Contenu du sommaire : La frontière dans tous ses états

Revue Confluences Méditerranée Mir@bel
Numéro no 101, été 2017
Titre du numéro La frontière dans tous ses états
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier

    • La frontière dans tous ses états - Karine Bennafla p. 9-12 accès libre avec résumé
      Ce numéro revient sur la crise des frontières d'État amorcée avec la vague de contestation populaire arabe en 2011 et la multiplication des conflits qui a suivi, à l'origine d'un processus de dislocation territoriale ou tout au moins d'une déstabilisation généralisée des bordures territoriales. Ce tournant frontalier au Maghreb et au Moyen-Orient avait été brièvement abordé lors d'un numéro de Confluences Méditerranée en 2015 intitulé « Crises sans frontières »1. L'article pointait les processus de dé/re-territorialisation à l'œuvre dans une région aux contours élargis sous l'effet des guerres, des multiples interventions des armées étrangères ou de mercenaires, des mouvements de réfugiés, mais aussi avec la diffusion d'une nouvelle idéologie, à forte résonance spatiale, par le groupe autoproclamé État islamique (Daech). Cette idéologie était perceptible à travers l'annonce de la restauration du califat en juin 2014 et le refus explicite des frontières « coloniales » instaurées par les accords Sykes-Picot (1916).
    • Frontière et territorialité dans la perception du monde selon l'État turc - Ugur Kaya p. 13-25 accès libre avec résumé
      Le principe essentiel de la politique étrangère turque depuis sa fondation républicaine, consiste à garder le statu quo territorial. Parallèlement, l'État turc conduit une politique réfléchie de rupture avec les régions voisines, notamment avec « l'Orient » arabo-musulman. Cette rupture engendre en Turquie un caractère politique que je qualifierai d'insulaire. Les frontières demeuraient jusqu'alors une ligne de délimitation entre diverses zones géopolitiques servant à bloquer le passage. Avec la fin de la guerre froide, à la recherche d'une nouvelle stature internationale, l'État turc développe un nouveau paradigme politique, modifiant les représentations du monde et la gestion des frontières. La Turquie est envisagée comme un empire logistique local, sous la protection d'un empire global avec le leadership américain. Mais depuis le gouvernement Erdogan, l'idée d'un empire local en harmonie avec l'empire global pour la Turquie laisse place à l'idée d'un empire à vocation universelle protecteur et régulateur, face à un empire occidental déstabilisateur.
    • Les enjeux stratégiques et politiques de la nouvelle frontière arabo-kurde de la Turquie - Jean Marcou p. 27-38 accès libre avec résumé
      Au cours des deux dernières décennies, la configuration géopolitique de la frontière méridionale syro-irakienne de la Turquie a profondément changé. Les printemps arabes et la dislocation progressive des Etats syrien et irakien ont transformé son statut, non seulement en la rétablissant dans une fonction de rupture, mais aussi en changeant profondément les acteurs qui en sont les principaux protagonistes. Ainsi, désormais, cette frontière est, d'abord, le point de rencontre d'Ankara avec les principaux protagonistes des crises irakienne et syrienne. Elle est ensuite devenue une frontière largement kurde et permet d'observer la géopolitique kurde de la Turquie, notamment les relations complexes que le gouvernement turc entretient avec les différentes organisations kurdes. Elle est enfin, du fait de la présence dans la zone de multiples puissances régionales ou internationales (Russie, Iran, Etats-Unis…), un espace d'analyse du positionnement de la Turquie sur la scène internationale.
    • Pérennité et transformations de la frontière syrienne - Leïla Vignal p. 39-52 accès libre avec résumé
      En 2017, le conflit syrien n'a pas bouleversé l'ordre politique et territorial au Moyen-Orient tel qu'incarné dans ses frontières internationales. La frontière de la Syrie n'a pas éclaté sous l'effet de la guerre qui déchire le pays, et elle continue de former une ligne inscrite dans l'ordre juridique international. A cette pérennité formelle et juridique se conjuguent pourtant des changements profonds de cette frontière, et qui sont sans doute durables : changements qui affectent à la fois sa nature, ses fonctions, sa gestion et ses pratiques, et qui se retrouvent depuis l'échelle locale jusqu'à l'échelle internationale.
    • Raqqa, capitale de la révolution puis de l'État islamique : les frontières contestées d'une ville syrienne - Myriam Ababsa p. 53-65 accès libre avec résumé
      Cinquième ville de Syrie, négligée par le régime et appauvrie, Raqqa a été la première ville à se libérer du régime syrien en mars 2013 avec l'aide de l'Armée syrienne libre et de forces salafistes. Les notables ont alors rappelé qu'ils avaient pu organiser en 1919 un Etat autonome à Raqqa. Mais dès, l'automne 2013, Raqqa tombe aux mains de l'État islamique. La proclamation du Califat dans cette ville s'explique pour des raisons tactiques (taille réduite, faiblesse militaire) mais aussi du fait de son importance historique, comme ancienne capitale de l'Empire abbasside.
    • À l'ombre de Mossoul : l'Irak entre hyper-fragmentation et frontières incertaines - Myriam Benraad p. 67-79 accès libre avec résumé
      Au-delà de nombreux revers militaires et humains, l'État islamique est encore loin d'être totalement défait en Irak. Depuis la reprise d'un certain nombre de ses fiefs historiques par les forces irakiennes soutenues par la coalition (Tikrit, Ramadi, Fallouja…), le groupe jihadiste est parvenu à se redéployer en de nombreux points du territoire, revenant à la clandestinité et ses méthodes éprouvées : multiplication des attaques armées, assassinats ciblés, attentats sanglants. Alors que la bataille de Mossoul semble lentement se refermer, au terme de huit mois de destructions sans précédent – cette bataille fut l'une des plus meurtrières du conflit depuis 2003 – la crise irakienne se poursuit quant à elle. La séquence jihadiste a surtout mis en lumière l'état d'extrême fragmentation du paysage sociopolitique local, à commencer par la composante arabe sunnite qui peine à entrevoir l'avenir et une alternative politique crédible au « califat ». L'État islamique prétendait « effacer les frontières » en s'emparant du pouvoir. Certes, cet objectif s'est en partie réalisé, mais il s'est aussi traduit par le tracé de nouveaux « murs » intérieurs et extérieurs, physiques et plus symboliques. L'article qui suit interroge cette hyper-fragmentation et les potentialités d'une reconstruction nationale post-jihadiste.
    • Penser la spatialité en Islam militant : le cas des manuels scolaires de géographie de l'État islamique (2015-2016) - Matthieu Cimino p. 81-95 accès libre avec résumé
      Parmi les référentiels de mobilisation du groupe « État islamique », la question de l'oblitération matérielle et immatérielle de l'ordre frontalier issu des accords Sykes-Picot (1916) semble jouer un rôle prépondérant : en effet, au cœur de l'imaginaire politique du groupe s'inscrit l'impératif de revitalisation califale et, partant, la restauration de l'unité politique et spatiale d'un monde islamique idéalisé.Cet article, issu d'un travail de terrain conduit en 2015 et 2016, explore les stratégies de conceptualisation et de diffusion de l'idéologie spatiale de Daech à partir de l'étude d'ouvrages scolaires de géographie, collectés dans et autour des territoires tenus par le groupe.
    • L'Azawad comme enjeu des négociations de paix au Mali : quel statut pour un territoire contesté ? - Pauline Poupart p. 97-112 accès libre avec résumé
      Cet article1 s'interroge sur le contenu idéologique et politique porté par l'idée d'Azawad pour qualifier le Nord du Mali. Cette appellation a été une des questions délicates à aborder dans le processus de paix pour mettre fin au conflit entre groupes armés et autorités maliennes, entre 2012 et 2015, et illustre les rapports complexes dans la définition du territoire entre le Nord et le Sud du pays.
    • Réflexions géopolitiques sur les dynamiques frontalières contemporaines au Moyen-Orient et au Sahel - Michel Foucher p. 113-125 accès libre avec résumé
      La comparaison des dynamiques frontalières en Orient et en Afrique saharo-sahélienne révèle plusieurs traits communs : des tracés contemporains de facture largement exogène, une appropriation ultérieure par les États indépendants et la persistance de tensions internes exploitées par des forces internationalisées et transfrontalières.
    • Crise de l'État, crise des frontières : une nouvelle question d'Orient ? - Marc Goutalier p. 127-139 accès libre avec résumé
      Les révoltes populaires de 2011 ont agi comme un révélateur de l'usure avancée du modèle autoritaire et centralisé qui était jusque-là propre à tous les Etats arabes. Elles ont produit de puissantes dynamiques en faveur d'une redéfinition du consensus territorial hérité des temps coloniaux, et dont les populations avaient auparavant toujours été écartées. Outre l'émergence d'une opinion publique et l'ingérence accrue des puissances étrangères, des acteurs infra-étatiques dont les projets et le discours ne sont plus en correspondance avec la carte politique des États-nations ont profité de l'affaiblissement des autorités centrales pour se territorialiser. La remise en cause profonde des frontières induite par ces bouleversements incite à repenser la carte, ou à tout le moins les modes de gestion politiques de l'espace au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
  • Variations

    • L'économie égyptienne après la tourmente : les défis sont toujours là… - Marc Lavergne p. 143-154 accès libre avec résumé
      La promesse d'un retour à la paix sociale et à la prospérité, qui a fourni le prétexte à l'armée égyptienne pour reprendre le pouvoir en juillet 2013, n'a pas été tenue. Les maux de l'Egypte, qui avaient entraîné la chute de Hosni Moubarak, n'ont pas trouvé de solution : ils tiennent en effet à la nature même du système économique mis en place depuis la libéralisation ouverte par Anouar el Sadate dès les années 70. L'économie égyptienne repose depuis lors sur des rentes extérieures qui ont permis une croissance de la consommation, réservée à une minorité, mais n'ont pas été utilisées pour bâtir une économie durable et équilibrée. Le salut de l'Egypte ne proviendra pas des aides financières extérieures, ni des grands projets mirifiques qui ont la faveur de ses dirigeants, mais d'un retour d'un gouvernement légitime et compétent, dévolu à la fourniture de services publics, à la stimulation d'une économie productive et à un aménagement équilibré du territoire.
    • De la banalité des tragédies du Moyen-Orient… aux traumatismes - Carole André-Dessornes p. 155-168 accès libre
  • Notes de lecture - p. 170-178 accès libre