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Revue | Annales de géographie |
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Numéro | no 716, 2017/4 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Territoires des humains et territoires des animaux : éléments de réflexions pour une géographie animale - Sarah Bortolamiol, Richard Raymond, Laurent Simon p. 387-407 La géographie, en abordant conjointement les espèces et leurs milieux, représente une passerelle féconde entre les sciences humaines et sociales et les sciences de la nature pour traiter du partage de territoire entre humains et non-humains, dont l'Animal est un représentant au caractère heuristique particulièrement marqué. Pour saisir les conditions du partage de territoire entre l'Homme et l'Animal, il faut comprendre le(s) territoire(s) de chacun, leurs fonctionnements, leurs interactions, leurs dynamiques, leurs adaptations respectives ainsi que leurs conjugaisons à la fois spatiales et culturelles. Cela, parce que le territoire des uns (des hommes) crée le territoire des autres (des animaux) et réciproquement. En France, des initiatives récentes ont fait émerger une géographie « humanimale » très influencée par une approche culturaliste. Ce numéro des Annales de Géographie se veut complémentaire de cette approche, en abordant la question à l'interface entre écologie et géographie. Nous retraçons la place de l'Animal en géographie afin de mieux comprendre comment il peut être modèle de nos rapports à l'environnement, surtout dans un contexte ou les territoires de rencontre entre humains et animaux se multiplient.Dealing jointly with species and their environments, geography serves as a fertile bridge between the human and social sciences and the natural sciences. It allows study of areas shared between humans and non-humans, within which the animal is a particularly strong heuristic example. To understand conditions and ways in which areas are shared between humans and animals, the territory(ies) of each must be understood : how they function, their interactions, dynamics, respective adaptations as well as their spatial and cultural associations. This is because the territory of one (human) creates the territory of the other (non-human) and vice versa. In France, recent initiatives have led to the emergence of a “humanimal” geography, strongly influenced by a culturalist approach. This edition of the Annales de Géographie intends to complement this approach by addressing the issue at the interface between ecology and geography. We retrace the animal's place in geography to better understand how it can be a model of our relationships with the environment, especially in a context where areas of encounter between humans and animals are multiplying.
- De la belle exotique à la belle invasive : perceptions et appréciations de la Perruche à collier (Psittacula krameri) dans la métropole parisienne - Alizé Berthier, Philippe Clergeau, Richard Raymond p. 408-434 Dans un contexte de développement du commerce international des nouveaux animaux de compagnie, les villes constituent des points d'entrée privilégiés pour les introductions d'animaux exotiques. Si beaucoup de travaux démontrent les impacts négatifs de ces introductions, peu se focalisent sur l'appréciation de ces espèces par les habitants des territoires d'accueil. L'arrivée de la Perruche à collier (Psittacula krameri) dans la métropole parisienne offre la possibilité d'étudier les perceptions et appréciations par les citadins d'une espèce invasive potentielle qui suscite a priori leur sympathie. Nous avons interrogé les critères déterminant ces perceptions et appréciations. Alors que cet oiseau est spontanément apprécié pour son exotisme, un retournement de valeur s'opère à mesure que sa population augmente et qu'il devient commun. Le statut de l'espace où l'habitant interagit avec la Perruche influence également son appréciation, les nuisances étant moins tolérées à proximité des espaces privés.With the development of worldwide trade of exotic pets, cities have become key entry points for the increasing introductions of non-native animals. While many studies show the negative impacts of these introductions, few focus on the appreciation of these species by the city-dwellers. With the arrival of the Rose-ringed parakeet (Psittacula krameri) in the metropolis of Paris, we studied the inhabitants' perceptions and appreciations of a potential invasive species, which at first sight arouses sympathy. The Authors investigated the criteria determining people's perceptions and appreciations of this animal. Whereas this bird is liked spontaneously for its exoticism, an attitude reversal occurs with its population growth and as it becomes more commonplace. The status regarding the use of the place where inhabitants interact with the parakeet also affects how much it is appreciated, in that negative impacts are less tolerated when they are close to private spaces.
- Territoires protégés, humains et chimpanzés. Une lisière fluctuante dans le temps et l'espace - Sarah Bortolamiol, Marianne Cohen, Sabrina Krief p. 435-463 La conservation de la biodiversité soulève des questionnements sur la manière dont les humains s'organisent et coexistent avec la nature. Nos travaux précédents ont identifié les facteurs naturels et anthropiques qui influencent la répartition des chimpanzés dans une forêt tropicale aujourd'hui protégée (parc national) et entourée d'une forte densité de population humaine. Ici, nous étudions comment les actions des acteurs humains et non humains ont fluctué dans le temps et l'espace en mobilisant l'étude de l'évolution de la couverture végétale à la lisière de la forêt (parcelles de végétation, photos aériennes, image satellite) et les enquêtes réalisées auprès de villageois (entretiens semi-directifs, observations participantes) et d'ouvriers de la théiculture (questionnaires) habitant à l'extérieur de la forêt. Malgré les discontinuités juridiques et physiques, les territoires des acteurs étudiés – i. e. végétaux, chimpanzés, humains se recouvrent et le contact avec la nature est entretenu dans l'imaginaire, dans la culture et dans certaines pratiques des villageois.Biodiversity conservation raises many questions about how humans organize themselves and coexist with nature. Our previous research focused on natural and anthropogenic factors influencing chimpanzees' distribution in a protected tropical forest (National Park) whilst surrounded by a high-density human population. This work seeks to understand how these human and non-human actions have fluctuated over time and space, through the study of changes and developments in vegetation cover at the forest edge (vegetation plots, aerial photographs and satellite images), and surveys with both villagers (semi-quantitative interviews, participative observations) and tea workers (questionnaires) living outside the forest. Despite the legal and physical discontinuities, the areas of each active factor (i. e. vegetation, chimpanzees, humans) overlap. Contact with nature is maintained in the imagination, in the culture and in certain practices of the villagers.
- Interroger les bases de données géographiques pour mieux renseigner les territoires de cohabitation entre l'animal et l'humain - Vincent Godard, Mary Capon p. 464-491 Au travers de trois exemples de pathologies transmissibles par des animaux « familiers » dans la Métropole du Grand Paris (MGP), nous interrogeons une certaine forme de relation entre les humains et les animaux sur des territoires qu'ils peuvent être amenés à cofréquenter. Souhaitant analyser cette cofréquentation à l'échelle de la MGP, c'est avec une approche globale, celle des bases de données géographiques, qu'il nous faut étudier ces relations. Ces espaces sont renseignés dans un grand nombre de bases de données spatialisées. Il est, de ce fait, intéressant d'évaluer leur capacité, au moins en consultant leurs métadonnées, à rendre compte de la dimension spatiale et temporelle des lieux de cohabitation et de contamination potentielle entre l'humain et l'animal. Les bases de données les plus connues sont évaluées sous leur dimension sémantique (les lieux de rencontre sont-ils présents dans la nomenclature ?), spatiale (les lieux de rencontre ne sont-ils pas trop petits pour être renseignés ?) et temporelle (la répétitivité des mises à jour est-elle suffisante ?) ainsi que des possibles effets barrière. Une seule satisfait actuellement à ces trois critères : le Mode d'occupation du sol (MOS) de la région Île-de-France. L'effet « barrière zoonotique » est, avec la résolution spatiale, l'aptitude la mieux partagée, alors que la résolution temporelle est, avec la résolution sémantique, l'aptitude la moins bien partagée.The Authors use the example of three diseases transmittable by animals, not uncommon in the Metropolis of Greater Paris (MGP), to explore a certain kind of link between humans and animals in places both could visit. The aim was to analyse this copresence at a metropolitan scale. A global approach was adopted to investigate these links, using geographical databases. The places concerned are described in many spatialized databases. Therefore it is instructive to assess their ability to reflect the spatial and temporal aspect of places of coexistence and possible contamination between humans and animals, at least through examination of their metadata. The most well-known databases are assessed in virtue of their different dimensions: semantic (do the places of contact appear in the index ?), spatial (are the places of contact large enough to be characterized ?) and temporal (is the repeatability of the updates good enough ?) as well as through possible barrier effects. Only one currently satisfies these three criteria: the Île-de-France Region Land Use (MOS) database. The “zoonotic barrier” effect is, along with spatial resolution, the best shared capability, whereas temporal resolution, along with the semantic resolution, is the least well shared.
- Les oiseaux anthropophiles : définition, typologie et conservation - Laurent Godet p. 492-133 Une grande partie de terres émergées et des océans est aujourd'hui transformée, exploitée et habitée par les humains. Dans ce contexte, certaines espèces d'oiseaux ont adopté une vie à leurs côtés. Cet article propose d'explorer cette « anthropophilie » sous plusieurs facettes : la définition de ce concept d'abord, puis les mécanismes ayant conduit les oiseaux à vivre aux côtés des humains, mais aussi les impacts de l'anthropisation sur les oiseaux, et, enfin, l'influence que peut avoir ce concept lorsqu'il est utilisé dans le domaine de la gestion et de la conservation de la nature. Au-delà de l'aspect plutôt réjouissant qu'il y a à observer certaines espèces d'oiseaux au sein de milieux anthropiques aussi inattendus que des clochers de cathédrales, ce qui a conduit les oiseaux à vivre aux côtés des humains diffère beaucoup d'une espèce à l'autre et cette « nouvelle vie » est loin de leur être toujours favorable en matière de succès reproducteur et de taux de survie. L'anthropophilie de quelques espèces ne doit en effet pas masquer les impacts généralement négatifs de l'anthropisation des milieux sur l'avifaune à de larges échelles spatiales, au point que nous soulignons l'intérêt urgent qu'il y a à conserver précisément des milieux et espèces qui ne sont pas associés aux humains, qui sont, eux, de plus en plus rares.Most of the earth terrestrial areas as well as the oceans are now transformed, exploited and inhabited by humans. In this context, several bird species now live in the neighbouring human living and working areas. This article aims to explore the different facets of this anthropophily : the definition of this concept, the processes leading to the life with humans as well as the impacts of the anthropization on birds, and, finally, the influence of this concept in the field of wildlife management and conservation. Looking beyond the pleasing aspect of of seeing a range of species within anthropogenic landscapes such as cathedral spires, the reasons that led to the anthropophily of these birds is very different between species. Moreover this “new life” alongside humans is far from being always beneficial to birds in terms of reproductive success and survival rate. The anthropophily of some bird species should not be allowed to hide the overall negative impacts of anthropization on avifauna at large spatial scales, to the point that the authors stress the urgent need for a conservation of the habitats and the species that are not associated with humans, which are increasingly rare.