Contenu du sommaire : Le poids des mots

Durant l'entre-deux-guerres, les milieux xénophobes se plaignirent avec constance de l'invasion allogène et employèrent un vocabulaire exprimant tour à tour l'exaspération, le mépris, la crainte face à l'arrivée d'individus risquant d'altérer l'identité française. Des mots et des thèmes qui ne sont pas vraiment sortis de l'actualité...

Etranger, immigré : des mots dont l'analyse montre bien qu 'ils recouvrent des situations différentes mais qui, pourtant, sont employés dans l'usage courant comme des synonymes. Un décalage qui renseigne sur les rapports - plus ou moins imaginaires - que la société française entretient avec cette population dite immigrée.

La passion xénophobe qui emporte actuellement nombre de nos concitoyens est tout à fait moderne. Cette fin de siècle est en effet celle des repères en miettes, de la perturbation du symbolique et des frontières poreuses. D'où le succès foudroyant que connaissent ces immigrés qu'on appelle "clandestins".

L'histoire et l'analyse des mots assimilation, insertion, intégration dans le discours politique et administratif des années 1981 à 1991. Une histoire en forme de chassé-croisé : à chaque mot son camp, à chaque moment son mot ; mais aussi des échanges et des emprunts d'un camp à un autre. Avec, au centre de ce débat sémantique, la place des étrangers et des immigrés au sein de la société.

Intégration : consensus sur le terme, dissensus sur le sens. C'est ce que met en évidence l'analyse des textes publiés dans Le Monde entre les mois de novembre 1989 et avril 1990, non seulement les articles journalistiques mais aussi les contributions des chercheurs ou des intellectuels et les discours des leaders politiques et associatifs.

Le lien national - et partant le nationalisme - continue de jouer un rôle de premier plan dans l'inconscient collectif. En particulier, il retrouve une nouvelle jeunesse auprès de ceux qui, privés d'identité sociale par la crise, se rabattent sur le mythe identitaire de la "nation-communauté " offert par le Front national. Face aux peurs identitaires provoquées par la dilution des liens sociaux, parla construction de l'Europe ou parla mondialisation de la culture, la pensée républicaine de tous bords semble n'avoir rien à proposer et laisse le champ libre à l'exploitation idéologique du lien national dans un sens raciste (biologisant) ou néo-raciste (culturalisant). N'est-il pas urgent de repenser un "nationalisme" républicain, c'est-à-dire radicalement débarrassé de ses attributs xénophobe et autoritaire ? Un point de vue qui ne manquera pas de susciter débat...