Contenu du sommaire : Nouvelles recherches

Lorsqu'il est nommé à la tête de l'ambassade de France en Espagne le 2 octobre 1937, Eirik Labonne fait face à une situation exceptionnelle. Il doit réorganiser un poste diplomatique éclaté de part et d'autre de la ligne de front qui divise le pays et marginalisé par la gestion de son prédécesseur, Jean Herbette, qui séjournait en France, à Saint-Jean de Luz, loin du gouvernement républicain auprès duquel il était accrédité. Cet héritage est la source de nombreuses tensions franco-espagnoles que Labonne doit apaiser, avec un certain succès. Mais sa mission reste pour l'essentiel, conformément à la politique de non-intervention, la recherche d'une médiation internationale visant à mettre fin au conflit, au risque de compromettre les capacités de résistance de la République espagnole.

Après avoir servi de source d'information aux services de renseignements britanniques pendant la guerre, le camp de prisonniers allemands de Wilton Park devint dès 1946 un haut lieu de sociabilité internationale d'un genre nouveau. Sous une forme qui mettait en avant la liberté de penser et la sincérité des contacts humains, loin de toute propagande, l'institution entreprit d'abord de « rééduquer » les prisonniers de guerre allemands et de réfléchir aux relations anglo-allemandes. Puis elle accueillit des Européens à propos de la question européenne, et enfin des personnalités du monde entier pour aborder tous les sujets brûlants de l'actualité. Chacune de ces phases vit une participation considérable – voire même décisive – de Suisses, car la Confédération fit, elle aussi, de ce centre semi-officiel, financé par le Foreign Office mais relativement indépendant, un instrument de sa diplomatie culturelle naissante.

L'article explore la première tournée américaine du ballet de l'Opéra de Paris en septembre-octobre 1948. Elle s'inscrit dans une dynamique d'après-guerre de la diplomatie culturelle de la France à l'étranger. Elle revêt également une dimension politique importante avec la présence contestée de Serge Lifar, maître de ballet condamné pour collaboration, revenu à l'Opéra en 1947. L'article revient sur les négociations, le déroulement de la tournée et sa réception américaine grâce à des sources issues de la presse, des archives diplomatiques et des documents conservés à l'Opéra de Paris.

Après la Seconde Guerre mondiale, la réintégration du syndicalisme allemand dans le concert syndical international est un sujet délicat. Aux débats sur le traitement à réserver à l'Allemagne succéda pourtant très vite une phase marquée par la volonté, exprimée par les organisations syndicales rassemblées pour former la Fédération syndicale mondiale (FSM), d'encadrer la reconstruction du syndicalisme en Allemagne. Cet article montre que le caractère tardif de la réinsertion internationale des syndicats allemands, qui n'est complète qu'en 1949, n'a pas été le fruit de préventions du syndicalisme international, mais qu'il est largement dû à celles des Alliés occidentaux contre la FSM et à l'idée d'un mouvement syndical allemand unifié dans le contexte des débuts de la Guerre froide.

La mise en place des relations diplomatiques entre la RDA et l'Égypte le 10 juillet 1969 parachève le processus de rapprochement économique et culturel entamé au milieu des années 1950. Face à l'échec de la gauche en Égypte, Berlin-Est adopte une attitude extrêmement flexible à l'égard des formes de contestation politique et développe des liens avec les nouveaux types d'acteurs, y compris religieux, qui émergent au sein de la société civile égyptienne. Tantôt la RDA seconde le pouvoir égyptien dans sa répression à l'égard des Frères musulmans, tantôt elle encourage la constitution de fronts patriotiques incluant des organisations islamistes. En analysant les stratégies de collaboration progressivement mises en œuvre par la RDA avec les institutions et organisations religieuses dans le pays, cet article entend montrer la capacité d'adaptation doctrinale est-allemande aux spécificités du terrain égyptien.

Les années 1970 voient l'émergence d'un monde multipolaire qui exige de nouvelles échelles de négociations. Quelle place le bilatéral peut-il jouer dans la réorganisation des relations internationales ? La question interpelle tout particulièrement deux puissances européennes « moyennes » aux ambitions mondiales : la France et la Grande-Bretagne. La crise économique, dans un contexte de mondialisation accélérée, rend indispensable la coordination entre les États. Valéry Giscard d'Estaing, qui voit dans l'intégration européenne le moyen de préserver le poids de l'Europe et de la France dans le monde, doit composer avec les Britanniques qui adhèrent à la CEE en 1973. La création du Conseil européen et du G7 cristallise cette évolution et offre de nouvelles perspectives aux relations bilatérales.

Cet article a pour but d'examiner la formation et les parcours de quatre experts du Parti pour les relations extérieures avant leur entrée au service de Mikhaïl Gorbatchev au milieu des années 1980. Souvent présentés comme des « réformateurs » ou autoproclamés, pour certains, « dissidents de l'intérieur », il s'agit de questionner cette représentation et de reconstituer l'essence de leur mission à l'aide d'archives et de sources inédites. À travers ces trajectoires politiques se dessinent l'image d'une élite internationale originale, en contact permanent avec le monde, mais surtout celle d'un système soviétique plus complexe qu'il n'y paraît, laissant prospérer ̶ voire encourageant ̶ un mode de pensée hétérodoxe, pourvu que celui-ci serve les intérêts du Parti.

La question du statut des eaux du passage du Nord-ouest pose fondamentalement la question de l'inclusion ou non de ce détroit maritime dans l'espace maritime souverain du Canada. Symétrique de la question du passage du Nord-est pour la Russie, elle oppose une interprétation du statut du passage comme détroit international ouvert au transit de tout navire selon les normes du « passage innocent », à l'inclusion de ce détroit dans des eaux intérieures, donc soumis à la pleine et entière souveraineté de ce pays. Avec les changements climatiques s'est développé un discours médiatique et scientifique abondant sur l'intérêt stratégique potentiel du passage du Nord-ouest : l'ouverture de celui-ci bouleverserait, selon plusieurs chercheurs, les stratégies des États par rapport à l'Arctique en dégageant des routes maritimes nettement plus courtes. Or, il s'avère que les relations entre États demeurent cordiales sur le sujet, malgré l'existence de désaccords. La question du passage du Nord-ouest n'a pas entraîné l'émergence d'un litige fort entre le Canada et d'autres pays au sujet de la souveraineté sur cette route arctique.