Contenu du sommaire : Face à la catastrophe : avec ou contre L'État ?

Massacres, génocides, ethnocides, écocides… L'Occident moderne n'a pas tergiversé sur les moyens pour établir son hégémonie à l'échelle mondiale. Et rares sont les peuples indigènes qui ont résisté au « char triomphant du progrès ». Si « l'histoire elle-même rend la justice », alors tout porte à croire qu'elle légitime l'entreprise des « vainqueurs ». Pourtant, au sein même de l'Occident, la rencontre de l'Autre primitif a très tôt suscité des interrogations sur « l'espèce humaine », la relativité des mœurs, le sens de l'histoire… Des réfractaires à la civilisation occidentale ont ainsi rêvé d'un « âge d'or » situé ailleurs ou dans un lointain passé. On peut cependant rejeter le progressisme sans succomber aux chimères du primitivisme. Et tirer de l'expérience concrète des primitifs, des leçons en matière d'écologie, d'économie, de politique, de mode de vie…

Quel rôle l'État a-t-il joué dans l'avènement des trajectoires industrielles à l'origine des crises écologiques contemporaines ? Quelle est sa responsabilité dans la formation du gigantisme technicien et la production des déséquilibres naturels aujourd'hui lourds de menaces ? Dans cette contribution consacrée à l'histoire de l'État moderne au tournant du xixe siècle, l'enjeu est à la fois d'explorer les contours de l'État moderne comme acteur historique et son action dans l'acclimatation des nouvelles trajectoires industrielles qui s'amorcent alors. Il s'agit d'étudier comment les États des premières grandes nations industrialisées ont œuvré à lever les obstacles et à faire accepter les crises et les nuisances qui accompagnaient les débuts de l'industrialisation, qu'il s'agisse des pollutions ou des risques sociaux et environnementaux.

Les États occidentaux se sont établis sur la base de la collaboration entre la contrainte et le capital, qui leur a garanti la mainmise sur les ressources mondiales au sein d'un système interétatique inégalitaire. Au-delà du spectacle d'accords internationaux non contraignants, au-delà du mythe du « doux commerce » légitimant la mondialisation du capital et l'emprise néocoloniale de l'Occident, la crise écologique actuelle, loin de remettre en cause cette logique de fonctionnement, en attise le caractère belliqueux. La guerre, plus que jamais, demeure l'horizon indépassable de la modernité.

Dans un monde de plus en plus urbanisé, on assiste au développement d'un nouveau militarisme imprégnant la structure des villes et de la vie urbaine. Ce nouvel urbanisme militaire est un ensemble d'idées, de techniques et de normes sécuritaires et militaires. Celles-ci sont intimement liées à la conquête de ressources lointaines nécessaires à la perpétuation des villes et des modes de vie urbains occidentaux. Elles fusionnent avec les univers culturels populaires centrés sur les jeux vidéo de guerre, l'automobile et les styles de vie urbains reposant sur l'usage de nouvelles technologies issues de la recherche militaire. Et elles ont un rapport étroit avec la multiplication d'insurrections qui s'approprient les architectures et les voies de communication des villes pour répandre leur violence.

Parce que les luttes territoriales ne peuvent manquer de se confronter à l'État, soit qu'il porte, soit qu'il soutienne les projets d'aménagement du territoire mis en cause, elles sont vouées à être écartelées entre une frange contestataire et une frange cogestionnaire entre lesquelles les relations sont instables. Les contestataires rejettent en bloc les projets en question et le « monde qui va avec », un système capitaliste destructeur qui est soutenu par l'État. Les cogestionnaires les critiquent en détail dans une attitude de contre-expertise qui les dispose à collaborer avec les pouvoirs en place. Dans le cas de la lutte contre le barrage du Testet à Sivens (Tarn), cogestionnaires et contestataires ont d'abord réussi à faire front commun contre des autorités obstinées, condition sine qua non pour les faire reculer. Acculées, celles-ci ont joué la stratégie de la tension jusqu'à l'homicide. Pour reprendre en main une situation devenue ingérable, elles ont alors recouru à une double stratégie : la carotte de la démocratie participative pour les cogestionnaires (qu'elles ont ainsi dissociés du reste de l'opposition) et le bâton des milices fascisantes pour les contestataires.

Cet article traite de l'émergence d'une sociologie marxiste de l'environnement aux États-Unis. Par-delà une grande variété de courants, des sociologues comme John Bellamy Foster, James O'Connor et Ted Benton ont commencé, dans les années 1990, à organiser une approche exégétique de Marx. Leur objectif était de trouver, en deçà du texte, des éléments épars d'une écologie présente dans le corpus de Marx. En fait, cette approche est une construction (et non une reconstruction) d'arguments sociologiques pour une approche marxiste de la sociologie environnementale. En enrôlant Marx dans leur conceptualisation d'un nouveau segment de la sociologie, Foster, O'Connor et Benton reproduisent simplement le geste fondateur de toute discipline, cherchant chez des auteurs totems une inattaquable légitimité.

Les réflexions d'Ernst Bloch (1885-1977) sur le changement social présentent un intérêt pour l'étude du rural. Dans deux œuvres en particulier, Thomas Münzer (1921) et Héritage de ce temps (1935), Bloch montre comment la nostalgie et la proximité avec la nature font des paysans des personnes mues par le souvenir ou le rêve d'une société idéale, qui mêle communisme primitif et nature arcadienne. Cette identité paysanne peut être mobilisée de manière utopique ou, au contraire, nourrir un désir de retour et de conservatisme. Ces théories permettent d'affiner l'analyse croisée de l'identité paysanne et des liens à la religion, à la tradition, à la nature et à la politique. Bloch trouve ainsi sa place dans une lignée de penseurs hétérodoxes de l'identité paysanne qui ont influencé la pensée écologiste.

Le développement urbain se traduit par une érosion de la diversité biologique au niveau local. Cette disparition locale d'espèces menace alors notre expérience de la nature, accentuant notre séparation d'avec les choses naturelles et, partant, la crise écologique.