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Revue Revue historique Mir@bel
Numéro no 683, 2017/3
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Les premiers notaires de Béziers (dernier tiers du XII e siècle) - Hélène Débax p. 491-514 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Dans le Midi de la France, les pratiques notariales sont apparues au xii e siècle selon des modalités diverses dans chaque ville. L'objet de l'article est d'analyser la naissance du notariat à Béziers, une cité sans consulat, où le pouvoir est détenu conjointement par l'évêque et le vicomte. Ce sont de fait ces deux autorités qui sont à l'origine de la création des premiers notaires, dans un contexte de tensions après l'assassinat du vicomte Raimond Trencavel en 1167. Un beau dossier documente les procédures de nomination des premiers notaires publics grâce à une charte d'institution en 1174, puis un acte de destitution en 1180, avant une nouvelle nomination. On peut y lire les modalités d'attribution de la charge notariale avec un serment et une redevance annuelle. Ces premiers notaires ont laissé plus d'une centaine d'actes de leur pratique qui permettent d'éclairer les procédures du notariat public aux origines, avec une multiplicité des formes de validation (seing manuel, chirographe, sceau) et une uniformisation progressive des formulaires. Le riche corpus d'actes fournit aussi des renseignements précis sur les études en activité à Béziers jusqu'à la fin du xii e siècle et sur la fin progressive d'un monopole en faveur d'un seul praticien. La nature de la formation de ces professionnels de l'écrit (les notaires et leurs scribes) reste malheureusement dans l'ombre, ainsi que leur milieu social et la rémunération qu'ils pouvaient tirer de leur activité.
    The First Notaries of Béziers (end of the 12th century)
    In Southern France, notarial activity appears in the 12th century with different arrangements in each city. This article analyzes the birth of notarial activity in Béziers, a city without a consulate where power was held jointly by the bishop and the viscount. In fact, it was these two powers that were responsible for the creation of the first notaries in a context of tension after the murder of the viscount Raimond Trencavel in 1167. Well documented records allow us to follow the nomination of the first public notaries thanks to a charter of foundation in 1174, then an act of destitution in 1180 leading to a new nomination. In these charters, we can see how the notarial office was allotted with an oath and an annual payment. These first notaries have left more than a hundred acts allowing us to shed light on their methods at the very beginning with a multitude of forms for validating their acts (manual signature, chirograph, seal) as well as a progressive standardization of forms. This rich body of acts furnishes precise details on the notarial offices active in Béziers up through the end of the 12th century and on the progressive end of a monopoly favoring a sole practitioner. The manner of educating these writing professionals (notaries and their scribes) remains unfortunately in the dark along with their social origins and the fees that they could earn from their activity.
  • La carrière de Simon Festu : un clerc au service de l'État monarchique sous le règne de Philippe le Bel - Alain Provost p. 515-540 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Au-delà des propriétés d'une trajectoire individuelle, le cas de Simon Festu, dont la carrière ecclésiastique s'est achevée sur le siège épiscopal de Meaux, qu'il a occupé de 1308 à 1317, permet d'aborder les questions relatives à la constitution du champ administratif, aux logiques de pouvoir, et aux pratiques institutionnelles dans le contexte du règne de Philippe le Bel. Simon Festu, en effet, a pris part à l'administration et au gouvernement royal, ce qui l'a conduit relativement haut dans la hiérarchie de l'entourage monarchique, sans qu'il apparaisse toutefois au premier rang. L'ascension sociale de Simon, qui appartient à la catégorie des « hommes nouveaux », répond à un schéma classique où la proximité du roi est au fondement de la faveur et de la fortune. Antérieurement à sa promotion à l'épiscopat, titulaire de ses premiers bénéfices, il exerce conjointement diverses fonctions au service du roi, d'ordre financier principalement. Conseiller de la reine Jeanne de Navarre et de son fils, le futur Louis X, il participe activement, comme exécuteur testamentaire de la reine, à la fondation du collège de Navarre. En outre, Simon s'est trouvé mêlé au procès de l'évêque Guichard de Troyes, l'une des affaires « politico-religieuses » du règne : l'antagonisme avec Guichard lui a peut-être permis de consolider sa propre position. L'analyse de la trajectoire de Simon Festu montre de manière concrète les liens qui s'établissent entre le gouvernement des hommes et le gouvernement des âmes. La caractérisation de son profil social est indissociable de la question de la composition du groupe auquel il appartient, dont la formation et la reproduction sont orientées par le service de l'État, aux structures duquel elles contribuent à donner consistance.
    Simon Festu's cursus: a clergyman in the service of the Monarchical State under Philip the Fair
    Simon Festu's ecclesiastical cursus ended on the episcopal see of Meaux between 1308 and 1317. Beyond the characteristics of an individual career, his case raises some questions related to the formation of the administrative field, the logics of power and the institutional practices under the reign of Philip the Fair. Simon Festu played a role in royal administration and government, which led him to rise up into the king's entourage, though he apparently did not reach the highest rank. He belonged to a class of “new men”, and his social climbing followed a classic pattern: the king's proximity is the base of favour and fortune. Before his promotion to the episcopacy, when he was incumbent of his first benefices, he jointly fulfilled varied offices at the king's service, mainly of financial nature. He was an advisor of the queen Jeanne de Navarre and of her son the future Louis X. As executor of the queen, he actively took part in the foundation of the college of Navarre. Moreover, Simon got involved in the trial of Guichard, bishop of Troyes, one of the cases in which politics and religion were intertwined during the reign of Philip the Fair. Maybe the opposition to Guichard allowed Simon to reinforce his own position. Analysing Simon Festu's career concretely shows bonds between government of men and government of souls. The characterization of his social profile cannot be separated from the question of the formation of the class he belongs to. The formation and reproduction of this class are determined by the state's service, and they contribute to give substance to the state's structures.
  • Homme de goût ou goût de prince ? Jacques Ier de Monaco (1689-1751), amateur de peinture - Thomas Fouilleron p. 541-566 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les collections artistiques du palais de Monaco font l'admiration de tous les voyageurs qui, aux xvii e et xviii e siècles, partent à la découverte de cette souveraineté entrée, en 1641, dans la mouvance du roi de France. Les princes, ou leurs représentants, s'efforcent de fournir à chaque visiteur, par l'abondance de tableaux, de sculptures, de pièces d'orfèvrerie, exposés dans le palais, des preuves de gloire, d'ancienneté et de puissance de la dynastie, de justifier, in domo sua, le rang de princes étrangers, auquel les Grimaldi prétendent à la cour de France. Cette volonté d'ostentation, étendue à une résidence parisienne qu'il faut embellir, motive le transfert d'une partie des collections, de Monaco vers Paris, entre 1732 et 1740. Car Monaco n'est plus alors dans Monaco, il est là où le prince et les siens sont : à Paris, dans l'hôtel de la rue de Varenne ; en Normandie, dans le château de Torigni. Né Français, dans la famille de Matignon, Jacques Ier abandonne le gouvernement de la principauté après un court règne personnel (1731-1733) qui suit la mort de son épouse, la princesse Louise-Hippolyte. Il enrichit les anciens trésors picturaux des Grimaldi, dominés par les peintres d'au-delà les Alpes, d'originaux ou de copies du Bassan, de Titien, du Guide, mais aussi de Breughel de Velours, de Véronèse, de Rubens, de Rembrandt, de Van Dyck, de Paul Bril, de David Téniers, du Bamboche, de Poussin, de Bourdon, de Mignard... La collection vit au rythme irrégulier des achats, des encadrements, des restaurations, des commandes à des peintres parisiens ou monégasques, des déménagements, intra et inter-résidences. La reproduction sous forme de gravures permet de publier les pièces les plus remarquables du cabinet et d'affirmer ainsi un rang familial. Amateur de valeurs sûres des siècles passés, Jacques Ier de Monaco, redevenu duc de Valentinois, apprécie aussi les artistes de son temps, Watteau, Nattier ou Boucher. Un goût particulier pour l'école flamande transparaît. Chez lui, la collectiomanie, multiforme – des monnaies et médailles aux marbres et aux bronzes, antiques ou modernes, en passant par les livres, les porcelaines, les tapisseries –, n'est donc pas seulement affaire de mode, réflexe de classe ou d'ordre, volonté d'illustrer une fama dynastique, mais véritable plaisir, partie intégrante d'une identité personnelle.
    Man of taste or prince's taste? Jacques I of Monaco (1689-1751) paintings collector
    The Palace of Monaco's art collections were admired by every traveler, who, in the 17h and 18th centuries, explored the sovereignty, which entered under the influence of the French king in 1641. Princes, or their representatives, insisted on proofs of glory, ancientness and power of the dynasty, by showing the abundance of paintings, sculpturings and goldsmithery, exposed in the palace. Indeed, they intended to justify their wish to be part of the French court, as foreign princes.
    This tendency to ostentation and the embellishment of the Parisian residence, were a good opportunity to move part of the collections from Monaco to Paris, between 1732 and 1740. Indeed, Monaco extended into France in a sense, as its princes stayed in Paris, in the hotel of Varenne street; in Normandy, in the Torigni castle. Born in France, in the Matignon family, Jacques I left the principality's government after a short reign (1731-1733), following his wife's death, Princess Louise-Hippolyte. He enriched the Grimaldis' old pictorial funds, composed of works of painters from beyond the Alps, originals and copies of Bassan, Titien, Guide, but also Breughel de Velours, Véronèse, Rubens, Rembrandt, Van Dyck, Paul Bril, David Téniers, Bamboche, Poussin, Bourbon, Mignard...
    The collection evolved according to irregular purchases and restorations, Parisian and Monegasque painters' orders and intra and inter-residence movings. The reproductions of engravings permitted the publication of the most remarkable objects and the assertion of a family rank. Attached to the solid values from the previous centuries, Jacques I of Monaco, who became duke of Valentinois again, also appreciated painters of his time such as Watteau, Nattier or Boucher. He was even attracted by the Flemish school. His various types of collections (coins and medals, marble and bronze objects, antique or modern, books, chinawares, tapestries), were not only a fashion matter, a concern of rank and order, or a will to illustrate the dynasty's reputation, but a real pleasure and an integral part of his personal identity.
  • Les relations franco-autrichiennes dans la seconde moitié du xviii e siècle ou les faux-semblants du renversement des alliances - Claude Michaud p. 567-588 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le renversement des alliances de 1756 fut-il une révolution diplomatique mettant un terme au séculaire antagonisme entre les Valois puis les Bourbons, et la maison d'Autriche ? Dans les faits, le lobby anti-autrichien ne désarma pas. Au lendemain de la guerre de Sept ans, pendant laquelle l'engagement militaire de la France sur le continent avait été limité, les réticences françaises, clairement exprimées par le ministre Vergennes, se muèrent en franche hostilité en réponse aux initiatives « expansionnistes » de Joseph II. Au terme du règne de Louis XVI, l'alliance n'avait plus aucune réalité. La Révolution ne fut pas une rupture avec une tradition d'Ancien Régime si ancrée. En dépit des efforts de Talleyrand pour préserver la monarchie de Vienne comme élément essentiel de l'équilibre européen, certes au prix d'une migration vers l'est de son centre de gravité, le Directoire puis Napoléon Bonaparte poursuivirent la tradition d'hostilité à l'Autriche. Mais la continuité n'est que partielle. La France de Louis XV et de Louis XVI ne recherchaient pas d'accroissements extérieurs, ni les frontières naturelles, à la différence de la France révolutionnaire et impériale.
    French-Austrian Relationships in the second part of the 18th century, about the reversal of alliances
    Was the overthrow of the 1756 alliances a diplomatic revolution putting an end to the aged-old antagonism between the Valois then the Bourbons dynasties, and the House of Austria? In reality, the lobby hostile to the Austrians did not disarm. Just after the Seven Years' War during which the military commitment of France had been limited, the French reluctance, clearly voiced by Minister Vergennes, changed into open hostility in reply to the “expansionist” initiatives of Joseph II. At the end of the reign of Louis XVI, the alliance had no reality whatsoever. The Revolution was not an abrupt change with an Ancien Régime tradition so well established. In spite of Talleyrand's endeavours to maintain the monarchy of Vienna as a basic element of the European equilibrium, certainly at the cost of a migration towards the east of its centre of gravity, the Directory then Napoleon Bonaparte pursued the tradition of hostility toward Austria. But the continuity is only apparent. Under Louis XV and Louis XVI France did no try to acquire new territories nor go beyond natural boundaries unlike revolutionary and imperial France.
  • Les funérailles de l'utopie. Les obsèques officielles de Pierre Leroux et la Commune de Paris - Jean-Noël Tardy p. 589-618 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Pierre Leroux meurt pendant la Commune et le régime décide d'accorder des obsèques officielles au penseur socialiste. Sa mort oblige la Commune et ses partisans à clarifier leur rapport à la mémoire de la Révolution de 1848, au socialisme, à la religion et au sacré en politique. L'organisation des funérailles met en lumière des acteurs et des réseaux de relations mal connus, comme les élus communards fusionnistes dont les positions religieuses paraissent anachroniques à beaucoup, ou les tenants du socialisme coopératif, de la monarchie de Juillet au Second Empire. L'analyse des rites, du cortège à la mise en terre, des gestes et attitudes des présents permet de mieux comprendre les conceptions de la démocratie directe et de la religion qui animaient un groupe de communards ainsi que la peur et l'aversion qu'elles pouvaient inspirer. Ces funérailles représentent un jalon dans la genèse d'un rituel essentiel du mouvement ouvrier français après 1871 : l'hommage des morts de la Commune au mur des Fédérés, espace sacré d'une mort collective, véritable Panthéon socialiste de substitution. Ces obsèques manifestent également le déclin des conceptions religieuses de Pierre Leroux et plus généralement des tenants de l'immortalité de l'âme, marginalisées au sein du mouvement révolutionnaire.
    The Funeral of Utopia. Pierre Leroux's Official Funeral and the Paris Commune
    Pierre Leroux died during the Commune and the revolutionnary government reluctancly held an official funeral service for the socialist thinker. His death made the Commune and its followers to debate about the past Second Republic, and which kind of socialism they promoted and the place of religion in it. The funeral organization was the result of the action of various actors, largely forgotten by history, like the fusionist communards (whose religious positions seemed anachronic to many) or the supporters of mutualism in 1848 or during the Second Empire. The analysis of rites, actions and attitudes allows a better understanding of the conceptions of direct democracy and of religion that stirs a group of communards, as well as the fear and aversion these can provoke. This funeral was a step in creating a new, essential ritual for the French labour movement after 1871: the celebration of the communards, victims of the repression, near the mur des fédérés in the cimetery of Père Lachaise, which became a new Panthéon for the socialists. This funeral also demonstrated the decline of Pierre Leroux's philosophy of religion, and more generally of the belief in the immortality of the soul, marginalized among revolutionnaries.
  • Misères de la vie conjugale à la Belle Époque. Un courrier des lecteurs du Matin sur le divorce (1908) - Aïcha Salmon p. 619-650 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Plus de vingt ans après la loi Naquet de 1884 qui en avait rétabli la possibilité, le divorce demeure à la Belle Époque un véritable sujet de société. Quand, en 1908, le quotidien Le Matin lance sous la houlette du journaliste Gustave Téry une grande enquête sur le sujet, celle-ci prend un tour inattendu : si elle débute comme à l'ordinaire par des lettres ouvertes de personnalités et des interviews, elle accorde une place sans précédent aux lettres de lecteurs qui, passionnés par la question, écrivent pour se prononcer « pour le mariage indissoluble », « pour le divorce » ou « pour l'union libre ». La publication exhaustive des milliers de réponses reçues n'étant pas envisageable, Gustave Téry complète l'enquête en élaborant un roman-feuilleton, Les Mystères du divorce dévoilés par nos lecteurs : les lecteurs du Matin deviennent à la fois les co-auteurs et les personnages d'une œuvre fictionnelle polyphonique où ils sont censés pouvoir reconnaître leurs témoignages. Quel statut donner à ces « confidences » destinées à être publiées dans un quotidien à grand tirage et qui de surcroît joue volontiers de la confusion entre réalité et fiction ? Cette étude propose une analyse de ces écrits, présentés comme « la plus complète, la plus instructive, la plus émouvante contribution à l'histoire des mœurs » d'une « Belle Époque » où la parole publique est fort rare à propos de la vie conjugale et de la sexualité ; et une réflexion sur les problèmes méthodologiques posés à l'historien tenté d'envisager les lettres de lecteurs comme des sources personnelles.
    In 1908, French daily Le Matin led a major investigation about divorce, which remained a subject matter of controversy, even more than twenty years after the law which has restored its right in France in 1884. Journalist Gustave Téry coordinated the project which took an expected turn when thousands of readers decided to write letters to editor, in order to give their own feelings accounts about couple life, marriage and divorce. As the exhaustive publication of answers was not conceivable, Gustave Téry decided to complete the initiative by elaborating a serial novel, The Mysteries of Divorce revealed by our readers: he made readers of Le Matin both co-authors and characters of a polyphonic fictional work in which they were supposed to be able to recognize their letters. What is the status of these “confidences”, very intimate, but destined to be published in a daily newspaper which, moreover, used to play the confusion between reality and fiction? This study proposes an analysis of these reader writings, presented as “the most complete, the most instructive, the most moving contribution to the history of manners” of a Belle Époque during which public speech was very rare about conjugality and sexuality; It also gives a thought about the methodological problems for historians attempting to view the letters to the editor as personal sources.
  • Comptes rendus - p. 651-731 accès libre