une réflexion sur le «petit monde» de la recherche en sciences humaines (sociologie et histoire, en particulier), ainsi que sur les médias. Il montre à quel point les problèmes du monde arabo-musulman sont peu maîtrisés par la recherche scientifique, particulièrement en France, mais aussi par certains intellectuels arabes formés à l'école de l'Occident.

Au Portugal, des juifs convertis de force au catholicisme durant l'Inquisition ont continué de pratiquer leur religion en secret et ce, pour certains d'entre eux, jusqu'à nos jours. Coupés de tout judaïsme «officiel», les Marranes ont ainsi pratiqué une religion populaire éloignée de l'orthodoxie mais sans cesse ravivée par les persécutions. Gérard da Silva fait le point sur cet épisode méconnu de l'histoire du Portugal.