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Revue Le Mouvement social Mir@bel
Numéro no 259, avril-juin 2017
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • L'Internationale des historiens

    • Éditorial. Les passeurs de frontières - Philippe Minard p. 3-11 accès libre
    • Devenir Hobsbawm : une internationalisation de la profession historienne - Mark Mazower p. 13-32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie les liens étroits entre l'historien anglais Eric Hobsbawm et les historiens professionnels en France, de sa participation au Congrès international des sciences historiques de 1950 à ses rapports avec Fernand Braudel et quelques autres. Il démontre l'importance du réseau informel de contacts et d'influences qui se forma tant autour des deux hommes qu'entre les nouvelles institutions, notamment la VIe section de l'École pratique des hautes études et la revue Past and Present, qu'ils aidèrent à fonder et auxquelles ils étaient associés. Ce réseau servit de catalyseur à la profession d'historien des deux côtés de l'Atlantique et transforma la façon dont les sciences historiques étaient organisées. Réunis au départ par leur intérêt partagé et jamais démenti pour l'histoire économique et l'histoire du capitalisme, ses membres furent au cœur de la promotion de l'histoire sociale, qui devint un sujet dominant des champs historiques prémoderne et moderne à partir des années 1970. Ces bouleversements intellectuels découlaient de la valeur accordée à l'histoire, considérée désormais comme une science sociale en tant que telle.
      This article explores the close connections between the English historian Eric Hobsbawm and the historical profession in France, from his attendance at the 1950 international congress of historical sciences to his relationship with Fernand Braudel and others. It demonstrates the importance of the informal network of contacts and influences that emerged around the two men, and between the new institutions – notably the VIe section of the ‘Ecole pratique des hautes études' and the journal Past and Present – that they helped found and were associated with. This network acted as a catalyst upon the historical profession on both sides of the Atlantic and transformed the way the historical sciences were organised. Initially brought together by a shared interest in economic history and the history of capitalism, an interest which never vanished, its members were at the heart of the rise of social history as a dominant concern of the early modern and modern fields from the 1970s onwards. These intellectual shifts were connected with a new emphasis on the value of history itself as a social science.
    • Dialogues Est-Ouest : les historiens économistes, la guerre froide et la détente - Maxine Berg p. 33-58 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À la fin des années 1950 apparut une nouvelle association internationale d'histoire, l'Association internationale d'histoire économique. Dès 1960, elle organisa une série de colloques d'importance qui réunirent des historiens issus de toute l'Europe, d'Union soviétique et d'Amérique du Nord, et aussi, en plus petit nombre, d'autres pays. L'association existe toujours ; ses congrès s'appellent aujourd'hui « congrès mondiaux », et ses participants sont très différents, ceux issus de l'ancien bloc de l'Est étant bien moins nombreux. L'association fut créée et maintenue à ses débuts en réponse à la Seconde Guerre mondiale et à la guerre froide. Cet article, qui s'appuie sur une méthodologie historique transnationale, étudie les collaborations européennes des débuts, surtout les contributions françaises et britanniques, le rôle des fondations philanthropiques américaines et des historiens économiques américains, et l'expérience soviétique et est-européenne. Il relate la façon dont l'organisation négocia un certain nombre de crises de la guerre froide, et dont les échanges intellectuels et personnels contribuèrent à éliminer d'anciens obstacles. La détermination d'un groupe d'historiens économiques à s'affranchir des divisions politiques révèle le terrain politique bien réel qu'occupèrent ces universitaires et intellectuels.
      In the late 1950s a new international historical association was conceived, the International Economic History Association. From 1960 it organized a succession of major congresses bringing together historians from across Europe, the Soviet Union and North America, and smaller numbers from other countries. The association exists today; its congresses are now titled ‘World Congresses', and its participation is very different, with many fewer from the former Eastern Europe. The inception and earlier years of the association lay in responses to the Second World War and the Cold War. This article, using a transnational historical methodology, investigates the early European collaborations, especially the British and French contributions, the role of American philanthropic foundations and American economic historians, and the Soviet and East European experience. It relates how the organization navigated a number of Cold War crises, and how personal and intellectual exchanges helped to unlock old barriers. The commitment among a group of economic historians to cross political divides reveals to us the very real political spaces they occupied as scholars and intellectuals.
  • Quantifier la Grande Guerre

    • Du local au national : une nouvelle approche des pertes de 1914-1918 par département - Laurent Beau p. 59-77 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans la mémoire collective de la guerre de 1914-1918, les soldats paysans auraient bien plus versé leur sang que les habitants des villes et leur population d'ouvriers, notamment à Paris. Il a pourtant toujours été difficile d'établir un chiffrage précis des pertes de guerre par département. Ceux qui l'ont tenté se sont fondés sur la comparaison avec la population masculine du département recensée en 1911. En partant de l'analyse statistique des monuments aux morts d'un canton du Cantal, l'article change de base et prend en compte les mouvements de population intervenus dans les années précédant la guerre (exode rural, concentration dans les centres urbains industrialisés), ce qui invite à remettre en cause l'approche résidentielle généralement utilisée. En adoptant une approche démographique, basée sur la population active masculine selon le département de naissance des soldats morts pendant la guerre, les écarts se trouvent sensiblement réduits : on découvre une moindre saignée des départements ruraux et une augmentation sensible des pertes de certains départements fortement industrialisés. C'est une nouvelle carte des pertes en France qui se dessine, dont les écarts qui subsistent ouvrent la voie à des recherches ultérieures.
      In the collective memory of the First World War, soldiers from the countryside paid a much higher toll than the working-class inhabitants of cities, notably Paris. However, it has always been difficult to establish exact figures of war casualties for each department of France. Researchers who have attempted this approach have relied on a comparison with the male population for each department in the 1911 census. Based on a statistical analysis of the monuments to fallen soldiers in one canton in the Cantal department, this paper adopts a different perspective and factors in the population movements that occurred in the years preceding the war (rural exodus, with a concentration of population in industrialised urban areas). This challenges the residential approach generally used. By adopting a demographic approach, based on the male active population by department of birth of the soldiers killed during the war, the urban/rural gap is considerably reduced: we note fewer casualties in rural departments and a clear increase in the losses of certain highly industrialised departments. The result is a new map of French casualties, with the remaining gaps pointing to paths for future research.
    • L'impact économique du moratoire et de l'encadrement des loyers (Lyon, 1914-1926) - François Robert p. 79-97 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article contribue à l'évaluation du coût économique du moratoire sur les loyers durant la Première Guerre mondiale puis lors de la sortie du conflit. Pendant toute cette période, les propriétaires se sont fortement mobilisés, au niveau tant local que national, pour faire abroger les dispositions qu'ils jugeaient contraires au droit de propriété. Ils ont dénoncé les effets pervers de cette législation en mettant notamment l'accent sur le manque à gagner qui a plongé nombre d'entre eux dans des situations dramatiques. Le problème réside dans le fait que seuls les propriétaires se sont exprimés et que leur argumentaire ne comporte aucune donnée chiffrée. Leur rhétorique ne rencontre aucune opposition et leurs assertions sont invérifiables. En prenant comme exemple les loyers versés par les locataires de petits immeubles populaires lyonnais, nous avons pu, d'une part, comptabiliser les pertes subies par les propriétaires et, d'autre part, comprendre le dispositif mis en place par le gouvernement pour sortir de cette situation hautement conflictuelle. Une comparaison avec la comptabilité d'autres immeubles de même catégorie a permis de renforcer nos propos conclusifs.
      This paper endeavours to contribute to an assessment of the economic costs of the rent freeze enforced in France during the First World War, and of its repeal. Throughout this period, landlords actively campaigned on a local and national level for a repeal of these provisions, which they deemed contrary to property rights. Landlords denounced the distortional effects of this legislation, notably emphasising the income losses that plunged many landlords into very difficult situations. The problem lay in the fact that only landlords were expressing their viewpoint, and their arguments did not contain any quantitative data. Their rhetoric met with no opposition, and their assertions cannot be verified. By looking at the example of rents paid by the tenants of small working-class buildings in Lyon, we have been able to calculate the losses endured by landlords, on the one hand, and to understand the government's measures to get out of this highly conflictual situation, on the other. A comparison with the accounts of other similar buildings further backs our conclusions.
  • L'impossible déchéance de nationalité

    • L'impossible déchéance de nationalité. L'État français face au volontariat militaire pro-carliste (1872-1876) - Alexandre Dupont p. 99-110 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les récents débats sur la déchéance de nationalité ont remis au cœur de l'actualité une question qui s'était déjà posée pour les volontaires français partis se battre à l'étranger. L'État s'y était confronté au XIXe siècle et, tout en interdisant en droit, avait laissé faire en fait. Dans un cas cependant, celui des volontaires français pro-carlistes dans les années 1870, les autorités françaises ont semblé bien résolues à user de cette arme judiciaire, avant de devoir renoncer pour de multiples raisons. Le volontariat pro-carliste constitue donc un observatoire privilégié de l'extrême difficulté pour l'État d'appliquer réellement la déchéance de nationalité à des combattants internationaux.
      The recent debates in France about stripping individuals of their French nationality have cast a fresh light on the state's capacity to strip away the citizenship of French citizens who have left to fight in another country. The French state already faced this issue in the nineteenth century and, while establishing a de jure prohibition on individuals volunteering to fight abroad, France allowed it to happen de facto. In one case, however, the French volunteers who fought for the Spanish Carlists in the 1870s, French authorities seemed determined to use this judiciary weapon, before having to renounce it for multiple reasons. As such, the French pro-Carlist volunteering has special status as an example of the extreme difficulty of actually stripping international combatants of their nationality.
  • Notes de lecture