Contenu du sommaire : Migrations Est-Ouest, sous la direction de Anne de Tinguy et Catherine Wihtol de Wenden

Que font les citoyens est-européens de leur nouvelle liberté de circulation ? Se précipitent-ils vers des terres qui pour beaucoup sont longtemps restées inconnues ? Des terres attrayantes , car riches, alors qu 'eux-mêmes sont pauvres ? Ces migrations, qui s'ajoutent à d'autres plus traditionnelles, bouleversent-elles le paysage européen ? Représentent-elles une charge pour un monde occidental déjà soumis à de fortes pressions migratoires ? Ou sont-elles au contraire une chance historique de surmonter rapidement le traumatisme de la guerre froide et de faciliter la résolution des très graves problèmes économiques auxquels l'Est doit faire face ?

Que représentent les demandeurs d'asile de l'Europe de l'Est parmi tous ceux qui sollicitent l'asile en France ? Qui sont-ils ? Où s'installent-ils ? Quelles suites ont été données à leur demande ? A qui a-t-on reconnu la qualité de réfugié ? L'étude des données statistiques les plus récentes de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) apporte des éléments de réponse à toutes ces questions.

Victimes des conflits entre nations qui éclatent actuellement dans plusieurs régions de l'ex-URSS, des réfugiés sont pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale apparus en 1989 sur le territoire de l'ancienne Union soviétique. C'est un phénomène qui est lié au processus douloureux de la démocratisation, à la crise économique et politique, à la désintégration de l'URSS.

Les élites culturelles et scientifiques de la CEI sont de plus en plus nombreuses à quitter leur pays. L'opinion s'est focalisée sur le danger que pourrait représenter la dispersion dans le tiers monde d'un savoir nucléaire à des fins militaires. Cette question particulière ne se pose pas vraiment pour l'instant, mais des troubles politiques prolongés et un effondrement durable du programme de recherche nucléaire pourraient effectivement pousser des spécialistes de haut niveau à émigrer. Au-delà, c'est le problème d'un pays qui voit ses intellectuels s'expatrier en masse qui est posé à la communauté internationale.

Si les élites de l'ex-URSS et de la Chine sont indéniablement attirées par les Etats-Unis, plus que n 'importe quel autre pays développé, les Etats-Unis se sont appliqués à attirer chez eux les cerveaux du monde entier. Depuis la Seconde Guerre mondiale, plus d'un demi-million de spécialistes du monde entier ont choisi les Etats-Unis comme terre d'immigration. Mais certains immigrés, après avoir accédé au rêve américain, en découvrent l'envers.

La migration polonaise en Allemagne est, par son importance numérique et par sa diversité, exemplaire des mouvements actuels en Europe, à l'Est et à l'Ouest. Si l'installation des Polonais en Allemagne tend à se stabiliser, le va-et-vient, sous couvert de tourisme, de travailleurs saisonniers, commerçants ambulants... prend une ampleur considérable. Ce mouvement "pendulaire" est-il le signe de futures vagues d'immigration ou de nouvelles formes de migrations internationales ?

La vague albanaise a déferlé en mars, puis en août 1991, sur les côtes italiennes à un moment où le gouvernement était en train de mettre en place sa politique migratoire. Il s'agissait donc, pour une partie des autorités, de prouver que l'Italie était en mesure de pratiquer la fermeté à l'égard des nouveaux entrants aux autres pays signataires de Schengen, de répondre à la peur d'un afflux incontrôlable d'Albanais, répandue dans l'opinion, de régler l'affaire en l'absence d'une prise en charge de la CEE, de montrer à l'Albanie la force dissuasive de l'Italie. Les enjeux s'étendaient bien au-delà d'une simple affaire régionale.

Au moment où l'attention est en Europe focalisée sur les immigrations en provenance des pays de l'Est et que l'on s'efforce d'apprécier le potentiel migratoire réel de l'ex-Union soviétique, il est utile de rappeler les principales données de la relation nouée par la Communauté avec les pays tiers de la Méditerranée. Pendant les "trente glorieuses ", les trois pays du Maghreb central, la Turquie et la Yougoslavie ont alimenté l'essentiel des immigrations en Europe. Aux problèmes qu'elles rencontraient, risquent désormais de s'en ajouter d'autres, et notamment celui d'une concurrence entre les immigrations des deux origines, de l'Est et du Sud, sur les marchés du travail.