Contenu du sommaire : La ville en mouvement

Quelles perspectives peut-on dégager de l'analyse conjoncturelle, dans les banlieues populaires, de la situation des jeunes, de leur mobilisation, et des actions des pouvoirs publics ; et ce dans un contexte d'échéances électorales proches ?

La question des grands ensembles ne date pas d'aujourd'hui. «Chicago» dans les années 70, «ghetto» en 80, «banlieue» récemment : ces termes qui les désignent successivement marquent l'évolution des représentations mais ne clarifient pas la nature du débat. D'où la nécessité, pour comprendre les phénomènes sociaux observés à l'heure actuelle et les objectifs poursuivis par les politiques publiques, de replacer ces éléments dans une perspective historique.

Les analyses du «mal des banlieues» s'appuient sur certaines idées reçues que l'archéologie de la ZUP des Minguettes à Vénissieux met en évidence : la réhabilitation du bâti, même associée à une action socio-éducative, n'a qu'un impact limité sur la vie sociale. Toutefois, même si les différentes politiques de la ville n'ont pas obtenu tous les résultats escomptés, elles ont préservé les banlieues d'une situation à l'américaine.

Depuis 1989 , la Caisse des dépôts et consignations a mis sur pied, à la demande du Premier ministre de l'époque, un «Programme développement solidarité» axé sur trois priorités : le développement économique et social des quartiers et des villes ; l'insertion par l'économique ; la formation et l'éducation. Pierre Saragoussi, responsable de ce programme, nous explique le rôle que la «banque du logement social et des collectivités locales» entend jouer dans le concert des actions entreprises au nom de la politique de la Ville.

Pour expliquer l'explosion des banlieues, notamment de la banlieue parisienne, ce sont la plupart du temps les motifs sociaux que l'on met en avant. A Sartrouville comme à Argenteuil, à Mantes-la-Jolie ou ailleurs, il n'est question que d'immigration, de chômage et d'ennui sur fond de crise de la jeunesse. Sujet démagogique par excellence, la banlieue incite à la confusion des genres : la politique du logement, la politique tout court, le social, la police, l'éducation, le sport, la délinquance... On est frappé de constater, dans ce concert, un absent : pourtant le plus important en ce qu'il conditionne le cadre de vie mais aussi les déplacements quotidiens comme l'organisation de nos rythmes de travail et de repos, c'est l'urbanisme. L'urbanisme n'est-il pas médiatique ? L'architecture est-elle condamnée à demeurer éternellement un sujet de spécialistes ? Certes pas, et surtout pour ceux qui comme Patrick Colombier, président de l'association d'architectes 75021, préfèrent agir comme forces de propositions plutôt que comme agitateurs des faciles haines sociales.

Les disciplines constitutives du hip-hop — le rap, le raggamuffin, la break-dance, les tags, les grafs — se développent d'abord aux USA, mais pas dans un mouvement unique. Elles vont s'installer en France chez les jeunes issus des immigrations africaine, antillaise, maghrébine, portugaise et italienne à partir de 1983. Un rappel historique.

Des exactions des «bandes de zoulous» de l'été 1990 jusqu'aux révoltes des enfants d'anciens harkis durant l'été 1991, le tournant de cette décennie aura été marqué par l'émergence de la violence collective sous diverses formes. Cette violence exprime clairement le désarroi profond d'une partie de la jeunesse et la dégradation des conditions d'existence dans les cités. Au même moment, l'opinion publique découvre, surtout par le rap, l'émergence d'une nouvelle culture «jeune» : le hip-hop, issue du ghetto. Son principal fondement, on l'ignore souvent, offre une alternative à la violence urbaine. Pour améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers défavorisés «la réussite de la politique de la ville implique nécessairement la participation des habitants... ». Mission difficile en ce qui concerne les jeunes, car leur participation sur un mode traditionnel paraît aujourd'hui dépassée et illusoire. Contestataire à sa façon, le mouvement hip-hop offre un espoir, une ouverture. Le difficile positionnement des institutions face à ces nouveaux modes d'expression sera déterminant pour les années à venir.