Contenu du sommaire : 30ème anniversaire. Renouveler la question migratoire
Revue | Revue Européenne des Migrations Internationales |
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Numéro | vol. 32, no 3, 2016 |
Titre du numéro | 30ème anniversaire. Renouveler la question migratoire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Véronique Petit p. 7-14
- Les revues et leurs temps. Entretiens avec Sylvain Bourmeau, André Chabin, Vincent Citot et Olivier Mongin - Marie-Antoinette Hily p. 15-35 Pour marquer l'anniversaire des trente ans de la REMI quatre revuistes, enseignant-chercheur, journaliste, rédacteur en chef, font part de leurs expériences et de leurs interrogations quant à l'avenir des revues de sciences humaines et sociales. Les questions auxquelles ils répondent dans les entretiens publiés in extenso concernent la place et le rôle des revues dans l'espace public, ainsi que leurs engagements politiques et scientifiques selon les époques. Ils abordent aussi la question qui occupe aujourd'hui nombre de rédaction et qui conditionne leur avenir ; elle concerne les changements que les revues doivent affronter avec non plus l'entrée, mais l'installation dans le numérique.In order to celebrate the thirty years of REMI, four authors of reviews, professor and researcher, journalist, chief editor, share their experiences and their questioning about the future of Human and Social Sciences Journals. The questions they answer are published in extenso, and deal with the place and role of journals in the public space, as well as with their own political and scientific implication. They also tackle the question which worries many editorial boards, and on which their future depends: the changes many journals have to face not so much with the introduction, but with the setting up of digital technologies.
- Le marché de Sabra à Beyrouth par l'image et le son. Retour sur une enquête intensive - Houda Kassatly, Nicolas Puig, Michel Tabet p. 37-68 Ce texte a pour ambition d'apporter une contribution méthodologique aux études sur les formes de coprésence dans les lieux de densité et d'hétérogénéité humaines. Il décrit les dispositifs audio-visuels déployés sur un marché de Beyrouth situé dans le quartier de Sabra, leur réception par les acteurs et les effets de connaissance attendus. Tous les dimanches, des outsiders migrants asiatiques principalement originaires du Bangladesh insèrent leurs propres activités sociables et commerciales sur ce marché occupé par des installés arabes (Palestiniens, Syriens et Libanais). L'objectif est d'approcher l'expérience sensorielle et relationnelle des acteurs en présence à partir de séquences de diverses natures, photographiques, filmiques et sonores. Sabra représente un espace social où des acteurs immergés dans un environnement sensoriel, dont ils sont aussi les producteurs, imaginent les formules communicationnelles de la coprésence.
This paper aims to provide a methodological contribution to study relationship in the dense and heterogeneous human places of gathering. It describes the audio-visual method used in a Beirut market located in the district of Sabra, near Chatila. Every Sunday, Asian migrants mainly from Bangladesh spread out their own sociable and commercial activities in the market usually occupied by Palestinians, Syrians and Lebanese. The research seeks to describe how the outsiders takes place in this place and to analyze the sensorial and relational experiences of the actors involved in the market from recorded sequences of various kinds: pictures, videos and sounds. Sabra is a social space where, actors, outsiders and dominants, immersed in a sensorial environment they are also producing, imagine different ways to communicate together. - Migrations et métropoles : visées photographiques - Anne Raulin, Sylvaine Conord, William Berthomière, Ines Ebilitigué, Alexa Färber, Guillaume Ma Mung, Hélène Veiga Gomes p. 69-130 Depuis son invention, la photographie et ses usages n'ont cessé d'évoluer du XIXe au XXIe siècle. Les années 1930 ont marqué un tournant quand des anthropologues étatsuniens ont considéré l'image photographique comme un instrument de recherche à part entière. Les transformations des conditions historiques, du sens des migrations, puis les récentes révolutions numériques ont radicalement changé le rapport des sciences sociales à ce médium. Considérant les trente dernières années de recherche sur les migrations et leur visibilité dans les métropoles contemporaines, sept contributions viennent ici décrire la façon dont le travail photographique s'est émancipé de la « photographie sociale » pour aboutir à la « photographie participative » – sans pour autant abandonner le propos ethnographique. Dans ce mouvement, les habitants ont pu devenir acteurs dans la captation d'images qui valorisent la ville et leur quartier d'immigration et participer à certaines formes de mise en scène de l'altérité locale. Quant au chercheur/e-photographe, il/elle a désormais à sa disposition diverses postures, comme témoin actif de la biographie individuelle ou collective de ces populations, révélateur de particularismes culturels, artiste catalyseur de perceptions sociales, flâneur dérivant au gré de son observation flottante… suivant la démocratisation du rapport à l'image qui ne cesse de susciter de nouvelles modalités d'expression.Since photography was invented, its techniques and uses have kept evolving throughout the 19th, 20th and 21st centuries. The Thirties marked a turning point when American anthropologists considered photographic images as a legitimate instrument for ethnographic research. Renewed historical conditions, migrations currents and the recent digital revolutions radically changed the connection between this media and the social sciences. Covering the three past decades, seven researchers on migrations and their visibility in global cities each contribute here to give an account of how photographic documentation moved from “social photography” to “participative photography” – nevertheless keeping ethnographic purposes in mind. Along this move, migrants may have become active participants in producing images, which enhance the city, more precisely their own neighbourhood, and in staging local otherness. As for the photographer-researcher, s/he may choose between a variety of positions, working as an active witness of their individual or collective history, as an ethnographer revealing cultural particularisms, an artist catalyst of social perceptions, a flâneur drifting along floating observations… so following the democratization of the use of images which allows a permanent invention of means of expression.
- « Le cinéma a besoin de l'individu, les migrants ont besoin du cinéma pour redevenir des individus ». Entretien avec Andrea Segre - Constance de Gourcy p. 131-146 Depuis quelques décennies, les questions migratoires sont devenues un sujet majeur des sociétés contemporaines dont le cinéma se fait le relais. Considéré comme source et outil d'analyse, celui-ci contribue à la connaissance de l'histoire des migrations et souligne la façon dont une société construit son rapport à l'altérité en mobilisant la figure de l'étranger. L'entretien mené auprès d'Andrea Segre, réalisateur et scénariste italien de documentaires et de films internationalement reconnus et primés, met en lumière la capacité du cinéma à ouvrir des mondes possibles – et non seulement à refléter ceux existants –, des mondes où les différences sont moins un obstacle à la commune humanité qu'un de ses fondements.For several decades, migratory issues have become an important subject for contemporary societies whose cinema has played a major role. As a source and research tool, the cinema helps us understand the history of migration and underlines the way in which society deals with alterity through the mobilisation of the foreigner. The interview with Andrea Segre, famous director and scriptwriter of internationally acclaimed documentaries and films, highlights the capacity of the cinema to open up news worlds – and not only to reflect existing ones. In these worlds, differences between people not so much an obstacle but the foundation of our common humanity.
- Les artistes urbains belges, la « crise migratoire » et le terrorisme. Entretiens avec Kaer, Gioia Kayaga, Giacomo Lariccia, David Mendez Yepez, Tutu Puoane et Rival - Marco Martiniello p. 147-161 Basé sur des entretiens menés avec six artistes de la scène musicale urbaine de trois grandes villes belges (Anvers, Bruxelles et Liège), l'article aborde trois questions : la « crise migratoire » actuelle, l'impact des attaques terroristes qui ont secoué le pays et les politiques mises en œuvre pour y répondre et enfin, la manière dont les artistes conçoivent leur rôle en tant qu'artistes dans la période très délicate que nos sociétés traversent. L'intérêt de ces conversations entre un sociologue des migrations et des artistes urbains dont l'histoire personnelle est directement marquée par les migrations repose sur l'idée que ces derniers sont des acteurs-clés dans les dynamiques urbaines post-migratoires et interculturelles.Based on interviews with six artists from the urban music scene of three major Belgian cities (Antwerp, Brussels and Liège), the paper addresses three issues: the “migration crisis” today, the impact of the terrorist attacks that shook the country and the policies implemented to respond and finally, the way artists see their role as artists in the very difficult period that our societies are going through. The interest of these conversations between a sociologist of migration and a sample of urban artists whose personal history is directly marked by migration is based on the idea that they are key players in the post-migration and intercultural urban dynamics.
- Les migrations au musée ! Sciences sociales et muséographie sont-elles complémentaires ? - Yann Scioldo-Zürcher p. 163-183 Les musées de société consacrés aux faits migratoires ou aux diasporas réaffirment dans un contexte de montée des mouvements xénophobes combien les migrations sont partie intégrante des histoires de chaque pays. Aussi, dans le cadre de ce numéro anniversaire de la REMI, il nous a paru intéressant « d'observer » quelques muséums de renommée internationale (à Paris, Hambourg, Berlin, Tel-Aviv et Moscou) consacrés à l'histoire des migrations et des sociétés juives en diaspora, à un moment où les connaissances, en termes de narrations et de méthodologies conceptuelles, étaient suffisamment « opérantes » pour exposer les faits dans leur complexité. Les savoirs scientifiques ont-ils suffisamment pu peser sur les représentations muséographiques ? Quelles sont les « conventions d'écriture » lorsque les contraintes narratives des directeurs et conservateurs de musées vis-à-vis de leurs tutelles peuvent être en opposition avec les exigences des chercheurs et lorsque les muséographes ont, par souci de vulgarisation, tendance à vouloir privilégier une approche narrative et linéaire des migrations ?Museums related to Migrations or Diasporas, in a context of rising xenophobia, reinforce the idea how migrations are full part of National Histories. As part of this project of anniversary volume of REMI, we thought it would be interesting to analyze the exhibitions of few museums internationally reputed (in Paris, Hamburg, Berlin, Tel-Aviv and Moscow) dedicated to Migrations and Jewish Societies in Diasporas at the time when scientific knowledge in terms of narration or conceptual approach sufficiently operational to expose the facts in their complexity. Is scientific knowledge strong enough facing museum projects? Where can the attention to detail go in facing narrative models promoted by director and curator museums, and their trustees, or when historians are contend with museographers who are privileging narrative and linear approaches of migrations?
- Cartographier les mouvements migratoires - Lucie Bacon, Olivier Clochard, Thomas Honoré, Nicolas Lambert, Sarah Mekdjian, Philippe Rekacewicz p. 185-214 À partir de diverses réalisations conventionnelles en géographie et/ou artistiques, parmi lesquels des travaux réalisés par les auteurs, cet article s'intéresse à la manière dont la cartographie des migrations internationales a évolué depuis le début des années 1990. La représentation des mouvements migratoires, qui oscille entre des flèches, des mesures de stocks et diverses formes de dessin, soulève autant d'enjeux scientifiques et politiques posés à la cartographie et géographie des migrations. Après un bref rappel des changements qu'a connus la cartographie des flux migratoires, depuis ses origines, au XIXe siècle, jusqu'à aujourd'hui, les auteurs évoquent les principaux défis techniques et épistémologiques que les cartes de flux ou représentant des itinéraires ne cessent de poser. Puis pour terminer, sont présentées de nouvelles formes cartographiques, ayant émergé depuis le début des années 2000, dans les domaines croisés de la science, de l'art et du militantisme.Based on several conventional geography works and/or artistic works – some of them made by the authors of this paper –, this article focuses on how the mapping of international migrations has evolved since the beginning of the 1990s. The representation of migratory movements, which oscillates between arrows, measurements of stocks and different forms of design, implies both scientific and political stakes for the cartography and geography of migrations. After making a brief recalling of the changes that the mapping of migratory flows has experienced from its origins in the 19th century until today, the authors refer to the main technical and epistemological challenges that cartography of migratory movements and the presentations of itineraries raise nowadays. Finally the article analyses the new cartographic forms that have emerged since the beginning of the 2000s within the interconnected domains of sciences, arts, and militancy.
- La mesure des flux migratoires entre la France et l'étranger : et si on parlait (aussi) d'émigration ? - Franck Temporal, Chantal Brutel p. 215-229 La mesure des flux migratoires a toujours été complexe et délicate. Au cours des dernières décennies, la connaissance des flux d'immigration et surtout d'émigration est restée incomplète rendant difficiles les comparaisons internationales. La nouvelle méthode d'estimation des flux migratoires entre la France et l'étranger, mise au point par l'Insee et présentée dans cet article, nous offre une vision globale des migrations, en ce qu'elle permet de traiter, pour la première fois, de la question des sorties du territoire français, de la part d'étrangers, mais aussi de nationaux. Les premiers résultats de la période récente (2006-2014) indiquent que si la France reste un pays d'immigration, elle est aussi un pays de départ et donc un territoire d'émigration.The measure of migratory flows has always been a difficult and awkward task. During the last decades, the knowledge about immigration flows, and specially emigration flows, has been incomplete, making difficult any international comparison. A new methodology for estimating flows between France and other countries, designed by Insee and presented in this article, offers a global vision of migrations, insofar as, for the first time departures from French territory are taken into account (not only of foreigners, but also of nationals). The first results for the period 2006-2014 show that, even if France remains an immigration country, people also leave it, so it is also an emigration territory.
- Shifting Theories, Methods and Topics. Monika Salzbrunn Talks with Ludger Pries about Thirty Years of Migration Studies - Monika Salzbrunn p. 231-247 Monika Salzbrunn s'entretient avec Ludger Pries à propos des changements théoriques, méthodologiques et thématiques – notamment le « tournant transnational » – intervenus durant trente années de recherche sur les migrations. La combinaison des concepts d'espace substantiel et d'espace relationnel a conduit à l'élaboration d'espaces sociaux transnationaux qui souligne le caractère pluri-local des relations sociétales, des réseaux et des pratiques. Ces pratiques comportent une conscience quotidienne et une interrelation d'acteurs, de symboles significatifs et le recours aux artefacts. La transnationalisation est considérée comme un des sept idéaltypes (ideal-types) de processus d'internationalisation et de migration, s'étendant au-dessus et entre des espaces « contenants », et au sein de laquelle des cercles concentriques de phénomènes locaux, micro-régionaux, nationaux, macro-régionaux et globaux s'articulent. Enfin, la situation actuelle des réfugiés est abordée en tenant compte de ces différents niveaux d'analyse.Monika Salzbrunn talks with Ludger Pries about shifting theories, methods and topics that occurred during the last thirty years in migration studies, namely the transnational turn. The combination of substantial and relational concepts of space has led to the elaboration of transnational social spaces, emphasising the pluri-local nature of societal relations, networks and practices. These practices include an everyday awareness and interrelation of actors, significant symbols and the use of artefacts. Transnationalisation is considered as one out of seven ideal-types of internationalisation and migration processes, spanning above and between container spaces and in which the concentric circles of local, micro-regional, national, macro-regional and global phenomena are played out. Finally, the present situation of refugees is treated under the light of these different levels of analysis.
- Du social au biologique : les habits neufs de la « race » ? Entretien avec Magali Bessone et Claude-Olivier Doron - Élodie Grossi, Christian Poiret p. 249-270 Il est communément admis en France que la notion biologique de race est scientifiquement invalidée depuis les années 1950. Pourtant, la « race », comme catégorie biologique, est loin d'être sortie des pratiques scientifiques. Au contraire, ces usages sont multiples et fragmentaires. La notion de race se transforme ainsi au fil de sa circulation entre disciplines des sciences « dures » et entre contextes nationaux. Et surtout, son usage comme notion biologique n'est pas cantonné aux seuls professionnels de la santé et des sciences naturelles. Aux États-Unis, les particuliers recourent à des tests génétiques pour s'affilier à des « races-ascendances bio-géographiques ». Des sociologues et historiens analysent les usages de la « race » en sciences « dures » et en médecine dans le contexte étatsunien, depuis une vingtaine d'années. Au regard de ce foisonnement nord-américain, les recherches en sciences sociales se font rares sur le sujet en France. Dans cet entretien, Magali Bessone et Claude-Olivier Doron proposent des lectures novatrices des modalités de construction et des usages des catégories ethniques et raciales dans le champ des sciences naturelles et de la médecine. Ils reviennent sur la pertinence de l'opposition entre constructivisme social et naturalisme lorsque ces paradigmes sont appliqués à la « race ». Enfin, ils invitent à déconstruire les usages parfois complexes de cette notion, en produisant des enquêtes empiriquement fondées dans le contexte français.In France, it is commonly admitted that the scientific validity of the notion of race has been rejected since the 1950s. Nevertheless, race as a biological category is far from having been removed from scientific practices. Indeed, its uses are multiple and fragmentary. The notion of race is transformed as it circulates between the “hard” sciences and between different national contexts. Furthermore, its use as a biological notion is not restricted to professionals working in health or the natural sciences. In the United States, private individuals now often use genetic tests in order to affiliate themselves to “bio-geographical ancestries” or “races”. For about twenty years, sociologists and historians have been analyzing the uses of race in the “hard” sciences and in the medical field in the American context. Compared to this sizable intellectual production in the US, research on “race” in the social sciences in France is noticeably scant. In this interview, Magali Bessone and Claude-Olivier Doron propose creative readings of the modalities of construction and the uses of ethnic and racial categories in the field of the natural sciences and medicine. They explain the importance of the opposition between social constructivism and naturalism when these paradigms are applied to “race”. Finally, they invite readers to deconstruct the complex uses of this notion, by producing empirical qualitative field studies in the French context.
- American Immigration Politics: An Unending Controversy - James F. Hollifield p. 271-296 L'immigration a toujours été un sujet à controverse dans l'histoire politique américaine, depuis l'époque coloniale jusqu'à aujourd'hui. Dans cet article, l'auteur démontre comment cette question de l'immigration est tantôt construite en fonction de l'économie, tantôt des droits, de la sécurité ou de la culture et qu'il est nécessaire de replacer cette analyse dans un contexte historique précis. Durant la période qui va de 1945 aux attaques terroristes de 2001, la politique d'immigration a été définie en fonction du jeu entre droit et économie. Mais depuis le début du XXIe siècle, les termes du débat sur l'immigration aux États-Unis se concentrent autour d'une rhétorique relative à la culture (race et religion) et à la sécurité nationale. Ce cadre de pensée conduit à intensifier le « paradoxe libéral » compliquant ainsi toute réforme de la politique d'immigration.Immigration has been a controversial issue throughout American political history from the colonial period to the present. In this article I argue that we must understand how the issue of immigration is framed whether in terms of economics (markets), rights, security or culture, and we must be attentive always to place the controversy in historical context. In the period since 1945 until the 2001 terrorist attacks, immigration policy was driven by a rights-markets dynamic. But in the first decades of the 21st century the immigration debate is framed primarily in terms of culture (religion and race) as well as national security. This framing has heightened the “liberal paradox” making immigration policy reform more difficult.
- La renaissance de la « Route de la soie » : un mythe qui occulte les migrations internationales - Julien Thorez p. 297-317 La « Route de la soie » est désormais l'une des principales notions utilisées par les acteurs politiques et quelquefois académiques pour décrire l'insertion des pays d'Asie centrale dans la mondialisation. Cette idée développée au XIXe siècle par le géographe allemand Ferdinand von Richtofen pour dépeindre les réseaux commerciaux reliant la Chine et l'Europe aux périodes antiques et médiévales est pourtant invalidée par la réalité des échanges internationaux de personnes et de marchandises. Les flux qui transitent par l'Asie centrale entre l'Europe et l'Asie restent en effet modestes au regard de la circulation mondiale, en raison de la primauté de la voie maritime. Par ailleurs, cette idée occulte les migrations internationales, alors même que la région a connu depuis une trentaine d'années des transformations considérables de son système migratoire qui bouleversent les sociétés et les territoires de l'Asie centrale.The “Silk Road” is one of the most popular terms used by political stakeholders (and in a few cases by academics) to describe the insertion of the Central Asian states into globalisation. This idea was coined by German geographer Ferdinand von Richtofen at the end of the 19th century in order to schematise the ancient network of trade routes which connected China and Europe. However, the discourse on the assumed rebirth of the “Silk Road” is contradicted by the reality of international exchanges. In comparison with the circulation of goods and persons at the global scale, transit flows through Central Asia are marginal, due to the domination of maritime transport. In addition, and despite fundamental changes within Central Asian migrations since the 1980's, this discourse overlooks international migratory flows as well as the actual dynamics of Central Asian societies and territories.
- La politique au-delà des frontières : la sociologie politique de l'émigration - Roger Waldinger p. 319-334 Cet article propose un cadre d'analyse de la sociologie politique de l'émigration. Il met l'accent sur les dualités logées au cœur du phénomène migratoire : les immigrants sont aussi des émigrants, les étrangers au sens juridique (aliens) sont aussi des citoyens, les étrangers au sens social (foreigners) sont aussi des nationaux, les exclus des sociétés de réception sont aussi les membres des sociétés d'origine. De la société d'origine mais n'étant plus dans cette société, les migrants sont des membres dont les connexions transfrontalières et les besoins d'adaptation poussent l'État émetteur à s'élargir au-delà des frontières, mais le fait de résider à l'étranger affaiblit leurs revendications d'appartenance. Dans la société de réception mais n'étant pas de cette société, ils ont accès à des ressources économiques et politiques qui leur permettent d'exercer de l'influence dans la société d'origine, mais en tant qu'étrangers leurs droits sont limités et leur acceptation incertaine, vulnérabilité qui peut s'aggraver lorsqu'un engagement continué à l'égard du pays d'origine suscite la suspicion des nationaux de l'État récepteur. Cette variété de conditions déclenche des interventions des États émetteurs qui cherchent à protéger et à influencer leurs nationaux résidant à l'étranger mais également à répondre aux revendications de ces citoyens à l'extérieur du pays et à les canaliser afin de mieux les récupérer. Cependant, l'extension au territoire d'un pays étranger empêche l'exercice du pouvoir et ne permet que l'exercice d'une influence. Et dans ce cas des interventions même limitées courent le risque d'enflammer les passions des nationaux déjà inquiets par la présence d'une population étrangère parmi eux.This paper seeks to develop a framework for analyzing the political sociology of emigration. It emphasizes the dualities at the heart of the migration phenomenon: immigrants are also emigrants, aliens are also citizens, foreigners are also nationals, non-members are also members. At once of the sending state, but not in it, the migrants are members whose everyday cross-border connections and ongoing needs draw the sending state across the borders; residing abroad, however, their claims to belonging are undermined by their presence on foreign soil. At once in the receiving state but not of it, the migrants can access the economic and political resources available in their new home, using them to gain leverage in the home left behind; yet as outsiders, their rights are circumscribed and their acceptance is uncertain, vulnerabilities that can be aggravated if continuing homeland involvement triggers the suspicion of receiving state nationals. Both conditions activate interventions by home states seeking to influence and protect nationals abroad. While extension to the territory of another state keeps options inherently limited, even limited engagements can inflame the passions of receiving state nationals, already anxious about the foreigners in their midst.
- Un regard québécois sur la REMI - Deirdre Meintel p. 335-336
Chronique juridique
- Protection et promotion des droits sociaux des migrants par le Comité européen des droits sociaux - Marie-Françoise Valette p. 337-343
Notes de lecture
- Leroy Delphine et Leroy Marie, Histoires d'écrits, histoires d'exils : perspectives croisées sur les Écritures en migration(s) - Sylvie Aprile p. 345-346
- Cunin Elisabeth, Administrer les étrangers au Mexique : migrations afrobréziliennes dans le Quintana Roo, 1902-1940 - Ève Bantman-Masum p. 346-347
- Aragón Argán, Migrations clandestines d'Amérique centrale vers les États-Unis - Michaël Da Cruz p. 347-350
- Ortar Nathalie, La vie en deux : familles françaises et britanniques face à la mobilité géographique professionnelle - Constance de Gourcy p. 350-352
- Laffort Bruno, Entre ici et là-bas. Des Maghrébins racontent - Vulca Fidolini p. 352-354
- Kante Seydou, La géopolitique de l'émigration sénégalaise en France et aux États-Unis - Olivier Leservoisier p. 354-356
- Schmoll Camille, Thiollet Hélène et Wihtol de Wenden Catherine, Migrations en Méditerranée. Permanences et mutations à l'heure des révolutions et des crises - Adelina Miranda p. 356-358
- Pécoud Antoine, Depolitising Migration: Global Governance and International Migration Narratives - Véronique Petit p. 358-360
- Mattelart Tristan, Médias et migrations dans l'espace euro-méditerranéen - Isabelle Rigoni p. 360-365
- Simon Gildas, Dictionnaire des migrations internationales. Approche géohistorique - Ralph Schor p. 365-368